Par MAB
La situation de Reste est non seulement totalement improbable, mais hautement dérangeante, voire complètement tordue ! Sauf que l’écriture d’Adeline Dieudonné est si simple, si contemporaine, voire si poétique parfois pour décrire un amour fou, que non seulement on y croit du début à la fin, mais que l’on prend un vrai plaisir à cette déambulation macabre. Six jours et six nuits de déraison totale à la suite d’une narratrice qui se balade avec le corps de son amant, M, mort noyé dans le lac du chalet où ils se retrouvaient clandestinement. Six très longs moments insolites durant lesquels, cette prof de français de 41 ans et mère d’une gamine, écrit aussi deux longues lettres à l’épouse qu’elle n’a jamais rencontrée et qui ignorait tout de cette liaison commencée huit ans plus tôt : « Il n’y a pas de morale à cette histoire. Tout ce que je sais – dit la protagoniste– c’est que je vous dois les faits. Je vais donc m’attacher à les relater pour vous et sans doute aussi pour moi, avec toute la précision dont je suis capable. Ils m’emmèneront sur des territoires obscurs, dans les marécages de ma conscience et pour quelques secondes encore, contre la peau de M »… Comment qualifier le genre du troisième roman de la belge Adeline Dieudonné après La vraie vie (Grand prix des lectrices de Elle, prix Renaudot des lycéens ) et l’incendiaire Kerozène ? Il prend par moments des allures de western horrifique. A d’autres, il verse dans l’introspection psychologique et le bilan de vie d’une femme émancipée qui fait le compte de ses hommes et réalise qu’elle n’est pas faite pour la vie de couple. Reprend le chemin du réalisme morbide par des détours vers la drôlerie décalée de série Z. Avant de terminer cette noirceur romantique par la démonstration ultime d’une passion dévastatrice. Malaisant. Volontairement de mauvais goût parfois. Comme un bon scénario de long-métrage déjanté. Mais à l’épilogue d’une grande beauté. Impossible de résister.
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