Jeanne du Barry
Par Ph.D
Le pitch
Jeanne Vaubernier (Maïwenn), fille du peuple avide de s’élever socialement, met à profit ses charmes pour sortir de sa condition. Son amant le comte Du Barry (Melvil Poupaud) , qui s’enrichit largement grâce aux galanteries lucratives de Jeanne, souhaite la présenter au Roi. Il organise la rencontre via l’entremise de l’influent duc de Richelieu (Pierre Richard). Celle-ci dépasse ses attentes : entre Louis XV (Johnny Depp) et Jeanne, c’est le coup de foudre… Avec la courtisane, le Roi retrouve le goût de vivre – à tel point qu’il ne peut plus se passer d’elle et décide d’en faire sa favorite officielle. Scandale : personne ne veut d’une fille des rues à la Cour…
Ce qu’on en pense
Portrait enluminé d’une transfuge de classe, Jeanne du Barry doit autant à Barry Lindon (autre transfuge au destin tragique) qu’à Marie-Antoinette. La composition de Johnny Depp en Louis XV hisse le nouveau film de Maïwenn très au dessus de la moyenne de la production francophone. Le pari de casting était risqué et le tournage n’a visiblement pas été idillyque, mais le jeu en valait la chandelle. Même avec un accent bizarre et des patates dans la bouche, Depp crêve l’écran. Sans lui, Jeanne du Barry aurait été un bon film romantico-historique. Sa seule présence en fait un grand film. C’est la magie des vraies stars. A ses côtés, Maïwenn, qui s’est réservé le rôle titre et s’en régale, ne démérite pas, loin de là. Idem pour Benjamin Lavernhe en majordome-coach de bonnes manières, Melvil Poupaud en mari proxénète et Pierre Richard en médecin du roi entremetteur. On a, certes, du mal à reconnaître la patte de Maïwenn dans cette somptueuse reconstitution historique, mais la réalisatrice réussit des plans magnifiques (dans les jardins de Versailles, notamment) et, après un début laborieux, l’équilibre en drame , comédie et petite histoire de la grande histoire est quasi parfait. En ouverture du Festival de Cannes, c’était Versailles !
Barbéris: Une façon d’aimer
Par MAB
Le nouveau roman de Dominique Barbéris s’intitule Une façon d’aimer . Beau titre pour une histoire simple, déroulée avec finesse . A l’image de la discrète Madeleine, beauté timide et mélancolique de la province d’après-guerre. Le récit de sa vie est fait par sa nièce, quelque temps après la mort de sa tante. La narratrice ne sait pas tout. Elle appuie ses dires sur des paroles rapportées par sa propre mère, la sœur de Madeleine, par Sophie, sa fille. Mais aussi sur de vieilles photos et même sur des chansons de Guy Béart que, dans ces années-là, tout le monde fredonnait. Madeleine quitte, donc, sa Bretagne natale pour suivre au Cameroun, un mari épousé tardivement et sans amour . Nous sommes en 1958. Il fera là-bas le commerce du bois. Alors que la décolonisation est en marche et que la révolte gronde, elle se trouve plongée au cœur d’une vie de petits blancs, d’expatriés, de femmes oisives et affranchies, dont elle ne saisit pas tous les codes. Or, à Douala, lors d’un bal à la Délégation, elle est courtisée par un habitué de ces soirées: un administrateur colonial à la vie d’aventurier. C’est un homme à femmes. Mais Madeleine qui « ressemble à Michèle Morgan » est farouche. Il y aura entre eux une façon d’aimer comme il en existe parfois : Des regards furtifs, des promenades silencieuses, du désir inavoué… Une relation banale, au fond, mais surveillée par toute une communauté qui s’ennuie et s’angoisse face à un monde qui s’enfuit. Ce roman doux et pas si léger qu’il en a l’air, qui laisse la violence en creux pour ne garder que les frustrations lancinantes de cette époque-là, a reçu le Grand Prix du roman de l’Académie Française.
