Par Ph.D
Jeff Beck nous a quittés le 10 janvier 2023, victime d’une méningite bactérienne, à l’âge de 78 ans. Premier des trois mousquetaires du blues-boom britannique à décéder, Beck était moins connu du grand public que Jimmy Page et Eric Clapton, auxquels il succéda dans les années 60 au sein des Yardbirds. C’est pourtant, avec Jimi Hendrix, la référence ultime des plus grands guitaristes de la planète, qui lui ont rendu hommage sitôt connue la nouvelle de sa mort. Son jeu de guitare – aux doigts, saturé, vibrato constamment en main-, était si original et singulier qu’il n’a jamais été copié, ni imité, contrairement à celui d’Hendrix qui a fait des centaines d’émules. D’abord inspiré par le rockabilly et le blues, il s’en est éloigné dès le milieu des années 70 avec deux albums de jazz-rock ( Blow by Blow et Wired) qui ont marqué leur époque et constitué ses plus grands succès commerciaux. Depuis, il naviguait entre les genres, au gré de ses envies, sans trop se poser de questions, pour des albums pas toujours inspirés musicalement, mais dont les parties de guitare continuaient de faire l’admiration générale. Les derniers flirtaient même avec la techno, ce qui ne l’empêcha pas d’enregistrer quelques reprises (de John Lennon et même du Velvet Underground) avec son ami Johnny Depp. Etranger à tout plan de carrière, Beck avait refusé d’apparaître à Woodstock en 1969, ce qui l’a sans doute privé du succès planétaire qu’ont connu, grâce au film, Santana, Hendrix ou Alvin Lee. Rod Stewart, qui officiait à l’époque comme chanteur dans son groupe, ne le lui a pas pardonné et l’a quitté pour voler vers la célébrité et la fortune. Amateur de hot rods qu’il montait lui-même sans craindre d’abimer ses précieux doigts dans le camboui et les engrenages, Beck traînait une réputation de cabochard. Il honorait pourtant ses rendez-vous avec la presse et le public avec une grande générosité et un flegme tout britannique. Dans le monde très phallocrate du rock, il fut l’un des premiers à s’entourer de musiciennes plutôt que de musiciens. On l’a vu jouer en 2007 au Nice Jazz Festival, en 2009 à Jazz à Juan et quelques années plus tard au Sporting Summer Festival de Monte Carlo, avant son concert évènement du 9 juillet 2022 à l’opéra de Monaco avec Johnny Depp (voir vidéo). A chaque fois, on a été bluffé par la liberté et la folle originalité de son jeu de guitare: jazz sur les titres les plus rock et rock sur les plus jazz. L’équivalent pour la guitare d’un Miles Davis. Alors que les jeunes générations se détournent de plus en plus de l’idiome rock et de la pratique instrumentale, c’est l’une de ses personnalités les plus emblématiques que le rock vient de perdre.
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