Par MAB
Jeune, Ivan Jablonka écoutait plus volontiers Renaud ou Gainsbourg. Il dit même que Goldman était assez méprisé par l’élite intellectuelle de son époque. Mais il est historien. S’intéressant à la chanson de variété comme phénomène du collectif, il s’est donc tout naturellement tourné vers l’ascension régulière du chanteur de « Là-bas » « Elle a fait un bébé toute seule » et « Comme toi »… Le résultat est une somme de plus de 400 pages, avec tableaux comparatifs et notes de bas de pages qui commence ainsi : « Le 6 mars 1982 à Paris, un chanteur inconnu venu en scooter, franchit le seuil de l’Espace Cardin où est présenté en direct l’émission Champs-Élysées. C’est un jeune homme de trente ans à l’air emprunté, d’apparence assez quelconque, veste grise, jean,chemise blanche, cravate… ». Qui se serait douté, s’interroge Jablonka, que ce grand timide obligé de prendre des bêtabloquants pour monter sur scène allait rester longtemps – jusqu’en 2022 alors qu’il ne chantait plus depuis dix ans – la personnalité préférée des français ? Pourquoi tant d’amour pour un artiste modeste et humble qui s’est longtemps déclaré « vendeur de pompes » plutôt que musicien pour lui et les autres (notamment Céline Dion) ? Pourquoi un tel engouement pour un solitaire qui, en rupture avec le star system, vivait la notoriété comme une souffrance et finit par disparaître après avoir initié discrètement Les Enfoirés ? Sans doute parce que ce fils d’immigré juif, était associé à une certaine idée de la France, celle de la méritocratie et de la sociale démocratie. Que ses chansons parlent du quotidien et des aspirations de chacun – et surtout chacune- d’entre nous. Et que, au fond, quelles que soient les modes et les humeurs des temps, l’homme est resté farouchement authentique, tentant de « Changer la vie » sans se trahir . Lisez l’ouvrage de Jablonka, vous chantonnerez les mélodies , revisiterez les textes et vous souviendrez des généreuses et empathiques « années Goldman ».
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