Daniel Fohr: La Vague qui vient
Par MAB
Le personnage-narrateur de La vague qui vient a l’âme à la dérive. Sa nouvelle BD, l’œuvre de science fiction sur laquelle il travaille depuis des années, est un naufrage éditorial. Le quinquagénaire est à sec « essoré par la vie », forcé de quitter son appartement parisien pour rejoindre cette île entre le ciel et l’eau (Brehat? ) oû lui reste une vieille bicoque de famille. « Les artistes, prétend -il pompeusement, affectionnent les refuges insulaires » Et de nous citer, pour se rassurer, Gauguin aux Marquises, Hemingway à Cuba, Pissaro à Saint Thomas; Neruda à Chiloé… Avant d’ajouter, auto-dérision oblige : « De quoi tenir tout un dîner » ! Bref, le voila dans un refuge transformé en cachette. Un poste avancé pour se livrer à la radiographie bien souvent hilarante d’une communauté prise au piège de son isolement. Et, accessoirement, de répondre à la demande de la mairie en peignant une grande fresque dans la salle des fêtes, censée rendre justice à la vie de l’île et à ses habitants… A l’heure des gloires littéraires couronnées de prix, Daniel Fohr est encore un inconnu pour nombre d’entre nous. Et pourtant La vague qui vient (Quel titre d’actualité ! ) est son sixième roman. Un récit inclassable, qui multiplie les intrigues picaresques, utilise en permanence l’ironie et le second degré dans de mémorables punchlines et offre une savoureuse galerie de portraits, notamment celui mémorable d’une fantomatique artiste déchue, recluse dans son château. Car, qu’ils soient « natifs en bottes et habits de grosse toile » « résidents secondaires, pour qui le barbecue est le propre de l’homme » ou « touristes avec gourde, casquettes, sacs a dos et bananes », le regard faussement naïf et décalé de notre naufragé sur tous ces néo Robinson est un pur régal. Tout comme d’ailleurs les descriptions de la belle nature environnante. Lisez-le aujourd’hui. C’est un souffle d’air frais loin des tourments continentaux.
Chien de la casse
Par J.V
Le Pitch
Dog (Anthony Bajon) et Mirales (Raphaël Quenard) sont amis d’enfance. Ils vivent dans un petit village du sud de la France et passent la majeure partie de leurs journées à traîner dans les rues. Pour tuer le temps, Mirales a pris l’habitude de taquiner Dog plus que de raison. Leur amitié va être mise à mal par l’arrivée au village d’une jeune fille, Elsa (Galatea Bellugi), avec qui Dog va vivre une histoire d’amour. Rongé par la jalousie, Mirales va devoir se défaire de son passé pour pouvoir grandir, et trouver sa place…
Ce qu’on en pense
Jean-Baptiste Durand signe avec Chien de la casse un premier film sensible et réaliste qui vaut autant pour l’épatant duo d’acteurs formé par Anthony Bajon et Raphaël Quenard que par la peinture de la vie dans les banlieues rurales (en l’occurence Montpeyroux près du Pouget, d’où est originaire le réalisateur). Le scénario a la bonne idée de ne pas tomber dans le sempiternel trio amoureux, mais de se concentrer plutôt sur l’évolution des rapports des deux garçons, modifiés par l’arrivée du personnage féminin. Le film rappellera des souvenirs à tous ceux qui ont vécu leur adolescence dans un village.
