On a découvert les chansons du nouvel album de Bruce Springsteen dans le makin of de l’album qu’Apple TV+ a diffusé la veille de la sortie du disque. Un film de 90 minutes en noir et blanc où on voit le Boss enregistrer l’album « live en studio » avec le E Street Band, dans leur local du New Jersey. Entre deux toasts (ça picole sec) et trois compos dont on le voit parfois chanter la démo pour le groupe en s’accompagnant à la guitare acoustique, le Boss contextualise et se raconte en voix off, comme il l’avait fait pour son show de Broadway et pour le film du concert de Western Stars (tous deux également réalisés par Thom Zimny). Il explique n’être jamais lassé de la conversation qu’il a entamée avec son public il y a plus de 40 ans et constate épaté, en écoutant les bandes, que son groupe joue mieux que jamais. Effectivement, dès que le E Street Band se met en branle les chansons prennent une ampleur formidable. Ainsi enregistrées (en 5 jours chrono), elles ont la puissance et la spontanéité du live. Les textes ont beau paraître parfois simplistes, des thématiques fortes s’en dégagent : le temps qui passe, les amis qui s’en vont, la vie qui file, les bonheurs qu’elle dispense (l’amitié, l’amour, la beauté du monde, la musique) et dont il faut profiter avant qu’il ne s’enfuient… L’album est dédié à George Thiess, avec lequel Bruce avait formé son premier groupe en 1965, les Castiles, dont il est aujourd’hui le dernier membre survivant. Il compte aussi deux chansons écrites avant Greetings From Ashbury Park, auxquelles le groupe donne une nouvelle vie. Après la parenthèse Broadway et son album country (Western Stars), le Boss revient à ses racines avec cet album à la fois spontané et nostalgique, plein de guitares et de glockenspiel, qui ravira les fans de la première heure. On prie pour que le Covid le laisse venir le jouer chez nous, puisqu’on apprend dans le film que la tournée mondiale était censée débuter au stade de San Siro, à Milan.
La chair des autres
ça vient de sortir|
Par MAB
L’an dernier à Avignon, Claire Berest a suivi, pour Paris Match , les audiences du procès des viols de Mazan. De cette expérience et de son obsession du fait divers, elle a construit un témoignage remarquable qu’elle a intitulé « La Chair des autres ». Une œuvre sensible de véritable écrivaine et philosophe qui, prenant pour modèle « L’Adversaire » d Emmanuel Carrere ( sur le meurtrier Jean-Claude Romand ) se met à distance honnête du sujet. « Pour se donner le droit de parler de l’autre » précise-t-elle en préambule, «La politesse serait de dévoiler d’où l’on parle. De faire corps sans s’effacer ». D’où son choix de s’installer sous nos yeux sur les bancs de la presse pour nous raconter ce qui se passe et se dit dans le prétoire. On y entend les différents accusés tentant de souligner leur banalité, les interventions de Dominique Pelicot et de son avocate « du diable » Béatrice Zevarro. On perçoit le dégoût de l’assistance à la vue des vidéos. On saisit la personnalité du juge Arata qui aurait voulu le huis-clos. Et l’on comprend, enfin, l’attitude remarquablement combative de Gisèle Pelicot qui « a décidé que la dignité humaine ne se jouerait pas dans la pudeur mais dans la confrontation » . Il y a déjà eu des ouvrages sur Mazan et il y en aura d’autres. Celui-là, plus qu’un autre sans doute, plonge sans voyeurisme, dans les coulisses du mal, souligne le point de bascule de la normalité à la monstruosité, élargit l’introspection aux lectures et au vécu de la narratrice comme aux vécus des autres trop nombreuses femmes violées et de leurs bourreaux. Se faisant, il s’interroge aussi sur le bien et fait de Gisèle une victime debout, devenue icône de la cause des femmes. A lire, même si c’est le même magazine, pour qui Berest a couvert le procès, qui vole aujourd’hui des photos de Gisèle Pélicot tentant de se reconstruire!
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