César 2024 : Le Palmarès
Par Ph.D
Un grand vainqueur annoncé (et, à notre avis, surcôté) : Anatomie d’une chute . Des prix de consolation pour le meilleur film français de l’année (Le Règne Animal). Une seule statuette pour le film le plus émouvant : Je Verrai toujours vos visages. La naissance d’une star : Raphaël Quenard, prix de la révélation (et du meilleur discours de réception). Un prix masculin volé à Raphaël Quenard (Arieh Worhalter pour Le Procès Goldman). Un Meilleur film étranger francophone (Simple comme Sylvain). Un prix féminin mille fois mérité : Sandra Huller. Un invité d’honneur snobé : Christopher Nolan (reparti sans la statuette du meilleur film étranger qui lui était promise pour Oppenheimer). Un César d’honneur mérité pour Agnès Jaoui, (qu’on reverra sans doute l’année prochaine pour Le Dernier des juifs). La vengeance de Judith Godrèche (voir vidéo). La revanche des femmes réalisatrices… Même Rachida Dati a passé une bonne soirée (et c’est rare pour une ministre de la culture aux César) : autant dire que la cérémonie des César 2024 a été un bon cru.
Le Cercle des neiges
Par Ph.D
Le Pitch
En 1972, un avion uruguayen transportant une équipe de rugby et ses accompagnateurs s‘écrase en plein cœur des Andes. Les survivants ne peuvent compter que les uns sur les autres pour réchapper au crash et survivre dans les glaces…
Ce qu’on en pense
Auteur d’un des bons films sur le tsunami de décembre 2004 (The Impossible avec Naomi Watts et Ewan McGregor) Juan Antonio Bayona signe pour Netflix la réalisation de ce drame qui raconte l’histoire des survivants du vol 571 qui s’est écrasé dans la Cordillère des Andes en 1972. L’avion transportait les joueurs d’une équipe de rugby et leurs accompagnateurs. Les survivants sont restés plusieurs semaines, sans équipements ni nourriture, dans le froid glacial des hauts sommets Andins, attendant des secours qui ne sont jamais venus. On l’a su bien après, mais pour ne pas mourir de faim, ils avaient dû se résoudre à manger la chair de leurs compagnons de voyage décédés. Une décision collective qui est au centre du film de JA Bayona, survival mystique et humaniste superbement écrit et réalisé. Sans voyeurisme, ni recherche du spectaculaire, Le Cercle des neiges montre comment rester humain dans des conditions inhumaines. Une leçon de cinéma et de (sur)vie.
The Killer
Par Ph.D
Le pitch
A Paris, un tueur à gages (Michael Fassbinder) attend patiemment d’éxécuter son contrat. L’échec de sa mission l’obligera à traquer les commanditaires à travers le monde avant qu’eux-mêmes ne le retrouvent…
Ce qu’on en pense
Pour clore son contrat de 5 ans avec Netflix, David Fincher adapte une BD française d’Alexis Nolent et Luc Jacamon. L’histoire d’un tueur à gages solitaire, dont Michael Fassbinder endosse la cape d’invisibilité (la tenue d’un touriste Allemand que personne ne calcule) et le mantra (« Tiens-toi au plan, n’improvise pas, ne fais confiance à personne... »). Mise en scène chirurgicale, voix off censée mettre le spectateur dans la tête du tueur, lenteur assumée, éclairs de violence, sauts géographiques Jamesbondiens , cameo réjouissant de Tilda Swinton, The Smiths dans les écouteurs du tueur… Le film n’a pas fait de vagues à La Mostra de Venise où Netflix espérait peut-être rééditer le coup de Roma, mais il se regarde avec plaisir en streaming. Le scénario en rappelle mille autres (à commencer par celui du Samouraï de Melville) et tient sur une ligne (voir pitch). D’un autre réalisateur que David Fincher, on ne chercherait pas plus loin. Mais s’agissant de l’auteur de Seven, Fight Club Zodiack, Mank et Mindhunter (les deux derniers pour Netflix), on se demande si, par hasard, ce Killer ne serait pas une incarnation de l’auteur, réduit aux basses oeuvres (tourner une série B pour Netflix), après avoir raté sa cible principale (Mank) ? Une perspective qui donne presqu’envie de le revoir.
