Par Jacques Gantié
Laurent Poulet est l’inclassable de Mougins. Fin cuisinier, incandescent, étoilé en 2009 – La Table du Cap, à Saint-Jean-Cap-Ferrat – il se reconnaît un seul mentor, Jacques Maximin, et a pris ce printemps les fourneaux du Manoir de l’Étang. Un manoir et un étang à Mougins ? À force de côtoyer des étoiles – celles qui font la gloire du village, ce week-end de festival – aurait-on des hallucinations ? Pourquoi pas la forêt de Brocéliande ou un château hanté à l’écossaise ! Il y a pourtant un vrai manoir XIXe, pierres de taille, restanques fleuries, étang aux fleurs de lotus et parc de 4 ha. Cet hôtel de charme, propriété de Camilla Richards, est un grand romantique. Laurent Poulet aussi, dont le rêve, mieux, le « projet de vie », est de devenir un jour (lointain ?) le seigneur du lieu. Si le Manoir séduit et dépayse, lui part à l’abordage avec son commando de quartiers-maîtres et moussaillons et cuisine comme un chirurgien de brousse opère avec les moyens du bord. Il a commencé « bistrot », avec cocottes au déjeuner et farcis à sa « Table du soir ». Ça respirait déjà la cuisine d’instinct : panais farci d’un bulbe comme le nid du Marsupilami et barigoule de légumes racines, artichauts piquants en deux cuissons, moelleuse poitrine d’agneau farcie aux herbes, poêlée-braisée et, pour encourager le « petit » – Timéo le jeune pâtissier – une exquise poire Abate farcie au cédrat, rôtie au four, réduction de rosé.
Enfin, il a lancé sa « Cuisine des plaisirs » - produit, marché, saison – conduite au panache, esprit « pays » – déclinaisons autour des courgettes ou des tomates (cœur de bœuf crue et confite, roma marinée, « grappe » en tartine à l’estragon et en soupe au Xérès) – plats construits et parfumés : filet de loup rôti au four, ratatouille rouge et tartine de brandade de cabillaud au jambon Noir de Bigorre, longe de veau poêlée, carottes fanes étuvées au thym-citron, émulsion de céleri-rave à l’huile d’olive, jus aux éclats de groseilles…
Cette gastronomie sincère, aucun autre que lui ne la risquerait sans une brigade étoffée. Qu’importe, car la cuisine de ce full sentimental passionné est dans la vérité du goût. Partez à sa découverte au menu déjeuner (37e). Il est « Mouginois », cela va de soi.
Leave A Comment