Qui se souvient de Jean-Pierre Massiera ? Dans les années 70, ce Niçois produisait à la chaine, sous des noms divers (Grand Prix, Charlie Mike Sierra, Herman Rockets…), des musiques synthétiques, dont certaines, comme «Space Woman», font encore l’objet de véritables cultes dans certaines contrées nordiques.«C’était le pape de la musique cosmique» se souvient Oncle O, graphiste, DJ, mélomane érudit, collectionneur et compilateur émérite de la série Cosmic Machine, dont le volume 2 vient de sortir chez Because.L’autre grand nom (inconnu) du genre, c’est Roger Roger.Un de ses titres, «Vadrouillard 3» figure en bonne place sur Cosmic Machine 2.«Mais il était plus dans l’illustration sonore, alors que JP Massiera enregistrait des disques commerciaux dans les studios de la Méditerranée, qui sont devenus en quelques années l’épicentre du mouvement» précise Oncle O. Bien avant la French Touch, en effet, les musiciens français se sont passionnés pour la musique électronique et en ont enregistré des kilomètres. Au début des années 70, Jean Michel Jarre n’était pas le seul à faire joujou avec les nouveaux synthétiseurs (Moog et consorts), qui commençaient à envahir le marché. Christophe, par exemple, s’y est mis bien avant son coming out electro de Bevilacqua, dans les années 90.Même des artistes aussi improbables que Nicolas Peyrac, Alain Chamfort ou Pierre Bachelet se sont commis dans des cosmiqueries qu’ils n’osaient pas toujours signer de leur vrai nom. «Retrouver les crédits a parfois été compliqué, confirme Oncle O. Ne parlons même pas des bandes masters.La plupart des titres compilés sur CM1 et 2 ont dû être numérisés directement à partir des vinyles de ma collection».Il faut dire que le bon tonton a accumulé au fil des ans un véritable trésor de quelque 10000 disques vinyles, dont il a déjà tiré la mythique série de compiles Shaolin Soul. Question musique cosmique, Oncle O a de quoi alimenter encore quelques parutions: «On pourrait faire facile cinq ou six disques si on se décide à publier les morceaux les plus longs» affirme-t-il.Certains titres tenaient en effet sur une, voire deux faces de 33 tours, le souci principal de leurs auteurs n’étant pas d’être programmé à la radio, ni de truster les hit parades.A quoi marchaient-ils ? La question peut se poser quand on écoute certaines productions.Oncle O veut croire que c’était pour l’intérêt de la science musicale : «Ils découvraient ces machines et apprenaient à s’en servir en même temps qu’ils enregistraient.Certaines étaient assez complexes.Mais les sons qu’on pouvait en tirer étaient si originaux pour l’époque que je comprends que certains musiciens se soient mis à composer dessus». En dehors du plaisir de la découverte et de la nostalgie d’une époque où la musique n’était pas encore formatée, peut-on encore réellement écouter cette musique? Le succès de la première compilation CM semble indiquer que oui.«Il y a de vrais tubes comme «Pop Corn» d’Anarchic System, «Oxygene» de JM Jarre ou certains titres de Cosmic Disco, le mouvement qui a succédé à la vague psychédélique, estime Oncle O. Les films de Science Fiction, comme Star Wars ont beaucoup contribué à relancer la vogue de la musique cosmique.Et certains sons demeurent très actuels: ils sont d’ailleurs largement samplés par les rappeurs ou les artistes de R’n’B comme Jay Z… Tout le courant French Touch, de Daft Punk à Air, vient directement de là». Les musiciens cosmiques n’étaient donc pas seulement, comme une écoute hative de leurs productions pourrait le laisser penser, de doux illuminés barrés dans les étoiles sous l’effet de quelques substances hallucinogènes… Ils étaient en avance sur leur temps: de vrais visionnaire !