Killers of The Flower Moon
Par Ph.D
Le Pitch
Au début du XXème siècle, le pétrole a apporté la fortune au peuple Osage qui, du jour au lendemain, est devenu l’un des plus riches du monde. La richesse de ces Amérindiens attire aussitôt la convoitise de Blancs peu recommandables qui intriguent, soutirent et volent autant d’argent Osage que possible, avant de recourir au meurtre…
Ce qu’on en pense
Présenté en avant-première à Cannes 2023 (hors compétition pour ne pas tuer le game), le nouveau chef d’oeuvre de Martin Scorsese arrive enfin sur les grands écrans. Et c’est bien là qu’il faut le voir, toutes affaires cessantes malgré sa durée un tantinet redhibitoire (3h26 au compteur), car c’est le plus grand film de l’année. Dans la lignée de The Will Be Blood , le chef d’oeuvre de de Paul Thomas Anderson auquel on ne peut s’empêcher de penser. Pour sa dixième collaboration avec Scorsese, Robert de Niro y retrouve enfin un rôle à sa (dé)mesure : celui de William « King » Hale , un homme sans pitié qui entraîne son neveu Ernest (Leonardo DiCaprio), à la fois complice et victime, dans un plan machiavélique pour accaparer les richesses des indiens. Un drame historique, épique et sanglant, réalisé de main de maître par un Scorsese au sommet de son art.
En même temps
Par Ph.D
Le pitch
A la veille d’un vote pour entériner la construction d’un parc de loisirs à la place d’une forêt primaire, un maire de droite (Jonathan Cohen) essaye de corrompre son confrère écologiste (Vincent Macaigne). Mais ils se font piéger par un groupe de jeunes activistes féministes qui réussit à les coller ensemble. Une folle nuit commence alors pour les deux hommes, unis contre leur gré…
Ce qu’on en pense
Tourné et monté dans l’urgence pour sortir avant les élections, le nouveau film du duo Grolandais Kervern et Delépine ( I Feel Good, Effacer l’historique…) n’est pas la critique du macronisme annoncée par le titre. Tout le monde politique en prend pour son grade dans cette farce anarcho-écolo-féministe à la JP Mocky (si Mocky avait été écolo et féministe) qui met en avant le duo comique formé par Jonathan Cohen et Vincent Macaigne, impayables en maires corrompus piégés des émules provinciales des Femen (les bien nommées Colle-Girls). Trés corrosif et drôle dans sa première partie, avec des dialogues écrits à la sulfateuse, le film faiblit un peu sur la fin (un problème récurrent chez K&D), mais il laisse un souvenir nettement plus réjouissant que la campagne électorale. Votez Kervern et Delépine !
En Corps
Par J.V
Le pitch
Elise (Marion Barbeau), 26 ans est une grande danseuse classique. Elle se blesse pendant un spectacle et apprend qu’elle ne pourra plus danser. Dès lors sa vie va être bouleversée. Entre Paris et la Bretagne, au gré des rencontres et des expériences, des déceptions et des espoirs, Elise va se rapprocher d’une compagnie de danse contemporaine. Cette nouvelle façon de danser va lui permettre de retrouver un nouvel élan et aussi une nouvelle façon de vivre…
Ce qu’on en pense
Un film de danse signé Cédric Klapisch : on prend ! Après une séquence d’introduction virtuose, la réalisation alterne chorégraphies et de scène de comédie dans lesquelles interviennent de beaux seconds rôles ( Muriel Robin, Pio Marmaï , François Civil…). L’intérêt faiblit un peu à mi-parcours et on regrette que le cinéaste ne prenne pas plus de risques dans le traitement visuel. Mais dans l’ensemble la proposition séduit et on passe un bon moment.
The Velvet Underground
Par Ph.D
Sélectionné à Cannes 2021, où les festivaliers ont pu le voir sur écran géant et en son dolby (la chance !), le documentaire de Todd Haynes sur le Velvet Underground produit par Apple est logiquement diffusé sur Apple TV+. Il faudra donc s’abonner à la plateforme pour pouvoir le voir. Cela vaut la peine, même pour un mois, d’autant que le premier essai est offert. Le réalisateur d’I’m Not There , fantastique faux biopic de Bob Dylan, a monté des millions d’images et d’archives sonores du Velvet. On ignorait qu’il en existat un si grand nombre ! Elles racontent, chronologiquement, l’histoire du groupe qui, grâce à l’intiuition géniale d’Andy Warhol et aux chansons de Lou Reed, fit entrer l’art contemporain dans le rock (et vice versa) . Les deux membres survivants, John Cale et Maureen Tucker, interviennent longuement face caméra, de même que l’hurluberlu Jonathan Richman, fan de la première ( et de la dernière) heure, qui se souvient avoir vu au moins 70 concerts du Velvet. Le film se termine, étrangement, sur le show case que Nico, Lou Reed et John Cale donnèrent au Bataclan en 1972, sans les autres membres du groupe. Ce document est toujours disponible sur le site de l’Ina.
