Interview : Costa-Gavras

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Interview : Costa-Gavras

À 86 ans, Costa-Gavras signe un de ses meilleurs films avec Adults in the Room , qui traite de la crise grecque et de sa gestion par la commission européenne à travers la figure de Yanis Varoufakis, le ministre des finances Grec, qui a mené les négociations avec les instances européennes sur la restructuration de la dette de son pays. A l’occasion de sa sortie en dvd, voici l’interview que nous avait accordé le réalisateur lors de sa venue à Nice pour l’avant première…

On se doutait bien que la crise grecque ne vous laisserait pas indifférent. Mais pourquoi l’avoir abordée à travers la figure de Yanis Varoufakis ?

Je me suis effectivement intéressé à la crise depuis ses débuts en 2009-2010 et j’ai commencé à amasser de la documentation en vue d’en parler dans un film. Mais je ne trouvais pas d’angle d’attaque. Jusqu’à ce que je commence à m’intéresser au personnage de Varoufakis qui a été le seul à démissionner du gouvernement après le référendum. Je l’ai rencontré et il m’a tout raconté des négociations qu’il avait menées avec la commission européenne. Mieux : il m’a fait écouter les enregistrements qu’il avait faits de leurs discussions car il n’y avait pas de compte rendu de ces réunions et les déclarations des uns et des autres à la presse étaient souvent contradictoires. C’était passionnant. Il avait commencé à écrire son livre et il m’a envoyé les nouveaux chapitres au fur et à mesure. J’ai tout de suite vu que c’était par lui que je devais raconter cette tragédie, car il s’agit d’une tragédie

Pourtant, c’est plus un film sur l’Europe que sur la crise grecque…

Par pudeur, j’ai choisi de ne montrer les conséquences de la crise qu’à travers les images d’actualité et celles des manifestations. Les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, sont responsables de la situation, mais l’Europe l’est aussi puisqu’elle a continué à faire crédit à la Grèce en sachant très bien qu’elle ne pourrait jamais rembourser. La difficulté c’était de montrer tout cela sans noyer le spectateur sous des tonnes de chiffres et de graphiques.M’attacher à la personnalité de Varoufakis m’y a bien aidé. Surtout avec un acteur de la classe de Christos Loulis pour l’incarner.J’avais l’impression de filmer le vrai Varoufakis.

D’ailleurs, tous les acteurs sont formidables…

Le fait de tourner dans la langue de chaque pays représenté a obligé à trouver des acteurs peu connus mais de grand talent.La plupart viennent du théâtre. Évidemment ça a rendu le financement plus compliqué que si on avait pris des stars mais c’était une exigence pour la crédibilité du film.

Le constat que vous tirez de tout cela est assez pessimiste. Comme si quels que soient les gouvernements ou les hommes rien ne pouvait changer réellement le cours des choses…

C’est vrai que Tsípras a fait trop de promesses pour se faire élire.Il était évident qu’il ne pourrait pas les tenir. Mais le peuple est aussi responsable d’avoir fait semblant d’y croire. Comme le dit le titre, inspiré d’une sortie de Christine Lagarde pendant les réunions : il faudrait un peu plus d’adultes dans la pièce !

Christine Lagarde est d’ailleurs la seule interlocutrice de Varoufakis à trouver un peu grâce à vos yeux…

Oui, c’est une femme, elle dirigeait le FMI et elle avait une vision un peu différente des autres.Elle a été la première à reconnaître que ce que l’on infligeait au peuple Grec n’était pas supportable.On peut espérer que ses nouvelles fonctions à la Banque centrale européenne aideront à résoudre la crise…

Car la crise n’est pas terminée ?

Oh non ! Si on continue sur la voie qui a été prise, le peuple Grec en a encore pour 15 ans à souffrir. Songez que 500000 personnes ont déjà quitté le pays : des cadres et des jeunes diplômés pour la plupart.C’est une perte de richesse considérable…

Cet exode fait-il écho à celui que vous avez connu dans votre propre jeunesse ?

Bien sûr. Sauf qu’à mon époque, c’étaient les pauvres sans qualification qui quittaient le pays, pas les cadres, ni les diplômés.

 

By |avril 3rd, 2020|Categories: ça vient de sortir|0 Comments

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