Cosmic Machine 2
A Voyage Across French Cosmic & Electronic Avantgarde (70-80's)
(Because)
Joue-la comme Godard
ça vient de sortir|
Par Ph.D
Première parution d’un nouvel éditeur Niçois, Les Livres de la Promenade, Joue-la comme Godard est une commande faite au chroniqueur et écrivain Laurent Sagalovitsch : raconter la dernière édition du tournoi de Roland Garros comme aurait pu le faire Jean-Luc Godard (grand amateur de tennis devant l’Eternel), s’il avait concrétisé son idée de suivre un joueur au hasard dans son parcours sur le plus célèbre des tournois de terre battue. D’où le titre de l’ouvrage, emprunté à celui d’une comédie sur le football qui connut un certain succès au début du millénaire (Joue-la comme Beckham). Ex- joueur classé lui-même et toujours plus ou moins passionné de tennis, Sagalovitsch est donc retourné à Roland Garros, où il n’avait plus mis les pieds depuis des lustres, pour suivre le tournoi en se tenant à la ligne de conduite fixée par JLG : au hasard Balthazar ! Cela donne un texte plein d’humour, plus centré sur le tennis que sur le cinéma, et plus accessible que la plupart des films de Godard. A lire en attendant le prochain Roland Garros.
Simon Liberati : Stanislas
ça vient de sortir|
Par MAB
En septembre 1965, Simon Liberati entre à Stanislas en classe de onzième, le CP d’aujourd hui. Ses parents – lui, ancien surréaliste, elle, ex danseuse aux Folies Bergères – l’ont inscrit dans cette prestigieuse institution catholique de la rue de Rennes pour le protéger de la délinquance et de la drogue qu’ils pensent inévitables dans le public. Souci qui ne manque pas d’ironie quand on connaît l’hygiène de vie future de leur rejeton chéri ! Résultat, Simon se trainera douze ans à « Stan » avant d’être exclu juste avant le bac, afin que ses résultats médiocres ne fassent pas chuter le taux de réussite de l’établissement parisien. Aujourd’ hui, à soixante-cinq ans, l’écrivain évoque ces années scolaires qui l’ont fait passer, non sans mal, de l’enfance à l’adolescence. « Je noircis sûrement pour faire l’intéressant, mais je n’y peux rien. Mon enfance est manichéenne, d’un côté le bonheur paisible à la maison (enfant unique choyé par sa mère ) , de l’autre l’enfer à l’école ». Pourquoi ce portrait intime, après tout aussi opportuniste que narcissique, vaut-il d’être lu? D’abord pour une mauvaise raison: Au départ, il peut sembler faire écho à toutes les « affaires » qui ressortent ces temps-ci. Qu’elles viennent de Betharram ou de quelques autres collèges privés. Ensuite, pour une bonne, celle-là: A la lecture, on découvre que Liberati, appelé « Liboche » dans la cour de récréation, a beaucoup moins subi des enseignants (qui, pour autant n’ont pas su le protéger ) que des garçons de son âge. Des gosses de riches , dont il donne les noms, et qui pour certains d’entre eux, se révélaient cruels par naissance. Enfin, parce qu’en parlant librement de lui, de ses rapports à sa famille, à ses maîtres, aux nombreuses lectures qui l’ont nourri, Liberati évoque les années soixante -soixante dix, et la génération en voie de mutation qui les a vécues. Sa mélancolie est contagieuse.