Don’t Look Up
Par Ph.D
Le pitch
Deux astronomes du Michigan (Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence) découvrent qu’une comète « tueuse de planètes » fonce vers la terre et qu’il ne reste que 6 mois avant la collision. Mais leurs tentatives pour mobiliser le gouvernement et les médias vont rester vaines…
Ce qu’on en pense
Qui aurait dit, il y a encore trois ans, qu’une production Netflix parviendrait à mobiliser un tel casting ? Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Timothée Chalamet, Ron Perlman , Ariana Grande, Jonah Hill, Tyler Perry, Kid Kudi et même notre Tomer Sisley national sont à l’affiche du nouveau film d’Andy MacKay (Very Bad Cops, Vice, The Big Short). Et pas pour des caméos. Chacun tient un vrai rôle dans cette comédie satirique délirante et géniale, qui dénonce la folie du monde contemporain où politiques et médias ne songent qu’à maintenir leur pouvoir en abrutissant les masses. Confrontés à un péril mortel et imminent (ici un astéroïde de 10 kilomètres de diamètre, mais ce pourrait être un virus mortel ou le réchauffement climatique), la présidente des Etats-Unis (Meryl Streep), son conseiller de fils (Jonah Hill) et le patron milliardaire d’une énorme société technologique (Mark Rylance) vont tout faire pour détourner l’attention du public, puis essayer de tirer profit de la situation, au lieu de prendre les décisions qui s’imposent. Les lanceurs d’alerte joués par Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence seront achetés ou ridiculisés via les réseaux sociaux. Des complotistes (parmi lesquels Timothée Chalamet) nieront l’existence de la menace jusqu’à ce qu’elle soit visible à l’oeil nu et qu’il n’y ait plus qu’une chose à faire : ne pas regarder (Don’t look up). Même les stars mobilisées pour alerter l’opinion (Ariana Grande) seront plus soucieuses de leur image que du péril… Hilarante et effrayante à la fois, la fable apocalyptique d’Andy McKay vise juste et frappe fort. Don’t Look Up : déni cosmique est un des meilleurs films de l’année. Un de plus que l’on ne verra pas en salles, hélas.
Un Héros
Par Ph.D
Le pitch
Rahim (Amir Jadidi) est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…
Notre avis
Récompensé d’un Prix du jury ex aequo à Cannes, le nouveau film d’Asghar Farhadi marque son retour en Iran après la parenthèse americano- espagnole d’Everybody Knows (également présenté à Cannes). C’est une nouvelle fable morale et judiciaire comme il les affectionne, avec une composante très contemporaine : les effets et méfaits de la médiatisation. D’abord porté au pinacle pour son honnêteté, son héros va connaître une véritable descente en flammes à cause d’un mensonge anodin. Manière de renvoyer dos à dos les contradictions d’une société basée sur la tradition et celles du modernisme. Un scénario malin qui aurait mérité une réalisation moins plan-plan.
The French Dispatch
Par Philippe DUPUY
Le pitch
A la mort de leur révéré rédacteur en chef (Bill Murray), les journalistes de The French Dispatch, journal américain installé en France (à Ennui sur Blazé), décident de publier un numéro spécial avec les articles qui ont fait la légende du journal…
Ce qu’on en pense
Trés attendu avec son casting de ouf (Timothée Chalamet, Lea Seydoux, Bill Murray, Adrian Brody, Elisabeth Moss, Christoph Waltz, Owen Wilson, Tilda Swinton.…), le nouveau Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel, Moonrise Kingdom, A Bord du Darjeeling Limited, La Vie Aquatique…) aura été l’évènement du Festival de Cannes 2021… Avant de repartir bredouille et de devenir LE grand oublié de l’édition. Inracontable, inclassable, visuellement époustouflant… The French Dispatch est du Wes Anderson à la puissance dix. A travers l’histoire d’un journal américain fait par des correspondants installé en France (Le fameux French Dispatch, inspiré du New Yorker), le film confronte avec une ironie grinçante les cultures françaises et américaines de l’après guerre au fil d’une série de sketches illustrant les diverses rubriques du journal (politique, gastronomie, culture…). Ca va tellement vite et c’est tellement brillant et barré qu’on a presque tout oublié à la fin. Ne restent que des images acidulées, cadrées comme une BD avec toute une partie en dessin animé. Les fans du réalisateur américain iront revoir et re-revoir le film pour saisir toutes les références (au cinéma français d’après guerre, notamment, dont le réalisateur est visiblement friand). Les autres risquent fort, hélas, de décrocher avant la fin.
