« You know my name » dit la jacquette américaine du bouquin. Effectivement : depuis qu’on a fait connaissance avec Dave Robicheaux au mitan des années 80 dans The Neon Rain (Légitime Defense en VF) , on suit avec délice les aventures du flic poissard de New Iberia (Louisiane). Robicheaux est sa vingt et unième et le titre laisse penser qu’elle pourrait résumer toutes les autres. En attrapant le bouquin, on a d’ailleurs cru, vue l’épaisseur, qu’il pourrait s’agir d’une sorte de best of ou d’un recueil de nouvelles inédites. Mais non. On retrouve Dave meurtri par la mort de sa femme Molly, victime d’un chauffard, tout près de replonger dans ses vieux démons : l’alcool et la violence. Sa fille Alafair (qui porte le même nom que celle de l’auteur et exerce le même métier : écrivain) accourt pour le soutenir. Trop tard: le responsable de l’accident de Molly est retrouvé battu à mort et tout accuse Robicheaux qui, le soir du crime, s’est justement payé une cuite royale et a fait un black-out. Comme si cela ne suffisait pas, son vieux pote Clete (un tas d’emmerdes sur pattes, mais aussi un cœur généreux) est menacé de mort par les types auxquels il a emprunté de l’argent qu’il ne peut (et ne veut) évidemment pas rembourser… On fait aussi la connaissance de deux femmes flics dures à cuire, d’un futur sénateur au passé trouble, d’un riche héritier qui veut devenir producteur de cinéma, d’un écrivain célèbre et de sa femme à moitié folle et d’un tueur psychopathe qui sourit aux enfants et se fait appeler Smiley, mais s’avère être l’exécuteur des basses œuvres d’on ne sait quel commanditaire… Le tout sur fond de bayou hanté par des fantômes de soldats confédérés en butternut. Ah, la Louisiane ! Un Etat qui , sous la plume volontiers lyrique de Burke, ressemble à « un asile psychiatrique en plein air dans lequel des millions de gens sont bourrés la plupart du temps » et où « La cirrhose est un héritage familial.”… Disons-le tout net : Robicheaux est le meilleur JL Burke ( donc le meilleur polar) qu’on ait lu depuis des lustres. Le chef d’oeuvre testamentaire d’un écrivain de 82 ans, dont la saga a déjà inspiré un de ses meilleurs films à Bertrand Tavernier (Dans la brume électrique) et qui n’attend plus que la consécration d’Hollywood.
Robicheaux
de James Lee Burke
(Rivages/Noir 504 pages 23 euros).
All We Imagine as Light
ça vient de sortir|
Par Ph.D
Le pitch
Sans nouvelles de son mari depuis des années, Prabha (Kani Kusruti), infirmière à Mumbai, s’interdit toute vie sentimentale. De son côté, Anu (Divya Prabha), sa jeune colocataire, fréquente en cachette un jeune homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Lors d’un séjour dans un village côtier, ces deux femmes, empêchées dans leurs désirs, entrevoient enfin la promesse d’une liberté nouvelle…
Ce qu’on en pense
L’histoire de trois femmes de trois générations différentes qui travaillent dans le même hôpital de Mumbai (ex-Bombay) et doivent composer avec la pauvreté, le mal logement, les traditions religieuses et la dureté de la condition féminine en Inde. Un pays que la réalisatrice Payal Kapadia, venue du documentaire, filme admirablement pour son premier long métrage de fiction. L’actrice principale, Kani Kusruti, aurait mérité un prix d’interprétation à Cannes 2024, où le film était en compétition. Le jury présidé par Greta Gerwig a préféré lui accorder son Grand Prix, sorte de Palme bis qui récompense une petite merveille de douceur et de sensibilité.
La chair des autres
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Par MAB
La Frontière sauvage
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Par MAB
Lost in Cannes
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Par MAB
Alors que la sélection du 78e Festival de Cannes vient d’être annoncée, le réalisateur, scénariste et écrivain Santiago Amigorena raconte les moments contrastés passés, depuis 1985, dans ce lieu d’illusions. Paraphrasant Proust jusque dans son style travaillé, il a intitulé ce troisième volume autobiographique « Le Festival de Cannes ou le temps perdu ». Une façon pour lui de raconter sa vie par le prisme grossissant et déformant de cette foire aux vanités. Rien d’original dans ce qu’il relate. Mais pour le lecteur, le plaisir d’entrer, à la fois de l’autre coté du miroir et dans l’intimité d’un faux « privilégié » un brin narcissique et passablement amer. D’abord, pour le parfait inconnu qu’il fut, les attentes interminables pour obtenir le carton d’une projection. Les hôtels miteux et les stratagèmes pour s’incruster dans les fêtes. Puis pour le co-scénariste débutant du « Péril Jeune » de Cédric Klapisch, les contacts en hausse. Les dîners qui se proposent. Le smoking pour les marches. Ensuite, l’évocation, pour le coup, très impudiques et larmoyantes des actrices aimées, supportées et desaimées: deux enfants avec Julie Gayet et deux ans de relation glamour avec la présidente du jury de cette 78 eme édition, Juliette Binoche. Au fil des lignes, Cannes devient alors autre chose qu’un lieu de cinéma mais celui des féroces mondanités. Surtout de tout ce que l’on se construit soi-même pour s’élever, souffrir et se tromper de vie. « Lorsque l’on atteint son but, la triste réalité de ce que l’on convoitait, s’offre à nous dans tout son terne éclat » conclut Santiago. Seul l’âge et l’écriture, permettent alors de se rendre compte de son erreur. Plus intéressant au final que l’on ne pensait en ouvrant l’ouvrage.
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