Bertrand Bonello à la Cinémathèque

//Bertrand Bonello à la Cinémathèque

Bertrand Bonello à la Cinémathèque

Après Beaubourg, la Cinémathèque de Nice proposait  une rétrospective de Bertrand Bonello, avec une carte blanche de programmation et une master class qui a fait salle comble. Le réalisateur Niçois de 48 ans, auquel on doit sept longs métrages, dont Le Pornographe, L’Apollonide et Saint-Laurent, a pu goûter l’attachement que lui portent ses concitoyens, lors de cette soirée à succès, au cours de laquelle il a commenté avec passion sa filmographie, en compagnie du critique Philippe Rouyer. Quelques heures plus tôt, il nous confiait pourtant ses doutes, après la réception mitigée de son dernier film, Nocturama. L’histoire d’un groupe de jeunes gens qui fomentent des attentats à la bombe en plein Paris (voir la critique du DVD en rubrique ça vient de sortir) …

La sortie de Nocturama n’a pas été simple, entre polémiques, insuccès public et critiques mitigées. Quel bilan en tirez-vous?
Le côté positif, c’est que le film a vraiment existé, même s’il n’a pas connu de succès en salles. Il a généré des débats enflammés que je peux comprendre, mais qui m’ont échappé. Il me semble qu’il a été mieux compris à l’étranger.En France, il y avait sans doute trop d’émotion autour de ces questions. Et pour cause…

Vous attendiez-vous à ces réactions?
On savait qu’il faudrait accompagner le film et s’expliquer plus que d’habitude. J’ai écrit cette histoire en 2011, bien avant les attentats. Ensuite il y a eu Charlie, puis le Bataclan alors qu’on terminait le montage. Nice pour finir, quelques semaines avant la sortie… J’ai dû modifier le titre original (Paris est une fête) qui devenait impossible, mais je n’ai pas touché au reste. L’histoire n’a rien à voir avec ce qui s’est passé à Paris, Bruxellles et Nice. Mais il y a quand même eu brouillage du film par le réel, c’est certain.

Que vouliez-vous exprimer à travers cette histoire d’attentats?
L’idée de départ était d’exprimer, à travers les moyens du cinéma, un sentiment général de tension et de confusion. Montrer dix jeunes gens qui n’encaissent plus et veulent tout faire péter. Ce n’est pas un film politique ou social avec un discours clair, comme un Ken Loach. Je voulais rendre compte d’une certaine ambiguïté qui fait qu’on peut avoir en même temps envie de tout faire exploser et profiter jusqu’au bout du système (ce que font les protagonistes retranchés dans un grand magasin après les attentats N.D.L.R.). On n’est plus dans les années 60-70 où les idéologies étaient claires.C’est cela qui rend le film contemporain, ce qui ne veut pas dire d’actualité. L’actualité, c’est Daech: ce n’est pas mon film…

Pensez-vous que le sujet a rebuté les sélectionneurs cannois.? Votre absence au Festival a été remarquée alors que vous en êtes un habitué…
Je n’ai pas eu l’occasion d’en parler directement avec eux, mais la sélection s’est faite juste après les attentats de Bruxelles, dans un contexte hypersécuritaire.J’imagine qu’ils n’avaient pas très envie de créer la polémique à cet endroit-là. Avec le recul, ça a sans doute contribué à protéger le film car il demande un recul critique qui n’est juste pas possible à Cannes.

N’y avait -il pas aussi, de votre part, une volonté de rupture,  après L’Apollonide et surtout Saint Laurent, qui étaient des films plus « grand public » ? 

Si, effectivement. Après ces deux films j’avais un peu peur de me retrouver labellisé. .  J’avais envie de revenir à quelque chose de plus contemporain, tendu, ancré dans un certain ressenti de la réalité , donc forcément plus dur. Je n’avais pas envie de me laisser enfermer dans une sorte de consensus chic, de faire partie d’un establishment que j’ai toujours voulu fuir depuis que je suis gamin. On en paye le prix évidemment. Mais ça fait partie du chemin…

De quoi sera fait l’après Nocturama?

Je n’en sais rien.Peut-être passer à autre chose?Je l’ai déjà fait et ce n’est pas évident de rebondir après ce film-là, indépendamment de son succès ou de son insuccès. C’était un projet lourd à porter et je me sens un peu vidé. Même si j’adore tourner, je n’ai pas envie d’enfiler les films, juste pour faire des films. Jusqu’à maintenant, chacun de mes films a été une évidence.Or, pour l’instant, je n’en vois pas.

 

By |novembre 4th, 2016|Categories: Événement|0 Comments

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