Kate
Par Ph.D
Le pitch
Minutieuse et prodigieusement douée, Kate (Mary Elisabeth Winstead) est l’exemple même de la machine à tuer parfaitement rodée et au sommet de son art. Mais voilà qu’un jour elle échoue à éliminer sa cible, un yakuza à Tokyo. Elle découvre alors qu’elle a été empoisonnée et va subir une exécution par mort lente qui lui laisse moins de 24 heures pour se venger de ses assassins avec l’aide inattendue d’Ani (Miku Patricia Martineau), la fille de l’une de ses anciennes victimes.
Ce qu’on en pense
Une série B franco -americano-japonaise dans laquelle Mary Elisabeth Winstead (Die Hard, Birds of Prey) joue une Nikita américaine, formée dès son plus jeune âge par un ponte des services secrets (Woody Harrelson) pour devenir une machine à tuer. La réalisation élégante et fluide du Français Cedric Nicolas-Troyan offre de belles séquences de baston et quelques gunfights danthologie. Mary Elisabeth Winstead s’en donne à coeur joie, avec un look à la Sigourney Weaver qui pourrait lui valoir une place dans la franchise Alien (ou tout autre film où on dégomme des monstres). Sa camarade de jeu, la franco-japonaise Miku Patricia Martineau, joue les ados toxiques avec beaucoup de naturel également. Comme d’habitude, c’est trop long d’une demi-heure, mais on passe un bon moment.
Jolt
Par Ph.D
Le pitch
Lindy (Kate Beckinsale) porte depuis son plus jeune âge un douloureux secret. En raison d’un trouble neurologique rare, elle éprouve des pulsions de rage et de meurtre incontrolables qui la rendent redoutable dès qu’elle s’énerve. Incapable de trouver l’amour et sa place dans ce monde, elle finit par rencontrer un homme (Jay Courtney) dont elle tombe immédiatement amoureuse et qui semble capable de calmer ses pulsions. Il est hélas assassiné. Le cœur brisé et dans une colère noire, elle se donne pour mission de venger le meurtre de cet homme tout en étant poursuivie par la police en tant que principale suspecte du crime…
Ce qu’on en pense
Une série B d’action girlie dans la lignée d’Atomic Blonde, portée par Kate Beckinsale (Aviator, Pearl Harbor, Underworld… ) dans un rôle musclé et plein de second degré. Réalisé par une femme, Tanya Wexler, le film, dont le titre français pourrait être Survoltée, est à découvrir en streaming sur la plateforme Amazon Prime Video, où il aurait très bien pu être décliné en série, façon Killing Eve. Rien de transcendant, mais un excellent casting (Stanley Tucci et Susan Sarandon font des apparitions), un humour décapant, des scènes de castagne assez jouissives dans lesquelles Kate Beckinsale démolit des malabars à la pelle et une intrigue romantico policière amusante. De quoi passer un excellent moment sans quitter son canapé. Joie !
Le Dernier mercenaire
Le pitch
Richard Brumère dit « La brume » (Jean-Claude Van Damme), une véritable légende des services secrets, disparu depuis des années, est de retour en France. L’immunité qu’il avait négociée il y a vingt-cinq ans pour son fils caché, Archibald (Samir Decazza), vient d’être levée par erreur par un haut fonctionnaire maladroit (Alban Ivanov). Pour le sauver d’une opération mafieuse, dont il est innocent mais qui pourrait lui coûter la vie, La Brume va devoir réactiver ses contacts un peu vieillissants, faire équipe avec une bande de jeunes plus ou moins téméraires, affronter un bureaucrate zélé, gérer les rapports père-fils nouveaux pour lui, mais surtout trouver le courage de révéler à Archibald qu’il est son père...
Ce qu’on en pense
Bonne surprise estivale que cette parodie de film d’espionnage dans laquelle Jean-Claude Van Damme joue avec son image au prix de folles audaces capillaires . La star bodybuildée belge a rarement aussi bien joué et s’avère aussi à l’aise dans la comédie que dans la baston. Mais Van Damme n’est pas le seul attrait du film de David Charhon (Cyprien, De l’autre côté du périph’) : le casting qui mixe talents confirmés (dont Miou Miou, Patrick Timsit, Eric Judor, Alban Ivanov) et jeunes espoirs (Djimo, Samir Decazza, Nassim Lyes, Assa Sylla) s’en donne à cœur joie, avec d’excellents dialogues et des scènes comiques aussi efficaces que celles d’action. La prestation d’Alban Ivanov en haut fonctionnaire ahuri, mérite autant le détour que celle de JCVD. Bonne pioche pour Netflix !