Infinity Strash : Dragon Quest
Par Cédric Coppola
Véritable série culte du J-RPG (jeux de rôle japonais) Dragon Quest s’essaie souvent à des spin-off qui peuvent lorgner vers le Muso ou le jeu de construction. Le cas de Infinity Strash : Dragon Quest The Adventure of Dai est assez particulier puisqu’il s’agit d’un jeu inspiré d’un manga lui-même librement inspiré des jeux originaux ! Autant dire que la boucle est bouclée. Le point fort de cette variante est l’histoire épique de Dai (ou Fly pour les nostalgiques du Club Dorothée), jeune homme élevé par des gentils monstres avant d’être promis à un avenir hors du commun lorsque les forces maléfiques menacent de s’emparer du monde. Un récit essentiellement raconté par des images fixes issues de l’animé. Dommage… on aurait aimé davantage de séquences en mouvements… Tout le symbole d’un jeu trop statique et répétitif dans ses mécaniques pour convaincre…. Ainsi, on ne parcourt pas d’immenses contrées. Non, on se contente d’enchaîner les combats contre des créatures et des boss. Le gameplay manque aussi de profondeur, de combos et on a le sentiment de faire et refaire toujours les mêmes actions. Seule la présence du sanctuaire, où l’on descend dans des profondeurs façon rogue-lite pour gagner quelques capacités apporte un chouia de diversité à ce titre essentiellement conçu pour les fans de la franchise. (Disponible sur Nintendo Switch, PS4/ PS5, Xbox Series, PC)
Rolling Stones : Angry
Par Philippe DUPUY
Après une campagne de teasing éclair sur le Net, les Rolling Stones avaient convoqué la presse le 6 septembre à Hackney au Nord de Londres, pour une conférence de presse qui s’est réduite à une parodie de late show, avec Jimmy Fallon en intervieweur unique et énamouré (il imite très bien Jagger) . Motif de la sauterie, retransmise en direct sur la chaîne Youtube du groupe, le lancement du single « Angry », premier extrait de l’album Hackney Diamonds à paraitre le 20 octobre. Leur premier disque de chansons originales depuis l’oubliable A Bigger Bang, paru il y a près de 20 ans. Produit par Andrew Watt (Iggy Pop, Post Malone, Ozzy Osbourne…), comme le reste de l’album apparemment, « Angry » est rock binaire, basé sur un riff antédiluvien et une syncope de batterie pachydermique, avec un gros son FM et un solo de guitare sur 3 notes. Rien de particulièrement remarquable, sinon que c’est sans doute leur meilleur single depuis « Start me Up » en … 1981! Sympa pour se donner la pêche le matin en partant travailler, la chanson vaut surtout par l’interprétation post #MeToo que l’on peut faire de ses paroles. On peut, en effet, y lire la complainte d’un boomer (« I’m in a desperate state« ), qui s’est mal comporté avec les femmes durant sa vie d’homme et fait face aux reproches (« Don’t be angry with me« ), traîne sa mauvaise réputation comme un boulet (« Voices keep echoing calling out my name « ) et craint l’assignation à comparaître (« The wolf’s at the door with the teeth and the claws »), mais qui ne s’excuse pas (« I Never Caused You No Pain », « Don’t have to be ashamed »), coupe les ponts (« Please just forget about me/Cancel out my name/Please never write to me« ) et se barre au Brésil avec une provision de Viagra (« I’m still taking the pills and I’m off to Brazil« ), en faisant mine de se demander pourquoi on lui en veut tellement (« Ah, why you angry with me? Why you angry?« ). Venant d’un groupe pour lequel le concept de « groupies » a été inventé et dont la discographie est pavée de chansons sexistes (« Under my thumb », « Brown Sugar », « Stray Cat Blues« , « Parachute Woman« , « Some Girls« …), cela ressemble, au mieux, à un aveu de mauvaise conscience, au pire (voir le clip ultra vulgos de la chanson) a de la provocation. Du pur Rolling Stones, en somme !
Eric Reinhardt : Sarah…
Par MAB
Voici résumée la formidable mise en abyme tricotée par Eric Reinhardt et annoncée dès le titre de son nouvel ouvrage : Sarah a confié l’histoire pathétique d’un moment de sa vie, à un écrivain qu’elle admire afin qu’il en fasse un roman. L’écrivain se met donc à l’œuvre sous nos yeux de lecteurs; prénomme son héroïne Suzanne, et interpelle régulièrement Sarah en quête de précisions, de contestations ou de modifications sur les pages qu’il est en train d’écrire. Le livre avance ainsi sur trois niveaux : le récit de Sarah, la narration de Reinhardt et ses digressions d’auteur et d’artiste cultivé. Le roman est puissant, porté par une écriture passant très aisément d’un registre à l’autre, pour un récit somme toute assez contemporain et qui une fois encore chez Reinhardt (« L’amour et les Forêts » porté à l’écran par Valérie Donzelli, c’etait lui ) se penche sur les femmes violentées par un mari pervers. En effet, Sarah dite Suzanne ne se sentant plus aimée comme autrefois par un mari qui la délaisse et l’escroque, payera trés cher sa décision de quitter un temps le domicile conjugal. Des pages denses et prenantes. Des épisodes complètement insolites voire délirants. Une héroïne parfois exaspérante de naïveté et de masochisme. Et, au bout du compte, un thriller psychologique d’une sensibilité et d’une intelligence bouleversantes. Le coup de coeur de cette rentrée.
