L’île n’est pas nommée. Mais il s’agit de Noirmoutier. Antoine (Grégoire Monsaingeon) a grandi là. Il est marin pêcheur. Chiara (Cécile de France) venue de Belgique pour vivre avec lui, travaille à ses côtés depuis vingt ans. Tous deux bossent dur et gagnent peu. Mais pas le temps de se plaindre. tout va bien… jusqu’à l’arrivée de Maxence (Félix Lefebvre) , un jeune apprenti qui va bousculer les certitudes de Chiara et donc l’équilibre de son couple…
Ce qu’on en pense
La passagère est un film d’amour et d’adultère au féminin. Une histoire banale, en somme, comme il en existe tant dans la littérature romanesque. Sauf qu´Héloïse Pelloquet, la réalisatrice s’éloigne des sentiers parisiens ou bourgeois qu´un tel sujet emprunte souvent pour se pencher avec naturalisme sur une travailleuse de la mer. Une solide femme de quarante cinq ans , sans artifice, formidablement interprétée par une Cécile de France épaissie pour le rôle . Une prolétaire, mue par un désir soudain pour un jeune bourgeois de vingt ans son cadet… La caméra d Héloïse Pelloquet est toute simple pour suivre les travaux de la pêche au plus près des éléments naturels, charnelle pour s’approcher du désir brut des amants. Subtile pour suggérer la désapprobation de l’entourage… Quant-à l épilogue de ce film énergique et sincère, il est tout sauf convenu.
Date de sortie en dvd/vod 16 mai 2023 De Héloïse Pelloquet Avec Cécile de France, Félix Lefebvre, Grégoire Monsaingeon Nationalité France Genre Drame Durée 1h35
L’an dernier à Avignon, Claire Berest a suivi, pour Paris Match , les audiences du procès des viols de Mazan. De cette expérience et de son obsession du fait divers, elle a construit un témoignage remarquable qu’elle a intitulé « La Chair des autres ». Une œuvre sensible de véritable écrivaine et philosophe qui, prenant pour modèle « L’Adversaire » d Emmanuel Carrere ( sur le meurtrier Jean-Claude Romand ) se met à distance honnête du sujet. « Pour se donner le droit de parler de l’autre » précise-t-elle en préambule, «La politesse serait de dévoiler d’où l’on parle. De faire corps sans s’effacer ». D’où son choix de s’installer sous nos yeux sur les bancs de la presse pour nous raconter ce qui se passe et se dit dans le prétoire. On y entend les différents accusés tentant de souligner leur banalité, les interventions de Dominique Pelicot et de son avocate « du diable » Béatrice Zevarro. On perçoit le dégoût de l’assistance à la vue des vidéos. On saisit la personnalité du juge Arata qui aurait voulu le huis-clos. Et l’on comprend, enfin, l’attitude remarquablement combative de Gisèle Pelicot qui « a décidé que la dignité humaine ne se jouerait pas dans la pudeur mais dans la confrontation » . Il y a déjà eu des ouvrages sur Mazan et il y en aura d’autres. Celui-là, plus qu’un autre sans doute, plonge sans voyeurisme, dans les coulisses du mal, souligne le point de bascule de la normalité à la monstruosité, élargit l’introspection aux lectures et au vécu de la narratrice comme aux vécus des autres trop nombreuses femmes violées et de leurs bourreaux. Se faisant, il s’interroge aussi sur le bien et fait de Gisèle une victime debout, devenueicône de la cause des femmes. A lire, même si c’est le même magazine, pour qui Berest a couvert le procès, qui vole aujourd’hui des photos de Gisèle Pélicot tentant de se reconstruire!
Vous reconnaîtrez certainement l’influence de La Route de Cormac McCarty dans l’intrigue de « La frontière sauvage« . Influence, d’ailleurs, totalement assumée, puisque l’auteur, narrateur et personnage y fait référence dans ses pages. Nous sommes au Printemps 2020. Un diabolique virus a confiné la France. Eliott coule des jours tranquilles auprès de Florence à Bernay, son authentique bourgade natale de Normandie. Ils forment un couple d’aujourd’hui. Sans enfant. Mais avec un chat, Mathias, dont ils prennent soin avec amour. Tout va bien. Le confinement est une aubaine pour la paresse du graphiste. Or, brutalement, alors qu’il avait falsifié son bon de sortie, Eliott voit surgir d’un bois une bande de brutes se précipitant sur une jeune cycliste. Un premier choc annonciateur d’une barbarie de plus en plus insoutenable. Le couple doit quitter sa maison dévastée, prendre la route en compagnie de Mathias, traverser la campagne verdoyante des bocages normands et se confronter à une violence inouïe, entrecoupée par quelques moments d’accalmies, aussi pathétiques et prophétiques que drôles parfois . Des retournements et surprises qu’il ne faut surtout pas éventer. Évidemment, si l’avenir vous angoisse et si les descriptions macabres vous rebutent, passez votre chemin. En revanche si les dystopies les plus cyniques et leur humour grinçant sont pour vous des thérapies, cette « Frontière sauvage » vous fera passer un moment délirant. Outre Cormac McCarty, cité plus haut, on songe aussi au français Houellebecq par moment. En tout cas, on verrait bien – Gastines est aussi scénariste et réalisateur – une adaptation à l’écran.
Alors que la sélection du 78e Festival de Cannes vient d’être annoncée, le réalisateur, scénariste et écrivain Santiago Amigorena raconte les moments contrastés passés, depuis 1985, dans ce lieu d’illusions. Paraphrasant Proust jusque dans son style travaillé, il a intitulé ce troisième volume autobiographique « Le Festival de Cannes ou le temps perdu ». Une façon pour lui de raconter sa vie par le prisme grossissant et déformant de cette foire aux vanités. Rien d’original dans ce qu’il relate. Mais pour le lecteur, le plaisir d’entrer, à la fois de l’autre coté du miroir et dans l’intimité d’un faux « privilégié » un brin narcissique et passablement amer. D’abord, pour le parfait inconnu qu’il fut, les attentes interminables pour obtenir le carton d’une projection. Les hôtels miteux et les stratagèmes pour s’incruster dans les fêtes. Puis pour le co-scénariste débutant du « Péril Jeune » de Cédric Klapisch, les contacts en hausse. Les dîners qui se proposent. Le smoking pour les marches. Ensuite, l’évocation, pour le coup, très impudiques et larmoyantes des actrices aimées, supportées et desaimées: deux enfants avec Julie Gayet et deux ans de relation glamour avec la présidente du jury de cette 78 eme édition, Juliette Binoche. Au fil des lignes, Cannes devient alors autre chose qu’un lieu de cinéma mais celui des féroces mondanités. Surtout de tout ce que l’on se construit soi-même pour s’élever, souffrir et se tromper de vie. « Lorsque l’on atteint son but, la triste réalité de ce que l’on convoitait, s’offre à nous dans tout son terne éclat » conclut Santiago. Seul l’âge et l’écriture, permettent alors de se rendre compte de son erreur. Plus intéressant au final que l’on ne pensait en ouvrant l’ouvrage.
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