Interview : Robert Guédiguian

//Interview : Robert Guédiguian

Interview : Robert Guédiguian


Avec La Villa, Robert Guédiguian revient à la source de son cinéma, réinstallant sa troupe (Ariane Acaride, Jean, Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet…) dans la calanque de Méjean, où il tournait en 1985 une scène de Ki Lo Sa? reprise dans le film… L’occasion de parler du temps qui passe, mais aussi du présent, avec l’irruption de réfugiés. Et peut-être d’avenir, puisque ces migrants sont des enfants. Tous sujets dont le réalisateur Marseillais de 63 ans, ragaillardi par son passage au jury de Cannes (aux côtés de Cate Blanchett, Denis Villeneuve et Andrey Zvyagintsev),  nous a entretenu avec passion autour d’un excellent déjeuner parisien…

La calanque de Mejean c’est un peu, avec l’Estaque, la matrice de votre cinéma, non?

Oui, parce qu’elle se situe du côté des quartiers populaires, à vingt minutes de l’Estaque, sur la Côte Bleue. Ce n’est pas un endroit touristique comme celles de Cassis, par exemple. J’y suis venu pour la première fois en 1968, c’était presque inaccessible et ça n’a pas changé depuis.L’hiver c’est désert. Du coup, on s’en est servi comme d’un studio.On a fermé l’accès, loué toutes les maisons, repeint les façades, viré quelques bateaux, tiré des câbles et emménagé quatre décors intérieurs où il suffisait d’allumer la lumière pour pouvoir tourner à tout moment.On a habité sur place, techniciens et acteurs réunis, pendant toute la durée du tournage. On avait une cantine, un cuistot, un bateau pour aller pêcher du poisson… Tous les poissons que vous voyez dans le film, on les a mangés. C’était génial.Alors qu’on tournait en extérieurs, on avait l’impression de faire un film en studio!

Cette calanque n’est pas qu’un décor…

Non, bien sûr.On ne peut pas faire un film aujourd’hui au bord de la Méditerranée sans parler de la question des réfugiés.Tous les jours, des gens se noient dans cette mer en venant chercher refuge chez nous.Je me moque que ce soit pour des raisons climatiques, économiques, ou à cause d’une guerre.La question centrale aujourd’hui, c’est le partage. On vit dans un seul monde.Même dans cette petite calanque perdue, en plein hiver, cela a des conséquences visibles…

Trois générations s’y retrouvent.Une renonce, l’autre retrouve une raison de vivre, la dernière tente des expériences nouvelles…

Pour les parents, c’est trop tard.Ils n’ont plus le temps de trouver une cause qui les motive à continuer.Ils préfèrent mourir deboutet disparaître avec leur monde. Angèle, Joseph et Armand, eux, peuvent encore redonner du sens à leur vie avec ces enfants qui arrivent.Quant aux plus jeunes, incarnés par Anais Demoustiers et Robinson Stevenin, ils sont l’occasion de parler d’amours transgénérationnels…

On songe évidemment à La Cerisaie de Tchekhov…

Sauf qu’à la fin, La Villa n’est pas vendue! Avec ces trois petits qui arrivent, peut-être la calanque va-t-elle revivre? Angèle, Joseph et Armand vont rester là avec ces trois enfants à élever, et ils vont essayer de faire tenir le restaurant, la colline et leurs idées du monde…

Et Joseph va raconter l’histoire puisque s’il ne le fait pas «personne ne le fera à sa place». C’est vous Joseph?

C’est ce que m’a dit Darroussin en lisant le scénario: «Donc, je te joue»Mais comme d’habitude, je suis dans tous les personnages. Armand (Gérard Meylan), c’est le pilier, celui qui continue à tenir le restaurant ouvrier de son père, à s’accrocher à l’idée de partage, de transmission… C’est aussi ce que je fais avec mes films. Raconter l’Histoire, c’est important.On vit dans le présent, l’instantanéité… Mais le passé importe aussi. Il ne faut pas l’oublier.

 

 

 

By |avril 1st, 2018|Categories: ça vient de sortir|0 Comments

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