Laurent Binet : Perspective(s)
Par MAB
Ride 5
Par Cédric Coppola
Les amateurs de deux roues seront ravis de chausser leur fidèle destrier mécanique sur Ride 5. Toujours développé par les italiens de Milestone – de véritables spécialistes du genre – ce nouvel opus reprend les bonnes bases de son prédécesseur sorti début 2021.On note donc une fluidité à toute épreuve, des graphismes à la hauteur et une volonté d’être accessible au plus grand nombre grâce à une flopée d’aides au pilotage, bien entendues facultatives pour les pros. L’intelligence Artificielle ANNA, qui permet dans les modes offlines de se frotter à des concurrents calqués sur des comportements humains, est toujours de la partie, mais demeure toujours imparfaite, avec quelques comportements étranges. Avec plus de 200 motos à essayer sur des circuits aux quatre coins du monde, le jeu est complet. Les modes de jeux sont eux aussi nombreux, mais la carrière où on gravit les échelons en enchaînant des courses aurait gagné à innover davantage. Au rayon des nouveautés, les développeurs se sont surtout concentrés sur des points essentiels : la météo dynamique, qui change pendant les courses et la physique des motos. L’ensemble gagne en réalisme. De quoi donc se laisser tenter pour peu que l’on apprécie le genre. (Jeu testé sur PS5, également disponible sur PC et XBox Series).
Ivan Jablonka : Goldman
Par MAB
Jeune, Ivan Jablonka écoutait plus volontiers Renaud ou Gainsbourg. Il dit même que Goldman était assez méprisé par l’élite intellectuelle de son époque. Mais il est historien. S’intéressant à la chanson de variété comme phénomène du collectif, il s’est donc tout naturellement tourné vers l’ascension régulière du chanteur de « Là-bas » « Elle a fait un bébé toute seule » et « Comme toi »… Le résultat est une somme de plus de 400 pages, avec tableaux comparatifs et notes de bas de pages qui commence ainsi : « Le 6 mars 1982 à Paris, un chanteur inconnu venu en scooter, franchit le seuil de l’Espace Cardin où est présenté en direct l’émission Champs-Élysées. C’est un jeune homme de trente ans à l’air emprunté, d’apparence assez quelconque, veste grise, jean,chemise blanche, cravate… ». Qui se serait douté, s’interroge Jablonka, que ce grand timide obligé de prendre des bêtabloquants pour monter sur scène allait rester longtemps – jusqu’en 2022 alors qu’il ne chantait plus depuis dix ans – la personnalité préférée des français ? Pourquoi tant d’amour pour un artiste modeste et humble qui s’est longtemps déclaré « vendeur de pompes » plutôt que musicien pour lui et les autres (notamment Céline Dion) ? Pourquoi un tel engouement pour un solitaire qui, en rupture avec le star system, vivait la notoriété comme une souffrance et finit par disparaître après avoir initié discrètement Les Enfoirés ? Sans doute parce que ce fils d’immigré juif, était associé à une certaine idée de la France, celle de la méritocratie et de la sociale démocratie. Que ses chansons parlent du quotidien et des aspirations de chacun – et surtout chacune- d’entre nous. Et que, au fond, quelles que soient les modes et les humeurs des temps, l’homme est resté farouchement authentique, tentant de « Changer la vie » sans se trahir . Lisez l’ouvrage de Jablonka, vous chantonnerez les mélodies , revisiterez les textes et vous souviendrez des généreuses et empathiques « années Goldman ».
