Pearl Jam : Gigaton
Sept ans après Lightning Bolt, Pearl Jam sort enfin du silence avec un album dont le titre, Gigaton, annonce du lourd. Promesse en partie tenue avec une demi douzaine de titres bien rock, des guitares particulièrement tranchantes et des solis quasi Van Haleniens. Mike McCready est à son affaire : le héros de cet album, c’est lui. Mais Eddie Vedder est bien là aussi, voix au top et textes soignés, avec quelques punchlines anti-Trump bien senties. Dommage que ces bonnes dispositions ne tiennent pas la distance. L’album affiche une bonne moitié de titres de remplissage et un trop plein de ballades molles du genou. Au final, on se dit que Gigaton aurait fait un EP du tonnerre. Espérons que le groupe choisira de jouer les bonnes chansons en tournée et nous épargnera les soporifiques.
Bob Dylan : Murder Most Foul
17 minutes, 164 vers : c’est la chanson la plus longue que Bob Dylan, auteur pourtant logorrhéique (précédent record 14′ pour « Tempest » sur l’album éponyme) ait jamais écrite. « Murder Most Foul » (citation d’Hamlet de Shakespeare signifiant « Le meurtre le plus fautif« ) est sa première composition originale depuis 2012 et l’album Tempest, pour lequel elle avait peut-être été écrite. C’est une ballade sépulcrale en piano-voix, avec un simple accompagnement de violoncelle et de cymbales, sur l’assassinat de John Fizgerald Kennedy. Dylan a choisi de la publier à minuit, alors qu’un tiers de la planète est confiné pour cause de coronavirus et que les Etats-Unis risquent de payer le plus lourd tribut à l’épidémie. Hors sujet ? Pas si sûr. Et si, au contraire, « le timing était juste » comme le chante Dylan au début de la chanson ? Comme toujours avec Dylan, il faut lire entre les lignes et risquer l’exégèse. Se pourrait-il que cette chanson, qui évoque l’assassinat de Kennedy et, à travers lui, la perte de l’innocence et la fin du rêve américain, nous parle aussi de la crise actuelle ? Au long des cinq couplets (sans refrain : le titre est juste rappelé en fin de couplet), le prix Nobel de littérature entremêle plusieurs voix : celle du narrateur qui parle d’un « jour frappé d’infamie » et d’un lieu (Dealey Plaza à Dallas) où « où la foi, l’espoir et la charité sont morts ». Celle de JF Kennedy « conduit au massacre comme un agneau sacrificiel« , qui demande à ses assassins « Savez vous bien qui je suis » ? Celles de ceux qui ont voulu sa mort (« Tu avais des dettes qu’on est venus encaisser« , « On n’a pas fait de quartier« , « Tes frères, on les aura aussi« ) et celle d’une sorte de choeur antique (nous?), qui demande à un DJ célèbre (Wolfman Jack) de lui jouer des chansons, comme pour exorciser sa peur et sa peine (« Play it for the First Lady, she ain’t feeling any good« ). Ce name dropping, qui compose tout le 5eme couplet et comprend aussi des titres de films, cite des oeuvres bien postérieures à 1963. Façon de dire que la peine dure toujours… Ou de relier l’assassinat à des réalités plus contemporaines ? « The day that they killed him, someone said to me, « Son, the Age of the Antichrist has just only begun » raconte le narrateur à la fin du troisième couplet. Dans le cinquième, le monde semble vouloir s’étourdir dans une orgie de sons et d’images (« All that junk and all that jazz« ) jusqu’à la fin des temps. Quand la chanson se termine, sur l’injonction : « Play Blood Stained Banner/Play Murder Most Foul« , difficile de ne pas penser au «meurtre le plus fautif » que constitue l’incurie du gouvernement américain face à l’épidémie de Covid-19…
Proxima
Le pitch
Sarah (Eva Green) est une astronaute française qui s’apprête à quitter la terre pour une mission d’un an, baptisée Proxima. Alors qu’elle suit l’entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d’hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.
