Un journaliste de musique new-yorkais mène l’enquête sur la disparition, à la veille du coup d’État en Argentine, de Francisco Tenório Jr, pianiste brésilien virtuose…
Ce qu’on en pense
Le titre est en anglais, mais c’est un clin d œil à la Nouvelle vague. Fernando Trueba et Javier Mariscal, le duo de réalisateurs espagnols disent d’ailleurs de They Shot The Piano Player qu’il s’agit d’ «un documentaire musical » . Ils réfutent même l’appellation « film d’animation ». Pour eux, il s’agit d’avantage d’un témoignage en dessins, couleurs ,images et sons très vifs et colorés sur le pianiste virtuose Francisco Tenorio Jr et comment il disparut mystérieusement en 1976, lors du coup d’état Argentin . « Pour le faire revivre, je ne voulais pas d’une interprétation par un acteur, cela sonne faux, estimeJavier Mariscal. Je n’ai jamais cru, par exemple, que Marion Cotillard était Edith PIaf ! Nous avons donc travaillé sur photos, archives vidéos, entretiens… Cela nous a pris énormément de temps, mais Tenorio est fidèle à lui même ! C est lui à l’écran.». Un puissant travail de mémoire. Qui va même au delà, puisque They Shot The Piano Player est, également une vibrante ode au Jazz ainsi qu’un nécessaire et poignant thriller politique. Le procédé choisi était donc de lancer un journaliste de musique new-yorkaise (auquel Jeff Goldblum prête sa voix) sur la piste du musicien disparu, afin qu’il interroge tous ceux qui l’ont connu. Tout en célébrant la Bossa Nova, le film capture, alors, une période éphémère de liberté créatrice. Un tournant de l’histoire de l’Amérique Latine des années 60 et 70 juste avant que le continent ne tombe sous le joug des régimes totalitaires. Un âge d’or qui, comme la nouvelle vague, n’a duré qu’une dizaine d’années. Ensuite, Tenorio a disparu sans que l’on n’ait jamais retrouvé sa trace: « Il avait les cheveux longs. Il était vêtu de noir. Ils l’ont pris pour un trotskiste. Quand, après l’avoir affreusement torturé, ils se sont aperçus de leur erreur, ils l’ont exécuté et ils ont fait disparaître le corps» conclut Javier Mariscal. Thriller politique passionnant, en forme de roman graphique et musical, le film était présenté en avant-première à la Fiesta Del Cine à Nice.
Date de sortie 31 janvier 2024 De Fernando Trueba, Javier Mariscal Voix Jeff Goldblum, Roberta Wallach, Tony Ramos Nationalité Espagne Genre Biopic Durée 1h43
Il y a, cette année au Festival, un espace réservé aux films en réalité virtuelle, qui feront l’objet d’un palmares séparé. L’expérience, entre jeu vidéo et trip aux champignons hallucinogènes mexicains, est assez étonnante et légèrement perturbante. Au point qu’on a cru s’être trompé de porte en assistant à la projection de Megalopolis, le nouveau film de Francis Ford Coppola, de retour en compétition un demi siècle après Apocalypse Now et Conversation secrète. Comme son titre le laisse présager, Megalopolis est un peplum retro futruriste totalement barré. On n’y a rien compris, à part l’intention de départ : tracer un parallèle entre l’état de l’Amérique contemporaine et la chute de l’Empire romain. C’est long (2h18), verbeux (plus de citations que dans un film de JL Godard) , totalement dépourvu d’humour, d’une ambition démesurée et d’une naiveté confondante. Côté direction artitique, ça hésite entre Batman, Les Ailes du désir, Le Mécano de la Générale, Babylon et la pub Dior j’adore. Côté box office, ce sera surement une catastrophe industrielle. Mais c’est probablement le dernier geste fou d’un artiste qui a fait tapis (100 millions de budget autoproduit) pour donner corps à une vision qu’il porte depuis plus de 40 ans. Cela mérite bien que l’on s’y ennuie un peu…
On n’en dira pas autant de Furiosa, le nouveau Mad Max de George Miller qui reproduit consciencieusement la recette du précédent. Tout le monde avait adoré Fury Road… Sauf nous ! Malgré plusieurs tentatives, on n’est jamais arrivé au bout. Même motif, même punition pour Furiosa qui sera, n’en doutons pas, le blockbuster de l’été. Dans le genre vociférant, on a largement préféré City of Darkness, un film de baston (mais pas que) Hong Kongais de Soi Cheang, présenté en séance de minuit. Là encore, on a cru s’être trompé de porte avec le festival immersif : bienvenue dans les bas fonds de Kowloon, où on trace sa route à la faucille et au marteau. Et bonjour la symbolique, puisque l’action se passe au moment de la rétrocession à la Chine… Les décors et les scènes de combats sont hallucinants. A côté de tout ça, évidemment, Diamant Brut, le premier film français en compétition fait figure de cousin de province génant. Ou plutôt de cousine, puisqu’on y suit les efforts désespérés d’une cagole de Fréjus ( Malou Khebizi très convainquante dans le rôle) pour se faire enroler dans le prochain casting de l’Ile de la tentation ou d’une télé réalité du même acabit. Une sorte de « Rosetta djadja« , pathétique et totalement inintéressant (sauf d’un point de vue anthropologique), avec un festival de mauvais accents marseillais et de scènes mal jouées. Au Certain Regard, Les Damnés, film italien de Roberto Minervini, nous refait le coup du Désert des tartares, transposé pendant la guerre de sécession, avec des soldats bleus qui marchent interminablement derrière un charriot, dans les plaines désolées du far west, en attendant de rencontrer l’Ennemi. A la fin, c’est le festivalier qui a l’impression d’être damné.
