Par Philippe Dupuy
Dans la dernière ligne droite, les projections s’emballent et on doit se résoudre à l’évidence : on ne pourra pas tout voir…
Après Bac Nord, choc de l’édition de juillet, Cédric Jimenez est de retour avec son film sur les attentats du 13 novembre. Enfin, plutôt sur les suites des attentats puisque ceux ci sont laissés rigoureusement hors champ au profit de la traque des terroristes survivants dans les jours qui ont suivi. C’est Jean Dujardin qui commande. Pas forcément la meilleure idée de casting… Sandrine Kiberlain est sa supérieure mais n’a pas grand chose à jouer. C’est Anaïs Demoustier qui tire son épingle du jeu en enquêtrice gaffeuse. Et surtout Lyna Khoudry, la révélation de Papicha, dans le rôle de la jeune beur qui a dénoncé les terroristes. Car, Jimenez a beau empiler les clichés du film d’espionnage anti terroriste et faire de la cellule que dirige Dujardin l’annexe de la CIA dans Jason Bourne, sans ce renseignement miraculeux les tueurs auraient sans doute réussi à passer entre les mailles du filet. On se demande donc pourquoi le réalisateur a choisi le point de vue des flics plutôt que celui de la jeune femme ? D’autant que le film nous apprend qu’elle a dû se battre pour obtenir la couverture qui lui avait été promise et sans laquelle elles n’aurait certainement pas survécu à la vengeance des jihadistes. Il y avait là matière à un film autrement plus intéressant…
Avec Les Amandiers , Valeria Bruni Tedeschi revient sur ses années de formation au théâtre du même nom, dirigé par le charismatique Patrice Chereau. La réalisation est brillante et le casting de jeunes comédiens est top. Louis Garrel joue un Patrice Chereau habité et dictatorial. Nadia Tereszkiewicz est le double de l’auteure dans ses vingt ans. Tout le monde couche avec tout le monde, les filles envoient valser leurs chaussures et leur culotte à la moindre occasion, les gars fument et se cament avec l’air sombre et fievreux. On improvise des scènes hystériques. Le Sida rode… On aurait voulu se laisser emporter par la passion qui anime tout ce joli petit monde, mais on est resté totalement extérieur à l’affaire. Ces théâtreux donnent envie de les laisser théâtrer entre eux.
Nos Frangins de Rachid Bouchareb revient sur l’affaire Malik Oussekine quelques jours après la sortie, sur Disney +, d’une remarquable série qui lui est également consacrée. La comparaison se fera, hélas, au détriment du film dans lequel Bouchareb fait une fixette sur la conversion au catholicisme envisagée par Malik (pour mieux s’intégrer) et mélange beaucoup de choses, à commencer par la chronologie, pour un résultat assez peu convainquant. L’intéret du film est de mettre en parallèle la mort de l’étudiant tabassé par les voltigeurs de la police et celle, la même nuit d’Abdel Benyahia sous les balles d’un policier ivre. Celle-ci avait été quelque peu occultée par celle-là. Et pour cause : la police a retenu l’information sur la mort d’Abdel pendant 48 heures, y compris auprès de ses parents ! Le film lui rend donc justice et c’est trés bien. Pour Oussékine on conseillera plutôt de voir la série du même nom.
Palmé en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, le roumain Cristian Mungiu brigue une deuxième Palme d’or avec son nouveau film R.M.N : l’histoire d’un village perdu à la frontière de la Roumanie et de la Hongrie dont le principal employeur , une boulangerie industrielle, doit recruter des travailleurs sri lankais pour pallier au manque de main d’oeuvre local. Les jeunes du pays préfèrent, en effet, partir travailler en Allemagne où les salaires sont plus élevés. Pourtant, ceux qui restent voient d’un très mauvais oeil l’arrivée d’immigrés qu’ils accusent de tous les maux. La situation s’envenime et Csilla (Judith State), la jeune contremaitre de l’usine, ne peut rien faire pour empêcher l’expulsion de ses nouvelles recrues. Une bonne illustration des méfaits de la mondialisation et du racisme mais qui traine un peu en longueur. On a connu Mungiu plus tranchant.
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