C’est un pavé pour l’été. 707 pages, pas une de moins. Rien d’un roman solaire pour autant. Le récit est même crépusculaire. Parfois d’une grande violence, malgré son indéniable poésie et les petits dessins et planches qui accompagnent le texte. S’il est l’objet de notre recommandation, c’est parce que, dans la lignée de « Betty« , le précédent ouvrage de l’américaine Tiffany McDaniel, Du Côté Sauvage est lui aussi un choc littéraire. Il est parmi ceux qui nous restent en tête de cette année écoulée, avant l’avalanche de sorties des prochains mois. L’histoire est celle de rousses et inséparables jumelles. Nourries des récits de leur grand-mère, elles ont l’imagination si fertile qu’elles fuient leur quotidien sordide, leur mère droguée et prostituée et « l’araignée » qui vient pour leur mère avant de les rejoindre dans leur lit, en s’inventant un univers lumineux. Pourtant , elles ne peuvent échapper aux fantômes de leur passé familial. Devenue adulte, Arc, l’une des deux, lutte toujours avec ses souvenirs et ses addictions lorsque l’on découvre le corps d’une femme noyée dans la rivière. Un cadavre qui sera suivi de beaucoup d’autres. Alors que ses amies disparaissent autour d’elle, Arc doit bien admettre qu’elle ne peut, malgré la promesse faite, protéger sa sœur « du côté sauvage » de leur existence… Tiffany McDaniel, également poète et plasticienne, nourrit son écriture envoûtante des collines et forêts de l’Ohio qui l’ont vu naître. Elle y installe des personnages d’une grande force, toujours puisés dans la réalité. Alors que Betty était un hommage à sa mère. Du Côté Sauvage est, lui, inspiré d’un « true crime« : la disparition entre 2014 et 2015 de six femmes à Chilicothe, dont deux manquent toujours à l’appel. Des meurtres non élucidés. La mort de ces femmes, droguées et prostituées ayant laissé la communauté dans la plus totale indifférence. Pour autant, que ces lignes ne vous découragent pas de découvrir cette pépite. Roman social et conte cruel d’une grande noirceur certes, mais surtout d’une grande beauté.
C’est le tube de l’été 2025… Au moins à La Colle sur Loup ! Tout le monde, là-bas, a visionné au moins une fois le clip posté sur Youtube début juillet. Sur un air de reggae ensoleillé et entrainant, « Viens à la Colle » promène l’internaute dans les rues du village à la rencontre de ceux qui en font la notoriété et la douceur de vivre. A commencer par le directeur de l’office du tourisme local, Vincent Pomparat, à l’initiative de cette aventure musicale pas comme les autres. « En testant ChatGPT, j’avais eu l’idée de demander à l’Intelligence Artificielle de composer une chanson reggae sur La Colle. J’avais lu quelque part que le reggae était le genre musical le plus fédérateur, raconte le sémillant directeur. Le résultat n’était pas mal, mais perfectible. Je l’ai fait écouter à Cécile Grier et Yann Leloup, du groupe No Limite, en leur demandant si ça les brancherait de s’en inspirer pour composer une vraie chanson pour l’Office du Tourisme. Ils ont dit oui et c’était parti ». Une fois composé et enregistré, le single a dûment été proposé aux plateformes de streaming qui l’ont accepté et mis en ligne. On peut l’écouter sur Spotify ou Deezer et l’inclure dans sa playlist de l’été. La Lambada n’a qu’à bien se tenir !
