Par MAB
Le personnage-narrateur de La vague qui vient a l’âme à la dérive. Sa nouvelle BD, l’œuvre de science fiction sur laquelle il travaille depuis des années, est un naufrage éditorial. Le quinquagénaire est à sec « essoré par la vie », forcé de quitter son appartement parisien pour rejoindre cette île entre le ciel et l’eau (Brehat? ) oû lui reste une vieille bicoque de famille. « Les artistes, prétend -il pompeusement, affectionnent les refuges insulaires » Et de nous citer, pour se rassurer, Gauguin aux Marquises, Hemingway à Cuba, Pissaro à Saint Thomas; Neruda à Chiloé… Avant d’ajouter, auto-dérision oblige : « De quoi tenir tout un dîner » ! Bref, le voila dans un refuge transformé en cachette. Un poste avancé pour se livrer à la radiographie bien souvent hilarante d’une communauté prise au piège de son isolement. Et, accessoirement, de répondre à la demande de la mairie en peignant une grande fresque dans la salle des fêtes, censée rendre justice à la vie de l’île et à ses habitants… A l’heure des gloires littéraires couronnées de prix, Daniel Fohr est encore un inconnu pour nombre d’entre nous. Et pourtant La vague qui vient (Quel titre d’actualité ! ) est son sixième roman. Un récit inclassable, qui multiplie les intrigues picaresques, utilise en permanence l’ironie et le second degré dans de mémorables punchlines et offre une savoureuse galerie de portraits, notamment celui mémorable d’une fantomatique artiste déchue, recluse dans son château. Car, qu’ils soient « natifs en bottes et habits de grosse toile » « résidents secondaires, pour qui le barbecue est le propre de l’homme » ou « touristes avec gourde, casquettes, sacs a dos et bananes », le regard faussement naïf et décalé de notre naufragé sur tous ces néo Robinson est un pur régal. Tout comme d’ailleurs les descriptions de la belle nature environnante. Lisez-le aujourd’hui. C’est un souffle d’air frais loin des tourments continentaux.
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