Interview: JL Murat

//Interview: JL Murat

Interview: JL Murat

Au bout du fil, la voix est toujours traînante et légèrement embrumée.Mais on le sent rempli d’une énergie nouvelle. Après quelques albums peu aimables, Jean-Louis Murat vient de publier l’un de ses plus beaux disques. Avec Il Francese, le chanteur Auvergnat fait la somme de ses expérimentations sonores, de ses talents mélodiques, de sa verve poétique et de son instinct voyageur.Il y convoque les fantômes d’un aïeul fantasmé, Joachim Murat, maréchal d’empire sacré Roi de Naples (que ses sujets surnommaient «Il francese») et celui de Silvana Mangano dont la voix illumine la chanson qui porte son prénom. On retrouve avec bonheur le chanteur à la plume élégante des années fastes. Il y a 30 ans, ce disque-là aurait ravi ses nombreux fans et ce serait vendu par palettes entières. Aujourd’hui, il se noiera probablement dans le torrent de nouveautés des nouveaux robinets à musique que sont les plateformes de streaming. Mais Murat n’en a cure: «Je ne m’attends pas à des miracles de toute façon» assure-t-il, en se réjouissant de repartir en tournée jouer ses chansons «à l’ancienne». Comme le baladin qu’à 66 ans il continue d’être…

Alors que nombre de chanteurs s’interrogent sur la nécessité de faire des disques qui ne se vendront pas, vous continuez à produire un disque par an. Pourquoi?
Vaille que vaille, j’essaie de ne pas me laisser décourager. C’est ma façon à moi de résister à la crise du disque.C’est trop tard de toute façon pour se poser des questions. Dans les années 90, on était dirigés par des imbéciles qui n’ont pas vu venir le danger de la numérisation. Aujourd’hui les artistes doivent faire avec. Si on tire un trait sur toute ambition parce que les conditions sont défavorables, on va pas aller loin…

Après les expérimentations sonores de Travaux sur la N89, on retrouve un Murat plus classique sur Il Francese
J’écris mes chansons toujours de la même manière, à l’ancienne , en piano- voix.Après, on rajoute des couches electro plus ou moins importantes avec Denis Clavaizolle. Il se trouve juste que j’avais des chansons plus structurées cette fois.Mais on a quand même énormément bossé dessus. Faire joujou avec les ordis, on croit que c’est plus rapide mais c’est juste l’inverse: on y passe un temps fou. Mais pour la tournée, on efface tout: ce sera à l’ancienne, en trio, avec des instruments de musique et aucune machine.

Pourquoi ce titre et ces références italiennes?
Elles ne sont pas nouvelles.Je m’en suis beaucoup servi déjà.J’aime bien jouer avec l’homonymie de Joachim Murat, le roi de Naples que ses sujets appelaient «Il Francese».Mais surtout, j’adore cette ville.Je voudrais y habiter.Et Silvana Mangano, sa voix me bouleverse tout simplement…

Dans «Achtung», la première chanson, vous parlez de la Bête et des boucheries qui pourraient rouvrir. Ce n’est pas de l’anti-germanisme primaire ? 

Je trouvais que c’était une bonne entrée en matière (rires). Les temps sont instables et il y a déjà des boucheries ouvertes ici et là.Mais non, ce n’est pas un commentaire politique anti-allemand. Ni pro U2 d’ailleurs! (Achtung Baby est le titre d’un album de U2. N.D.L.R)

Que vient faire Marguerite de Valois dans la chanson qui porte son nom?
C’est la reine des Auvergnats. Elle n’est pas née dans la région, mais y a habité assez longtemps pour qu’on l’ait adoptée.J’ai souvent parlé de la reine Margot dans mes chansons.Ici, dans la campagne, tout le monde aime bien la reine Margot.

La mort aussi semble s’être invitée dans l’album.Vous y faites souvent référence, pourquoi?
J’ai perdu un ami très proche, Christophe Pi, pendant l’enregistrement. On faisait de la musique ensemble depuis 30 ans, C’était un excellent musicien et l’album lui est dédié.L’ombre de la mort a plané sur l’enregistrement, il est empreint de son souvenir.

«Je me souviens», c’est une référence à Peirec?
Ah non, pas du tout alors! Heureusement qu’on peut encore se souvenir sans passer par lui. D’ailleurs , on ne se souvient pas des mêmes choses. Il était plus citadin que moi. Il y a des trucs dans le bouquin, je ne comprends même pas qu’on puisse s’en souvenir…

Ah ça y est, on attaque les vacheries?
Je ne me lève pas le matin en me disant je vais dire du mal de tel ou tel, mais je préfère les fights à ce silence de monastère où personne ne veut dire du mal de personne alors que tout le monde se déteste dans ce milieu à la con. Là, il y a Manset qui sort son disque en même temps que moi.Et ben, il fait des disques tellement nuls depuis tellement longtemps que je n’ai pas envie de me retrouver dans le même panier à la caisse du supermarché, Voilà, c’est dit! Ce n’est pas méchant, c’est un constat. Il est là depuis 68, il pourrait dégager quand même…

On pourrait dire la même chose de vous, non?
Oui, mais moi je n’ai pas l’impression de rabâcher. Il faut prendre des risques de temps en temps.Pas toujours jouer sur son petit fonds de commerce…

Il y a des gens dont vous pourriez dire du bien, pour changer un peu?
Oui, Rachid Taha tiens.Ca, c’est une vraie perte! Sinon, n’importe quel disque de blues des années 30-40 enregistré avec un micro me paraît toujours infiniment supérieur à ce qui sort aujourd’hui. Je ne suis pas certain qu’il y ait du progrès en art, mais en ce qui concerne la musique populaire, je suis tout à fait sûr du contraire!

By |décembre 15th, 2018|Categories: ça vient de sortir|0 Comments

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