Ce qu’on en pense
En trois films (Augustine, Maryland, Proxima) et un scénario (Mustang), la très discrète Alice Winocour s’impose comme l’une des jeunes auteures les plus intéressantes du cinéma français. Après Claire Denis et son étonnant High Life (starring Robert Pattinson), la voilà qui s’empare à son tour du film de conquête spatiale. Et s’amuse à le déconstruire ! Sarah, sa super-héroïne (Eva Green Magnétique), ne connaîtra pas l’ivresse de l’espace interplanétaire. On la verra tout juste décoller. Mais dans une vraie fusée, filmée à Baïkonour, où l’équipe du film a été la première autorisée à tourner une fiction. Proxima raconte en effet, la préparation d’une astronaute à une mission spatiale. Du centre spatial de Cologne, à Star City et à Baïkonour, Winocour filme de manière presque documentaire l’entraînement de Sarah, unique femme d’un équipage d’hommes prêts à la remplacer sans états d’âme à la moindre défaillance. Mais si Sarah a déjà la tête dans les étoiles, elle garde les pieds sur Terre. Elle sait que la partie la plus délicate de sa mission sera de faire accepter la séparation à Stella, sa petite fille de 8 ans (Zélie Boulant-Lemesle, formidable) avec laquelle elle entretient une relation fusionnelle. Une épopée intime plus passionnante que tous les « star treks» du monde. Bienvenue sur la planète mère !
Baxter Dury : The Night Chancers
On pouvait légitimement penser que Baxter Dury avait atteint un pic d’inspiration avec son album précédent, le génial Prince of Tears , écrit après une séparation particulièrement douloureuse. Que nenni. Le revoilà au sommet de sa forme dans un sixième album dédié à sa passion pour le cinéma en général et pour Stanley Kubrick en particulier. Les 10 chansons de The Night Chancers s’écoutent comme la BO d’un film et racontent chacune une histoire. « Comme un voyage dans le labyrinthe de The Shining » indique le prince de Wingrave dans ses notes d’intention. Bardé de cordes et de groove, avec toujours cette nonchalance héritée de son père dans le phrasé, The Night Chancers sera certainement l’album du printemps 2020.
Miss America : Invasion
Les Miss America ne manquent pas d’humour. « On vient de faire une Spinal Tap ! » constatent-ils sur leur page Facebook. Explication : « Après deux ans de travail sur l’album, il n’aura suffit que de 48h pour que tous les magasins qui le distribuent ferment (pour les raisons que vous connaissez) et que toutes les premières dates de tournée soient annulées. Apparemment, le Guinness Book doit nous contacter pour homologuer « la plus improbable sortie d’album de l’histoire du rock« . Le coronavirus et son cortège d’annulations, de fermetures et de confinement n’a pourtant pas empêché le premier album du groupe Niçois, Invasion, de rentrer dans le top 100 des ventes françaises. Une juste récompense pour le groupe (Tommy Roves : Vocals, lead & rythm guitar. Dimitri Walas : Lead & rythm guitar, vocals. Anso Ambroisine : Bass & vocals. Laëza Massa : Drums ) qui a bien travaillé. L’album sonne du feu de Dieu avec des compos qui tiennent la route et des chorus de guitare de derrière les fagots. Du bon gros hard FM, comme on n’en fait (presque) plus, avec la grosse voix à la Garou de Tommy Roves pour emballer l’affaire. On a hâte d’écouter les nouvelles chansons en live.