Sorj Chalandon : L’Enragé
Par MAB
« En 1977, alors que je travaillais à Libération, j’ai lu que le Centre d’éducation surveillée de Belle-Île-en-Mer allait fermer» écrit Sorj Chalandon en préambule de L’Enragé. Il s’est donc renseigné sur ce lieu . A compulsé des archives et découvert que ce mot désignait en fait une colonie pénitentiaire pour mineurs. Qu’entre ses hauts murs, où avaient d’abord été détenus des Communards, ont été « rééduqués » à partir de 1880 les petits voyous des villes, les brigands des campagnes mais aussi des cancres turbulents, des gamins abandonnés et des orphelins. Les plus jeunes ayant à peine 12 ans. Des faits et méfaits authentiques qui deviendront, pour le journaliste-romancier, la matière d’un ouvrage mi documentaire, mi fiction. Un témoignage qui débute le soir du 27 août 1934, quand 56 gamins maltraités et exploités en des travaux forcés, se sont révoltés et ont fait le mur. Les pauvres fuyards furent alors cernés par la mer et traqués par des gendarmes offrant aux « braves gens » du coin une pièce de vingt francs pour chaque enfant capturé. Après une partie de chasse dans les villages, sur les plages et dans les grottes, tous les fugitifs furent récupérés. Tous sauf un : Jules, le héros de fiction de Chalandon, cet enragé, dont on va suivre la fugue, la volonté implacable et la métamorphose. « Un fauve né sans amour. – « gosse battu qui me ressemble » écrit l’auteur d’Enfant de salaud et Profession du père – obligé de desserrer les poings pour saisir les mains tendues qui, un matin, s’offrent enfin à lui…Le récit est bouleversant, écrit à la fois comme un roman d’aventure palpitant et comme un témoignage engagé sur l’enfance bafouée et les indignités d’Etat.Une preuve de plus que Sorj Chalandon– prix Goncourt des lycéens en 2013, pour Le quatrième mur– ne déçoit jamais qu’il parle de son enfance ou qu’il soit en empathie avec les autres gosses meurtris.
Les 3 mousquetaires
Par Ph.D
Le pitch
Du Louvre au Palais de Buckingham, des bas-fonds de Paris au siège de La Rochelle… dans un Royaume divisé par les guerres de religion et menacé d’invasion par l’Angleterre, une poignée d’hommes et de femmes vont croiser leurs épées et lier leur destin à celui de la France…
Ce qu’on en pense
Eniéme adaptation du roman d’Alexandre Dumas, le nouveau film de Martin Bourboulon (Papa ou Maman 1 & 2, Eiffel) fait le choix du western médiéval à grand spectacle et gros casting (Vincent Cassel, Pio Marmaï, Romain Duris, François Civil, Lyna Khoudri, Louis Garrel, Vicky Krieps, Eva Green…). François Civil campe un D’Artagnan fougueux à souhait, face aux trois autres (Romain Duris en Aramis, Pio Marmaï en Porthos et Vincent Cassel en Athos) qui semblent s’être entendus comme larrons en foire (ou mousquetaires en goguette). Le choix de Lyna Khoudri en Constance Bonacieux peut étonner, mais ceux de Vicky Krieps en Reine amoureuse et d’Eva Green en Milady sont indiscutables. La bonne surprise vient de Louis Garrel, qui campe un Louis XIII farfelu et vient donner une touche d’humour bienvenue à un film guetté sinon par l’esprit de sérieux… et de longueur ! Deux heures sont nécessaires pour venir à bout de l’affaire des ferrets et la suite, de durée égale on s’en doute, sera en salles le 13 décembre. L’amateur de films de capes et d’épées en a pour son argent (72 millions de budget) côté cavalcades et duels, passés au brou de noix d’un filtre Instagram vintage.
Belezi : Attaquer la terre et le soleil
Par MAB
L’être humain est un barbare. On le sait depuis la nuit des temps. Et s’il est une folie parmi bien d’autres – toujours d’actualité – c’est celle d’aller sous d’autres cieux que les siens s’approprier des terres par le sang et les larmes. Un abus de pouvoir que depuis près de quinze ans ne cesse de déplorer le révolté Mathieu Belezi.Lui, son cheval de bataille est la colonisation de l’Algérie. De roman en roman , il traite ce sujet toujours sensible avec de plus en plus de rage et d’intensité. Preuve en est son dernier ouvrage, Attaquer la terre et le soleil Prix du livre inter 2023, dans lequel il revient aux premiers temps de cet enfer oublié ou occulté dont le président algérien vient récemment de réclamer des comptes à la France. Son choix narratif est de nous faire entendre deux voix qui s’intercalent d’un chapitre à l’autre. Toutes deux décrivant les mécanismes et les violences quotidiennes de cette installation abusive. D’abord le lamento de Séraphine partie de France en 1840 , avec mari et enfants dans l’espoir de construire pour eux l’avenir meilleur promis par les autorités de son pays. Puis la hargne d’un soldat anonyme qui raconte comment sur ordres braillards de leur capitaine, son bataillon en haillons et la faim au ventre, met le feu aux villages égorge les hommes et les enfants, viole et éventre les femmes, s’empiffre du bétail et subit les mêmes représailles en retour… Le récit est brut et brutal. D’une violence parfois insoutenable. Et quand ce ne sont pas les armes qui déciment, c’est la canicule et le choléra qui achèvent les miséreuses familles. Mais Belezi l’humanise en optant pour une écriture sèche et très littéraire à la fois. Celle de la déploration et du questionnement tragique: mais pourquoi tout cela? « Nous ne sommes pas des anges » s’encourage le soldat. « Sainte et sainte mère de Dieu » supplie désespérément Seraphine. Poignant.