Cannes 2021: Palme Gore
Par Ph.D
Etonnez-nous ! titrions nous à l’ouverture du 74e Festival de Cannes. On n’a pas été déçus. Non que la sélection se soit avérée particulièrement surprenante, avec peu de propositions vraiment originales. Ni que l’organisation du festival en juillet plutôt qu’en mai ait vraiment changé la donne : il a même plu, une journée pour que la tradition soit respectée… Décerné à l’issue d’une cérémonie proprement bordélique (« Tout est chaos » comme dirait la jurée fantôme Mylène Farmer), le Palmarès, par contre, a de quoi interroger avec cette Palme d’or accordée à Titane, un film d’horreur clipesque et grand-guignolesque pour multiplexes. Raccord avec l’avant première européenne de Fast & Furious 9 accueillie en sélection officielle, au cinéma de la plage. Un changement d’ère pour le Festival. Finis les grands films d’auteurs intellos, engagés et sociaux, place au pur divertissement. Ce n’est, certes, pas ce que dit le reste du palmarès, qui colle peu ou prou aux notations des critiques. Tous les favoris ont été récompensés même si pas où on les attendait et à grand renfort d’ex aequos. Prix de la mise en scène à Léos Carax qui méritait la Palme avec Annette, Prix du scénario à Ryusuke Hamagushi pour son adaptation de Murakami (Drive My Car) surtout remarquable par sa mise en scène (et sa longueur !). Prix du jury ex aequo à Mémoria d’Apîchatpong Weerasethakul et au Genou d’Ahed de Nadav Lapid, deux grands films formalistes qui auraient pu faire un Grand Prix, Grand Prix ex-aequo à Asghar Farhadi (Un Héros) et Juho Kuosmanen (Compartiment 6) deux films aussi dissemblables que possible. Prix d’interprétation, à Renate Reinsve pour Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier et Caleb Landry Jones pour Nitram de Justin Kurzel (on aurait préféré Simon Rex pour Red Rocket)… N’empêche cette Palme gore, française et féminine (la 2e de l’histoire du Festival), après une année blanche pour cause de Covid, marque un tournant pour un festival qui se dépouille progressivement de tout ce qui faisait sa substance et son aura de « plus grand festival de cinéma du monde« , pour mieux coller à une époque qui préfère sans doute le choc des photos (Titane ressemble à un film de chef op’) au poids des mots, et la forme au fond. On était, apparemment, les seuls à rêver de voir le jury de Spike Lee décerner sa palme au film « Maroc ‘n’ Rap » de Nabil Ayouch Haut et fort, qui porte un message anti intégriste et pro féminin nettement plus lisible que celui de Julia Ducournau appelant à « Repousser la normativité qui nous enferme et nous sépare, pour un monde plus inclusif et plus fluide« …
La Grande traversée
Par Ph.D
Le Pitch
Ecrivaine américaine à succès et lauréate du prix Pulitzer, Alice Hughes (Meryl Streep), en panne d’inspiration, entreprend un voyage à bord du Queen Mary 2, vers l’Angleterre où elle doit recevoir un prix littéraire. Elle est accompagnée de son agent (Gemma Chan), de deux amies qu’elle n’a pas vues depuis trente ans (Candice Bergen, Dianne Wiest), et de son neveu Tyler (Lucas Hedge). La traversée s’annonce tumultueuse...
Ce qu’on en pense
Tourné en deux semaines sur un paquebot de croisière, en équipe légère, avec les passagers et le personnel comme figurants, le 35e (35 e ! ) film du prolifique Steven Soderbergh débarque directement sur MyCanal et c’est un vrai cadeau pour les abonnés de la plateforme. Avec la vista qui le caractérise, le réalisateur de Sexe, Mensonges et vidéo et de la saga Ocean’s, trousse ce vrai faux huis clos à la Agatha Christie dans lequel il n’y a pas forcément de cadavre (quoique ?), mais où le mystère rode tout de même dans les coursives. L’enquête tourne autour de la création littéraire, du vieillissement, de la jalousie, de l’amitié et de l’amour. C’est brillant, drôle, émouvant, remarquablement joué (Meryl Streep!) et si enlevé que ça a l’air d’avoir été tourné en sirotant un Martini dry. La marque du génie, même pour un film mineur.