J’accuse
Le pitch
Jugé coupable de trahison, le capitaine Dreyfus (Louis Garrel) est dégradé en place publique et envoyé au bagne. Le colonel Picquart (Jean Dujardin), sous les ordres duquel il avait servi, est nommé à la tête du contre-espionnage après avoir été témoin du procès. Enquêtant sur un autre officier, également soupçonné d’entente avec l’ennemi, Picquart s’aperçoit que Dreyfus a été condamné à sa place et que l’armée a fabriqué des preuves pour couvrir son erreur. Dès lors, au mépris de sa carrière et de sa sécurité, il mettra tout en œuvre pour faire innocenter Dreyfus…
Ce qu’on en pense
Roman Polanski revisite l’affaire Dreyfus. Courage ou inconscience ? Ses détracteurs ont beau jeu de l’accuser d’avoir voulu faire un parallèle douteux avec son propre traitement médiatique et judiciaire. Lui, se contente de répondre, pour expliquer son choix , que « Les grandes histoires font les grands films ». Celle de Dreyfus a tellement marqué la société française qu’elle est encore régulièrement citée, plus d’un siècle après les faits, chaque fois qu’il est question d’erreur judiciaire et d’antisémitisme.Le scénario, adapté du roman de Robert Harris, laisse au second plan la personnalité de Dreyfus (« Il était au bagne la plupart du temps et ne pouvait rien voir de ce qui se tramait à Paris » justifie Polanski), pour s’intéresser à celle du colonel Picquart. Pur produit de l’armée, antisémite bon teint, ayant peu de sympathie pour celui qui avait été un de ses élèves, c’est pourtant lui qui fournira la preuve de l’innocence de Dreyfus. Il se battra ensuite pour sa réhabilitation, non par humanisme ou conviction politique, comme Zola ou Clemenceau, mais par respect pour la justice. Pour Polanski, Picquart, malgré son antisémistisme, est «un Juste». Jean Dujardin trouve dans cette incarnation son meilleur rôle dramatique , au milieu d’un casting composé d’acteurs chevronnés de la Comédie Française et d’un Louis Garrel méconnaissable en Dreyfus. La réalisation- à l’image d’une première scène impressionnante de la dégradation de Dreyfus dans la cour de l’Ecole militaire- est un pur chef-d’œuvre de classicisme. A 86 ans, Polanski retrouve le souffle qui faisait défaut à ses dernières réalisations. J’accuse est, sans conteste, l’un de ses plus grands films. Proche du Pianiste, qui lui valu la palme d’or à Cannes, 7 César et trois Oscars.
Le Mans 66
Le pitch
Dans les années 60 aux États-Unis, le constructeur automobile Ford perd des parts de marché et cherche un nouveau souffle. Sur les conseils de ses collaborateurs, Henry Ford III (Tracy Letts) décide d’investir dans la course automobile et embauche Carrol Shelby (Matt Damon), le seul pilote américain à avoir gagné les 24 heures du Mans pour diriger son écurie. Contre l’avis de tous, ce dernier se tourne vers Ken Miles (Christian Bale), tête brûlée incontrôlable mais redoutable préparateur, pour mettre au point la voiture et la piloter. Leur mission : en finir avec l’hégémonie de Ferrari sur l’épreuve reine du championnat des constructeurs.
Ce qu’on en pense
On doit certes à James Mangold quelques bons films (Copland, 3h10 pour Yuma) et un excellent biopic de Johnny Cash (Walk the Line), mais comme pour Todd Philips et son Joker, on n’attendait certes pas de lui une réalisation aussi magistrale que celle de Le Mans 66. S’emparant de la fameuse participation de Ford aux 24 heures du Mans 1966, Mangold signe le meilleur film de voitures qu’on ait vu depuis des lustres. L’Étoffe des héros de la course automobile ! Une fresque de plus de deux heures sans le moindre temps mort, avec des images de course réalisées sans trucages numériques, une reconstitution des sixties aux petits oignons, une BO géniale et des personnages « bigger than life ». Au premier rang desquels, Ken Miles (le Chuck Yeager de la course auto), incarné par un Christian Bale amaigri et génial. Allez-y pied au plancher, c’est très très Ford !
Mystify Michael Hutchence
Intégralement réalisé à partir d’images d’archives rares ou inédites et de témoignages de ses proches, des membres du groupe ainsi que de ses compagnes Kylie Minogue et Helena Christensen, Mystify Michael Hutchence est un portrait intime du chanteur d’INXS, rock star foudroyée en pleine gloire dont la mort par pendaison, en 1997 à l’âge de 37 ans, est restée mystérieuse : jeu sexuel ou suicide ? En plus de célébrer le talent de chanteur et de performer d’Hutchence, le film de Richard Lowenstein , qui avait déjà signé un documentaire sur INXS (Swing and other Stories en 1985) offre une piste crédible pour accréditer la thèse du suicide. Victime d’une agression en 1995 et d’une fracture du crâne mal soignée, le chanteur avait perdu une partie de ses facultés sensorielles et souffrait de troubles bipolaires. Non diagnostiqués à l’époque, ils seraient à l’origine du split d’INXS et de la gestion désastreuse des dernières années de carrière du chanteur australien.
