Par Ph.D
Etonnez-nous ! titrions nous à l’ouverture du 74e Festival de Cannes. On n’a pas été déçus. Non que la sélection se soit avérée particulièrement surprenante, avec peu de propositions vraiment originales. Ni que l’organisation du festival en juillet plutôt qu’en mai ait vraiment changé la donne : il a même plu, une journée pour que la tradition soit respectée… Décerné à l’issue d’une cérémonie proprement bordélique (« Tout est chaos » comme dirait la jurée fantôme Mylène Farmer), le Palmarès, par contre, a de quoi interroger avec cette Palme d’or accordée à Titane, un film d’horreur clipesque et grand-guignolesque pour multiplexes. Raccord avec l’avant première européenne de Fast & Furious 9 accueillie en sélection officielle, au cinéma de la plage. Un changement d’ère pour le Festival. Finis les grands films d’auteurs intellos, engagés et sociaux, place au pur divertissement. Ce n’est, certes, pas ce que dit le reste du palmarès, qui colle peu ou prou aux notations des critiques. Tous les favoris ont été récompensés même si pas où on les attendait et à grand renfort d’ex aequos. Prix de la mise en scène à Léos Carax qui méritait la Palme avec Annette, Prix du scénario à Ryusuke Hamagushi pour son adaptation de Murakami (Drive My Car) surtout remarquable par sa mise en scène (et sa longueur !). Prix du jury ex aequo à Mémoria d’Apîchatpong Weerasethakul et au Genou d’Ahed de Nadav Lapid, deux grands films formalistes qui auraient pu faire un Grand Prix, Grand Prix ex-aequo à Asghar Farhadi (Un Héros) et Juho Kuosmanen (Compartiment 6) deux films aussi dissemblables que possible. Prix d’interprétation, à Renate Reinsve pour Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier et Caleb Landry Jones pour Nitram de Justin Kurzel (on aurait préféré Simon Rex pour Red Rocket)… N’empêche cette Palme gore, française et féminine (la 2e de l’histoire du Festival), après une année blanche pour cause de Covid, marque un tournant pour un festival qui se dépouille progressivement de tout ce qui faisait sa substance et son aura de « plus grand festival de cinéma du monde« , pour mieux coller à une époque qui préfère sans doute le choc des photos (Titane ressemble à un film de chef op’) au poids des mots, et la forme au fond. On était, apparemment, les seuls à rêver de voir le jury de Spike Lee décerner sa palme au film « Maroc ‘n’ Rap » de Nabil Ayouch Haut et fort, qui porte un message anti intégriste et pro féminin nettement plus lisible que celui de Julia Ducournau appelant à « Repousser la normativité qui nous enferme et nous sépare, pour un monde plus inclusif et plus fluide« …
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