Par Philippe DUPUY
En octobre 1973, Bob Marley & the Wailers tournent aux Etats-Unis espérant enfin décrocher la timbale. Rudoyés par le public en première partie de Bruce Springsteen, ils se font éjecter de la tournée de Sly & the Family Stone : trop mal sapés, pas assez funky. Désoeuvré, le groupe, que Bunny Wailer vient de quitter (remplacé par Joe Higgs), mais qui compte encore Peter Tosh dans ses rangs, se réfugie dans un studio de la tour Capitol Records à Los Angeles pour filmer une session live. Les caméras de Denny Cordel captent un groupe de musiciens au naturel, mal fagotés, qui se roulent de monstrueux pétards de ganja avant d’entamer la séance, plaisantent entre les morceaux, s’interrompent et reprennent quand ils se plantent, font durer une intro le temps que tout le monde soit dans le tempo… Coiffé d’un bonnet de grand mère, Peter Tosh ne quitte pas ses lunettes noires et ouvre la séance avec « You Can’t Blame the Youth« . Concentré sur sa guitare et ses choeurs, il ne lâche pas un mot. Le jeune Bob Marley, qui n’arbore pas encore de dreadlocks et porte une veste en jean, parait plus relax en début de séance mais semble entrer en lui-même au fil des morceaux pour finir sur un « Get up Stand up » littéralement possédé. Le groupe joue à l’os un reggae tranchant, archaïque, limite punk. Les grandes chansons de Marley (« Burnin’ and Lootin » , « Kinky Reggae », « Stir It Up », « No More Trouble » …) sont déjà là, mais dans leur forme brute, sans la patine que leur donnera ensuite le succès public. Capitol Session 73 montre et fait entendre les Wailers d’avant la reconnaissance : un groupe de musiciens faméliques et enragés. Oublié pendant plus de 20 ans, enfin restauré et remastérisé le film est un document formidable et historique. Mais on recommande aussi la version CD audio, dans laquelle les chansons s’enchainent sans temps morts et qui constitue le meilleur live de Bob Marley avec les Wailesr (presque) originels.
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