Le 77e festival de Cannes s’est ouvert par la plus belle cérémonie qu’il nous ait été donné de voirdepuis des lustres au grand auditorium Lumière, avec une Camille Cottin, très classe en maîtresse de cérémonie, un hommage parfait àla présidente du jury Greta Gerwig par Zaho de Sagazan ( reprenant la fameuse scène de Frances Ha dans laquelle elle danse sur Modern Love de David Bowie) et une palme d’or d’honneur remise àMeryl Streep par Juliette Binoche, encore plus émue que la récipiendaire. 35 ans après son prix d’interprétation, l’actriçe américaine qui n’était pas revenue a Cannes depuis Un Cri dans la nuit,a apprécié sa standing ovation et noté plaisamment que « La vie est courte… Plus que mes discours qui sont toujours trop longs ! ». Ce n’est pas du tout l’avis des festivaliers, ressortis totalement charmés de sa « Conversation » du lendemain à Debussy.
Deuxième acte, le nouveau film du serial directorQuentin Dupieux a parfaitement fait son office d’ouverture en balayant tous les sujets sensibles du moment d’un grand éclat de rire surréaliste (lire la critique). En ouverture de la Semaine de la critique, on a découvert le travail deJonathan Millet, qui signe avec Les Fantomesun thriller très réaliste sur la traque de bourreaux syriens par leurs victimes à travers l’Europe. Un talent prometteur ! Pas comme Magnus Van Horn, en compétition avecLa Fille à l’aiguille.Le Suédois nous a saoulés d’entrée avec ce gros pudding bien misérabiliste sur une serial tueuse de nourrissons au 19e siècle. Ce n’est pas parce qu’on a vu les films deDreyer ou de Todd Browning et qu’on tourne en noir et blanc que cela produit forcément un chef-d’oeuvre. On passe de la Suède du 19e à l’Islande du 21e siècle pour l’ouverture d’Un Certain Regard avec Ljosbrot (When the Light Breaks), un très joli film de Junar Junarsson sur la jeunesse, le deuil et les caprices du destin, avec une actrice épatante (Elin Hall) et quelques-uns des plus beaux plans de ce début de Festival.
Florence (Léa Seydoux) veut présenter David (Louis Garrel), l’homme dont elle est follement amoureuse, à son père Guillaume (Vincent Lindon). Mais David n’est pas attiré par Florence et souhaite s’en débarrasser en la jetant dans les bras de son amiWilly (Raphaël Quenard). Les quatre personnages se retrouvent dans un restaurant au milieu de nulle part…
Ce qu’on en pense
Les festivaliers cannois, auxquels le film était présenté en ouverture de leur 77e raoût annuel, n’ auront, pour une fois, pas eu à trop poireauter pour se rendre à la fête d’après projection : fidèle à sa bonne habitude Quentin Dupieux a plié l’affaire en 1h20 chrono. L’intrigue de départ, déjà bien ténue, n’est, il est vrai, prétexte qu’à réunir un carré d’as d’acteurs et d’actrices (Léa Seydoux, Vincent Lindon, Raphael Quenard et Louis Garrel) pour une comédie meta sur le cinéma dans laquelle ils sortent de leur personnage pour redevenir acteurs d’un film écrit et dirigé par une Intelligence Artificielle. Comme il l’avait fait pour la pièce de théâtre dans Yannick, son film précédent, Dupieux dynamite sa propre mise en scène en autorisant ses acteurs à briser le 4e mur dans des scènes drôles et/ou gênantes. #MeToo, les dangers de l’IA, la mort des salles, la cancel culture, l’ego surdimensionné des acteurs… Tout passe à la moulinette surréaliste du réalisateur, dans un Deuxième actefort et hilarant, qui a mis Cannes 2024 sur les rails.
1967, pendant le Mardi gras. Françoise (Léonie Dahan-Lamort),pensionnaire d’un lycée catholique, fait un cauchemar où elle se voit brulée vive. Persuadée qu’il ne lui reste qu’une seule nuit avant sa mort, elle fait le mur avec son amie Delphine (Lilith Grasmug)pourvivre cette nuit comme si c’était la dernière.
Ce qu’on en pense
Pressentie pour le rôle principal de ce premier film en forme de teen movie fantastico-romantico-gothico-roccoco, Lily-Rose Depp s’est défilée. Elle a eu le nez creux ! 1h27 (ressenties au moins le double) d’images clipesques pour conter la fugue d’un duo d’écolières en rupture de pensionnat qui hésitent entre pendule et coucheries. Le spectateur, lui, hésite entre la sieste et la sortie. Mais si Mylène Farmer cherche un réalisateur pour son prochain clip, elle peut toujours appeler Romain de Saint Blanquat.
Leave A Comment