F1 2023
Par Cédric Coppola
Codemasters a beau avoir été racheté il y a quelques années par Electronic Arts, la série des F1 a su conserver son essence et retranscrit efficacement ce qu’on éprouve à bord d’une monoplace. Une formule qui, à l’image des licences de sports qui sortent à fréquence annuelle, a du mal à se renouveler, y compris sur un aspect technique. Graphiquement donc, cet opus 23 est similaire à son prédécesseur, c’est-à-dire propre… mais perfectible ! Dualsense en main, c’est une autre histoire puisque les développeurs écossais ont largement repensé la jouabilité au pad, pour améliorer les sensations. Un parti pris payant. Bien entendu, cette correction ne concerne pas les puristes qui prennent déjà leur pied avec un volant, mais cela corrige un des principaux reproches que l’on pouvait faire à F1 2022 et témoigne qu’aucun gamer n’est laissé au stand. Autre point fort : le retour d’un mode scénarisé avec la suite de l’histoire Point de rupture, qui raconte les exploits d’un pilote imaginaire aux dents longues. De quoi apporter un brin de fraîcheur entre une carrière toujours aussi chronophage – la fonction Recherche et développement occupera toujours les mécaniciens en herbe – et des parties en ligne très disputées. Plus anecdotique, l’interface a été légèrement remaniée et gagne en ergonomie. Avec l’ensemble des tracés de la saison en cours, les règles en vigueur et bien entendu les pilotes officiels, F1 2023 colle à la réalité mais sait aussi se montrer souple en permettant de modifier de nombreux paramètres, ce qui ne manquera pas de séduire les amateurs de courses plus arcade. Si l’on ajoute des défis à relever, une intelligence artificielle efficace et une impression de vitesse belle et bien présente, le jeu remplit son pari et saura occuper les afficionados sur le long terme.
The Fabelmans
Par Ph.D
Le Pitch
Passionné de cinéma, le jeune Sammy Fabelman ( Gabriel LaBelle) passe son temps à filmer sa famille. S’il est encouragé dans cette voie par sa mère Mitzi (Michelle Williams) , dotée d’un tempérament artistique, son père Burt (Paul Dano), scientifique accompli, considère que sa passion est surtout un passe-temps. Au fil des années, Il réalise même de petits films amateurs de plus en plus sophistiqués… Mais lorsque ses parents décident de déménager dans l’ouest du pays, il découvre une réalité bouleversante qui fait basculer son avenir et celui de ses proches.
Ce qu’on en pense
Vous avez aimé Armageddon Time de James Gray ? Sur le même thême (l’enfance et la jeunesse d’un futur cinéaste) The Fabelmans risque de vous décevoir cruellement. Multinominé aux Oscars, le nouveau film de Steven Spielberg est un autobiopic d’une rare complaisance, y compris dans sa durée (2h30 au compteur). Spielberg y révèle un secret de famille (sa mère aimait deux hommes) en faisant mine de s’interroger sur le pouvoir des images et l’origine de sa vocation. La réflexion ne va pas bien loin. On baille à s’en décrocher la machoire jusqu’à la seule scène qui mérite de tenir jusqu’à la fin : la rencontre drôlatique du jeune Steven avec son idole John Ford, joué avec malice par un David Lynch borgne et méconnaissable.