ZZ Top
Par Ph.D
Légendes vivantes du Texas, les ZZ Top fêtent cette année leurs 50 années d’existence. C’est le seul des grands groupes de rock des années 70 à n’avoir jamais changé de formation, ni de formule. Les trois membres originels sont toujours là et racontent leur histoire dans ce film, qui a été diffusé au cinéma avant d’être édité en dvd. Les interviews sont entrecoupées d’images d’archives inédites et d’un mini-set intimiste filmé pour l’occasion dans la plus ancienne salle de danse du Texas. Le trio y est à son meilleur, ce qui laisse bien augurer des concerts de la tournée anniversaire. Pour les fans, Billy Gibbons livre une nouvelle version (définitive ?) de l’origine du nom du groupe qu’on se gardera de révéler ici pour leur laisser la surprise…
Interview : Céline Sciamma
Déjà sous évalué à Cannes, avec un Prix du scénario qui récompensait mal sa splendeur, Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma a encore dû se contenter d’un prix de la meilleure photo aux César, alors que l’Académie avait l’occasion de pouvoir décerner un César de la meilleure réalisation à une femme : Céline Sciamma. Alors que le film sort enfin en dvd, la réalisatrice répond à nos questions et rappelle que l’ostracisation des femmes dans l’Art ne date pas d’hier…
Comment avez vous reçu ce Prix du scénario à Cannes? Il a déçu beaucoup de festivaliers qui s’attendaient à mieux pour votre film…
J’étais déjà bien heureuse d’avoir été dans la course et d’être primée pour ma première participation à la compétition. Après, c’est vrai qu’on rêvait plus d’un prix d’ensemble et il a fallu gérer la déception de l’équipe. Mais c’est un film très écrit, qui m’a pris le plus de temps que les autres à scénariser. Je suis ravie qu’on identifie mon travail dans ce domaine et que le film soit au palmarès.
Quel est votre rapport à l’art pictural dans lequel baigne le film?
Je n’ai pas de rapport particulier à la peinture, même si je vais en voir depuis toujours. J’ai choisi cet art avant tout pour filmer une artiste au travail. Je voulais montrer la peinture comme geste plutôt que comme oeuvre. On a beaucoup travaillé sur la gestuelle avec la peintre du film, Hélène Delmaire, qui est une artiste contemporaine de 30 ans. La seule référence picturale que j’avais au départ c’est Corot, qui a fait quelques portraits de femmes particulièrement lumineux.
Vous affirmez dans le film que les femmes-peintres étaient, à cette époque, empêchées de réussir. Pourquoi?
Elles n’avaient pas les mêmes opportunités d’exposition et de sujets. Les cours d’anatomie étaient réservés aux hommes. Pourtant, c’est un moment de l’histoire de l’art où la scène artistique féminine est particulièrement florissante. Il y a eu une sorte de parenthèse enchantée, puis le couvercle s’est refermé. Ce fut une volonté politique de réduire le champ d’action des femmes dans la société et de les effacer de l’histoire de l’art. Ce ne sont pas des peintres oubliées mais des peintres effacées de l’histoire.
Le film est une véritable symphonie de regards échangés entre les deux femmes. Comment filme-t-on cela ?
C’est une chorégraphie qui s’est créée en live, à la voix, en donnant les indications aux comédiennes. Au montage j’avais comme un herbier de regards dans lequel j’ai pu puiser. Mais travailler les yeux, c’est aussi travailler les paupières la bouche, le menton , le nez… Tout le visage en fait.
Pourquoi avoir choisi de vous attarder, en ouverture, sur l’accostage laborieux de Marianne sur l’île?
Je voulais qu’on soit tout de suite dans la physicalité car il y a un parti pris de cinéma très physique pour ce film. Marianne est un personnage qui se jette à l’eau, littéralement, qui ne lâche rien et pour laquelle son art est la chose la plus précieuse. C’est ce qu’est censé montrer cette première scène.
Pourquoi lui faire peindre aussi l’avortement de la jeune servante?
