17 minutes, 164 vers : c’est la chanson la plus longue que Bob Dylan, auteur pourtant logorrhéique (précédent record 14′ pour « Tempest » sur l’album éponyme) ait jamais écrite. « Murder Most Foul » (citation d’Hamlet de Shakespeare signifiant « Le meurtre le plus fautif« ) est sa première composition originale depuis 2012 et l’album Tempest, pour lequel elle avait peut-être été écrite. C’est une ballade sépulcrale en piano-voix, avec un simple accompagnement de violoncelle et de cymbales, sur l’assassinat de John Fizgerald Kennedy. Dylan a choisi de la publier à minuit, alors qu’un tiers de la planète est confiné pour cause de coronavirus et que les Etats-Unis risquent de payer le plus lourd tribut à l’épidémie. Hors sujet ? Pas si sûr. Et si, au contraire, « le timing était juste » comme le chante Dylan au début de la chanson ? Comme toujours avec Dylan, il faut lire entre les lignes et risquer l’exégèse. Se pourrait-il que cette chanson, qui évoque l’assassinat de Kennedy et, à travers lui, la perte de l’innocence et la fin du rêve américain, nous parle aussi de la crise actuelle ? Au long des cinq couplets (sans refrain : le titre est juste rappelé en fin de couplet), le prix Nobel de littérature entremêle plusieurs voix : celle du narrateur qui parle d’un « jour frappé d’infamie » et d’un lieu (Dealey Plaza à Dallas) où « où la foi, l’espoir et la charité sont morts ». Celle de JF Kennedy « conduit au massacre comme un agneau sacrificiel« , qui demande à ses assassins « Savez vous bien qui je suis » ? Celles de ceux qui ont voulu sa mort (« Tu avais des dettes qu’on est venus encaisser« , « On n’a pas fait de quartier« , « Tes frères, on les aura aussi« ) et celle d’une sorte de choeur antique (nous?), qui demande à un DJ célèbre (Wolfman Jack) de lui jouer des chansons, comme pour exorciser sa peur et sa peine (« Play it for the First Lady, she ain’t feeling any good« ). Ce name dropping, qui compose tout le 5eme couplet et comprend aussi des titres de films, cite des oeuvres bien postérieures à 1963. Façon de dire que la peine dure toujours… Ou de relier l’assassinat à des réalités plus contemporaines ? « The day that they killed him, someone said to me, « Son, the Age of the Antichrist has just only begun » raconte le narrateur à la fin du troisième couplet. Dans le cinquième, le monde semble vouloir s’étourdir dans une orgie de sons et d’images (« All that junk and all that jazz« ) jusqu’à la fin des temps. Quand la chanson se termine, sur l’injonction : « Play Blood Stained Banner/Play Murder Most Foul« , difficile de ne pas penser au «meurtre le plus fautif » que constitue l’incurie du gouvernement américain face à l’épidémie de Covid-19…
Bob Dylan
Murder Most Foul
Date de sortie
27 mars 2020
(Columbia)
Thibault de Montaigu: Cœur
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Par MAB
Le récit à la première personne d’un fils au chevet d’un père qu’il veut connaître avant que ce dandy déchu ne quitte le monde. Or, le patriarche, devenu aveugle et impotent après une vie flamboyante, suggère, à son écrivain de rejeton, le sujet de son prochain roman : l’histoire de Louis de Montaigu, l’arrière grand-père, mort un soir d’août 14, à la tête de son escadron. Un acte de bravoure insensé, un désir sublime et ridicule d’en découdre, qui cachaient bien des secrets. En les découvrant peu à peu, à travers archives et roman familial, l’auteur réalisera enfin qui était son père, qui il est lui-même et combien « les fils sont là pour continuer les pères ». Les allers retours passé- présent et la vivacité des dialogues donnent à cette narcissique et élitiste introspection un étonnant intérêt. Prix Interallié 2024.
Une Affaire de principe
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Par J.V
Le Pitch
Bruxelles, 2012. Quand le commissaire à la santé est limogé du jour au lendemain, dans la plus grande opacité, le député européen José Bové (Bouli Lanners) et ses assistants parlementaires décident de mener l’enquête. Ils vont alors découvrir un véritable complot menaçant de déstabiliser les instances européennes, jusqu’à leur sommet…
Ce qu’on en pense
Après Une intime conviction (2019) Antoine Raimbault creuse la veine judiciaire et politique avec ce film-dossier sur une affaire qui n’a pas fait grand bruit en dehors du landernau bruxellois, mais qui méritait pourtant plus de publicité. D’autant qu’elle impliquait le médiatique José Bové et le lobby du tabac. Du coup, le film s’attache à faire comprendre les tenants et les aboutissants du dossier, avec un luxe de précision qui nuit un peu à la dramaturgie. Heureusement, le réalisateur a eu la bonne idée d’adjoindre au député moustachu, incarné avec conviction par Bouli Lanners, un assistant et une jeune stagiaire (Thomas VDB et Céleste Brunnquell) qui, en plus d’être attachants, permettent de varier les points de vue.
Horizon 1
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Par J.V
Le pitch
A l’époque de la Guerre de Sécession, la colonisation de l’Ouest américain est semée d’embûches. Qu’il s’agisse des éléments naturels, des interactions avec les peuples indigènes qui vivaient sur ces terres et de la détermination impitoyable de ceux qui cherchaient à les coloniser, tout se conjugue pour rendre l’avancée des colons périlleuse…
Trente trois ans après le succès de Danse avec les loups, encore auréolé de celui de la série Yellostone, Kevin Costner partage sa passion pour le western avec cette ambitieuse saga de trois (ou quatre?) films sur la conquête de l’ouest. Devant et derrière la caméra, l’acteur-réalisateur est omniprésent, multipliant les fils narratifs dans un premier volet de trois heures qui n’a, hélas, pas convaincu lors de sa présentation à Cannes 2024. Reconstitution factice, image proprette, intrigue filandreuse, cette épopée manque de souffle et ressemble plus à une série pour plateforme de streaming qu’au grand oeuvre cinématographique espéré. Témoin de sa construction feuilletonnesque, le final de cette première partie laisse le spectateur en plan jusqu’au 11 septembre, date de sortie prévue du chapitre 2. Avec le risque d’avoir tout oublié d’ici là.
Love Lies Bleeding
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Par J.V
Le pitch
Lou (Kristen Stewart), gérante solitaire d’une salle de sport, tombe éperdument amoureuse de Jackie (Katy O’Brian), une culturiste ambitieuse. Leur relation passionnée et explosive va les entraîner malgré elles dans une spirale de violence…
Ce qu’on en pense
Révélée avec le thriller fantastique Saint-Maud , Rose Glass brasse à nouveau les genres avec cette love story lesbienne à l’atmosphère pesante, qui brosse un portrait sans fard de l’Amérique profonde. Le film oscille avec grâce entre Oliver Stone et les frères Coen et offre à Kristen Stewart et Katy O’Brian une partition à la Thelma et Louise dont elles s’emparent avec conviction. En méchant de service, Ed Harris méconnaissable est à son meilleur. Ce Love Lies Bleeding surpasse largement le Drive-Away Dolls d’Ethan Coen, sorti récemment et auquel il fait immanquablement penser.
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