Une Nuit en France
ça vient de sortir|
Par MAB
Samedi 18 novembre 2023, à Crepol (Drôme ) Thomas, encore adolescent, meurt d’un coup de couteau en plein cœur à la fin d’un bal. Trois autres personnes sont grièvement blessés. Très vite l’information se répand que les jeunes agresseurs seraient originaires de la Monnaie, quartier sensible de Romans-sur-Isère. Le drame s’enflamme. Provoque des réactions extrêmes et propage la haine sur les réseaux sociaux. Non seulement, il secoue immédiatement les politiques français dont certains parlent d’ « ensauvagement de la France« . Mais continue, plus d’un an après, à susciter des réactions épidermiques. Preuve en est le cyberharcelement et les menaces de mort que subissent les trois auteurs , – traités pour faire court d’islamo gauchistes- du livre-enquête Une nuit en France . Alors passons outre l’emballement médiatique provoqué par le livre et lisons-le. Les deux journalistes, Jean-Michel Decugis et Marc Leplongeon, ainsi que la romancière Pauline Guéna se veulent précis et chronologiques, poussant leurs interrogations bien au delà du fait divers. Tout est donc la : Crepol, « village de 568 habitants, austère, taiseux, comme la France en compte tant » Puis la cité de la Monnaie à quinze kilomètres. « A droite, un KFC. A gauche des petites barres d’immeubles défraichis. Plus loin la mosquée, une des deux que compte ce quartier de 3000 habitants ». Suit l’organisation de la soirée dans la salle des fêtes. Les vigiles qui fouillent les sacs et retirent quelques couteaux « pour couper le shit »(?!) Puis la danse, l’alcool, la drogue et les embrouilles qui commencent. On entend des insultes « anti blancs », des coups qui partent, des couteaux qui sortent, deux clans qui s’affrontent jusqu’au chaos, jusqu’à ce que Thomas, pris dans la mêlée, rende son dernier souffle. Lisez cette anatomie d’un fait divers qui a déchiré le pays. Vous en apprendrez tellement plus que l’on ne peut écrire ici sur l’état d’une certaine jeunesse et de certains lieux de notre république. Car tout est dit. « Rien n’est caché» selon les auteurs qui poursuivent loin leurs investigations, faisant entendre tous ceux qui, de près ou de loin, étaient concernés. Le constat s’il est amer, n’est pas- à nos yeux en tout cas – partisan. Et les faits sont suffisamment confus, contradictoires et désespérants pour que personne ne s’arroge le droit de les récupérer. A lire pour comprendre où l’on en est.
Le Fil
ça vient de sortir|
Par J.V
Le pitch
Depuis qu’il a fait innocenter un meurtrier récidiviste, Maître Jean Monier (Daniel Auteuil) ne prend plus de dossiers criminels. La rencontre avec Nicolas Milik (Grégory Gadebois), père de famille accusé du meurtre de sa femme, le touche et fait vaciller ses certitudes. Convaincu de l’innocence de son client, il est prêt à tout pour lui faire gagner son procès aux assises, retrouvant ainsi le sens de sa vocation…
Ce qu’on en pense
Après diverses « Pagnolades », Daniel Auteuil réalisateur s’essaie au film de procès avec ce drame tourné dans le Sud de la France et notamment à Draguignan. Se confiant le premier rôle, Auteuil acteur y retrouve Gregory Gadebois avec lequel il forme un duo touchant. Dommage que la mise en scène soit si pépère et le scénario , adapté de nouvelles de l’avocat Jean-Yves Moyart, si prévisible malgré un twist final peu convaincant.
Beetlejuice Beetlejuice
ça vient de sortir|
Par Ph.D
Le pitch
Après une terrible tragédie, la famille Deetz revient à Winter River. Toujours hantée par le souvenir de Beetlejuice (Michael Keaton), Lydia (Winona Ryder) voit sa vie bouleversée lorsque sa fille Astrid (Jenna Ortega), adolescente rebelle, ouvre accidentellement un portail vers l’Au-delà. Alors que le chaos plane sur les deux mondes, ce n’est qu’une question de temps avant que quelqu’un ne prononce le nom de Beetlejuice trois fois et que ce démon farceur ne revienne semer la pagaille…
Ce qu’on en pense
35 ans après sa sortie, Beetlejuice fait partie de ces films cultes qui se transmettent d’une génération à l’autre et qu’on revoit avec une pointe de nostalgie. A la demande générale, Tim Burton en livre une suite, moins bricolée mais plus banale. On retrouve avec plaisir Michael Keaton et Winona Ryder dans les rôles de Lydia et de Beetlejuice et on attend avec curiosité de voir ce que le scénario leur réserve. On est prêt à aimer aussi les nouveaux personnages (dont la fille de Lydia, jouée par Jenna Ortega dans un rôle proche de celui de Mercredi ) et à se laisser emporter par la fantaisie débridée du maître d’oeuvre, au rythme de la BO endiablée de Danny Elfman. Mais la magie s’est envolée. On aura beau l’invoquer par trois fois, l’âme de Beetlejuice ne reviendra pas. Comme le laisse présager son titre, Beetlejuice Beetlejuice n’est qu’une aimable redite. Une simple comédie horrifique, qui joue sur la nostalgie et les références au premier film sans en créer de nouvelles. L’univers poetico-morbide de Tim Burton n’a pas changé, il a juste un peu vieilli. Comme les spectateurs de Beetlejuice 1, il a perdu son innocence.
Leave A Comment