Un film de femme, c’est l’audace de regarder des choses qui nous sont intimes. Les scènes d’avortement sont rares au cinéma : je voulais représenter le fait que ça ne l’est pas dans la réalité. Pourtant, aucun musée du monde ne contient une toile qui s’appelle « La faiseuse d’anges ». Cela montre qu’en se privant des artistes femmes, on se prive de la représentation de la vie intime des femmes. Ce sont des images qui manquent.
Quelle est la fonction du personnage de la servante ?
Elle représente la sororité, par laquelle il est possible d’abolir la hiérarchie de classe
Pourquoi l’amour de Marianne et Héloïse est-il impossible ?
Parce qu’ elles mêmes n’y croient pas. Pour raconter la condition vraie des femmes de cette époque, il ne fallait pas leur donner un destin trop héroïque.
Le choix de Vivaldi pour la dernière scène ?
Je voulais un tube facilement identifiable pour reconvoquer le pouvoir de la musique au cinéma dans un film qui n’en a pas. C’est une interprétation particulière, avec un violon spécial qui donne au morceau une puissance rare.
David Bowie : Is It Any Wonder?
Par Ph.D
Quatre ans après son décès, Parlophone publie un EP 6 titres de David Bowie, composé d’inédits et de raretés enregistrés en 1996-97 dans sa période « Drum’nBass » (Outside/Earthling) : pas la plus facile, mais elle donna lieu à deux tournées magnifiques (dont on espère un album live). L’EP s’ouvre sur ‘Baby Universal 97’, une chanson qui figurait sur le deuxième album de Tin Machine. Cette version devait figurer sur Earthling, entre ‘I’m Afraid Of Americans’ et ‘Law (Earthlings On Fire)’. « Fun » est une remise à jour de ‘Fame’, repris sous le titre ‘Is It Any Wonder?’ lors des sets en club de la tournée Earthling. Les parties rythmiques et les programmations ont été réalisées à Dublin, lors des répétitions de la tournée, début 1997. « Stay 97 » est, comme son nom l’indique, une relecture de la chanson parue en 1976 sur l’album Station To Station. La version a également été enregistrée à Dublin avec Mark Plati et Reeves Gabrels lors des répétitions de la tournée Earthling. « I Can’t Read » figurait sur le premier album éponyme de Tin Machine paru en 1989. Lors du mixage d’Earthling, David Bowie l’a ré-enregistré et le titre a temporairement fait partie de la version finale de l’album, avant d’être écartée au profit de ‘The Last Thing You Should Do’. Le semi-instrumental ’Nuts’ a été co-écrit par David Bowie, Reeves Gabrels et Mark Plati. Il a aussi été enregistré lors de la dernière séance d’enregistrement d’Earthling, en novembre 1996. Retiré du tracklisting au dernier moment, le titre est resté inédit jusqu’à ce jour. La version physique de l’EP s’ouvre et se referme sur deux versions de « The Man Who Sold The World« : la première est extraite d’une séance d’enregistrement pour la BBC, le 8 janvier 1997 , à l’occasion du 50 ème anniversaire de Bowie, l’autre est un live remixé par Eno. Disponible en streaming le 13 février, Is It Any Wonder ? sera dans les bacs des disquaires le 20 mars. Les fans voudront l’avoir dans tous les formats disponibles.