L’histoire d’une obsession entre Ellen (Lily-Rose Depp), une jeune femme tourmentée, et le terrifiant vampire (Bill Skarsgård), qui s’en est épris. Avec toute l’horreur qu’elle va répandre dans son sillage…
Ce qu’on en pense
Révélé par deux longs métrages assez ennuyeux mais d’une belle ambition formelle (The Lighthouse et The Northman), Robert Eggers pouvait sembler un bon candidat pour remaker le chef d’oeuvre de FW Murnau Nosferatu le vampire (1922). Le résultat n’est, hélas, pas à la hauteur des attentes suscitées par le projet. Porté par une Lily Rose Depp littéralement possédée, son Nosferatu voudrait être une relecture moderne et féministe du film de vampire mais n’est, à l’arrivée, qu’un divertissement pour multiplexes, sans originalité, ni prise de risque. Le scénario mélange allègrement Nosferatu, Dracula, Exorciste et pandémie, en oubliant la psychologie des personnages. La réalisation n’évite pas la tentation grand-guignolesque, avec un Nosferatu grimé comme un zombie cosaque qui bavasse avec la voix de Dark Vador. Au final, le film ne vaut que pour quelques beaux plans expressionnistes et la prestation sans défaut de Lily Rose Depp. Comme quoi, le vampire n’est jamais sûr !
Sans nouvelles de son mari depuis des années, Prabha (Kani Kusruti), infirmière à Mumbai, s’interdit toute vie sentimentale. De son côté, Anu (Divya Prabha), sa jeune colocataire, fréquente en cachette un jeune homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Lors d’un séjour dans un village côtier, ces deux femmes, empêchées dans leurs désirs, entrevoient enfin la promesse d’une liberté nouvelle…
Ce qu’on en pense
L’histoire de trois femmes de trois générations différentes qui travaillent dans le même hôpital de Mumbai (ex-Bombay) et doivent composer avec la pauvreté, le mal logement, les traditions religieuses et la dureté de la condition féminine en Inde. Un pays que la réalisatrice Payal Kapadia, venue du documentaire, filme admirablement pour son premier long métrage de fiction. L’actrice principale, Kani Kusruti, aurait mérité un prix d’interprétation à Cannes 2024, où le film était en compétition. Le jury présidé par Greta Gerwig a préféré lui accorder son Grand Prix, sorte de Palme bis qui récompense une petite merveille de douceur et de sensibilité.
L’an dernier à Avignon, Claire Berest a suivi, pour Paris Match , les audiences du procès des viols de Mazan. De cette expérience et de son obsession du fait divers, elle a construit un témoignage remarquable qu’elle a intitulé « La Chair des autres ». Une œuvre sensible de véritable écrivaine et philosophe qui, prenant pour modèle « L’Adversaire » d Emmanuel Carrere ( sur le meurtrier Jean-Claude Romand ) se met à distance honnête du sujet. « Pour se donner le droit de parler de l’autre » précise-t-elle en préambule, «La politesse serait de dévoiler d’où l’on parle. De faire corps sans s’effacer ». D’où son choix de s’installer sous nos yeux sur les bancs de la presse pour nous raconter ce qui se passe et se dit dans le prétoire. On y entend les différents accusés tentant de souligner leur banalité, les interventions de Dominique Pelicot et de son avocate « du diable » Béatrice Zevarro. On perçoit le dégoût de l’assistance à la vue des vidéos. On saisit la personnalité du juge Arata qui aurait voulu le huis-clos. Et l’on comprend, enfin, l’attitude remarquablement combative de Gisèle Pelicot qui « a décidé que la dignité humaine ne se jouerait pas dans la pudeur mais dans la confrontation » . Il y a déjà eu des ouvrages sur Mazan et il y en aura d’autres. Celui-là, plus qu’un autre sans doute, plonge sans voyeurisme, dans les coulisses du mal, souligne le point de bascule de la normalité à la monstruosité, élargit l’introspection aux lectures et au vécu de la narratrice comme aux vécus des autres trop nombreuses femmes violées et de leurs bourreaux. Se faisant, il s’interroge aussi sur le bien et fait de Gisèle une victime debout, devenueicône de la cause des femmes. A lire, même si c’est le même magazine, pour qui Berest a couvert le procès, qui vole aujourd’hui des photos de Gisèle Pélicot tentant de se reconstruire!
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