Joker
Le pitch
Souffrant de problèmes neurologiques suite à une enfance traumatique, Arthur Fleck (Joaquin Phœnix) vit avec sa vieille mère à Gotham City et travaille comme clown pour la publicité, les anniversaires et les hôpitaux. En regardant chaque soir le show de Murray Franklin (Robert de Niro) à la télé, il rêve de se produire sur scène comme humoriste et note ses meilleures blagues dans un grand carnet qui ne le quitte jamais. Sa vie bascule lorsqu’il est agressé dans la rue et perd son boulot…
Ce qu’on en pense
On s’en doutait depuis le Lion d’or obtenu à la Mostra de Venise, le Joker de Todd Phillips, même sous licence DC Comics, n’a rien à voir avec un film de super-héros classique. Ni même avec le prequel de Batman annoncé (bien qu’on y croise la famille de Bruce Wayne). C’est un film noir et violent, qui aurait très bien pu être signé Martin Scorsese. Le scénario évoque d’ailleurs un mix de Taxi Driver et de King of Comedy (La Valse des pantins en VF). La présence de Robert de Niro en présentateur de télévision renforce évidemment cette impression. Idem pour la reconstitution de Gotham City, qui ressemble à s’y méprendre au New York, crade et dangereux de Taxi Driver. Dire qu’on n’attendait pas un tel chef-d’œuvre de Todd Phillips serait un doux euphémisme. Le réalisateur de Very Bad Trip et de Date Limite est totalement transfiguré. C’est Bruce Wayne lorsqu’il enfile le costume de Batman ! On rêve d’ailleurs de lui voir réaliser un film de la saga de l’homme chauve-souris. Christopher Nolan n’a qu’à bien se tenir ! Mais si Joker est un tel choc, c’est bien sûr grâce à (ou à cause de) la prestation hallucinée et hallucinante de Joaquin Phœnix. Spécialiste des rôles « habités » et borderline (Beautiful Day, Inherent Vice, The Immigrant, The Master, La Nuit nous appartient…), l’acteur a perdu 25 kg pour incarner Arthur Fleck. Sa maigreur est encore plus effrayante que son rire névrotique. Et pourtant, il réussit à rendre le personnage fragile, sensible et presque attendrissant. Un « freak » qui porte sur ses épaules décharnées toute la misère et toute la violence du monde et qui décide de la retourner à l’envoyeur dans une geste anti-establishment qui fait basculer le film en brulôt politique. De tous les plans, Phœnix fait oublier les incarnations précédentes, pourtant supposées indépassables, du Joker par Heath Ledger et Jack Nicholson.
Un Jour de pluie à New-York
Le pitch
Deux étudiants, Gatsby (Timothée Chalamet) et Ashleigh (Elle Fanning), envisagent de passer un week-end en amoureux à New York. Mais leur projet tourne court, aussi vite que la pluie succède au beau temps.Bientôt séparés, chacun des deux tourtereaux enchaîne les rencontres fortuites et les situations insolites…
Ce qu’on en pense
Mis au ban d’Hollywood suite aux accusations d’abus sexuel sur sa fille, Woody Allen n’est pas venu à Cannes présenter son nouveau film, comme il en avait pris l’habitude.Et Un jour de pluie à New York ne sortira pas aux États-Unis. C’est bien dommage pour le public américain, car c’est l’un de ses meilleurs films récents. L’un des plus drôles et enlevés, avec un couple de comédiens à la jeunesse rafraîchissante, des dialogues brillants et une mise en scène soignée. Comme toujours, New York inspire le cinéaste, qui filme la ville comme personne. Une intrigue purement vaudevillesque permet au vieux maître de rendre un bel hommage aux comédies sentimentales hollywoodiennes qu’il affectionne presque autant que la musique d’Erroll Garner. En uniforme de jeune Woody (pantalon velours et pull marronnasse), Timothée Chalamet est charmant et Elle Fanning s’en donne à cœur joie en ravissante idiote et s’offre une scène d’ivresse hilarante. Sacrifiées sur l’autel de #MeToo, leurs performances ne leur vaudront, hélas, aucun laurier, pas plus qu’au réalisateur qu’ils ont peut-être été un peu prompts à désavouer…
Rencontre : Fred Nevché
Après un passage remarqué aux Nuits Carrées d’Antibes, cet été, le Marseillais Fred Nevché était de retour sur la Côte d’azur le 1er février pour un nouveau concert à la Scène 55 de Mougins. L’occasion de parler avec lui de Valdequeros, quatrième album voyageur qui ne nous a pas quittés depuis sa sortie l’an dernier.
Dans «Décibel», le long poème musical et visuel qu’il avait lâché sur Internet, comme on jette une bouteille à la mer, Fred Nevché racontait déjà ce rêve «étrange et récurrent» dans lequel il traverse la France en voiture avec Johnny comme passager… C’est devenu une chanson («Moi je rêve de Johnny souvent») de son quatrième album, Valdevaqueros, sorti sur le label de la coopérative InternExterne qu’il a fondée à Marseille : «Une forme d’hommage à celui qui a introduit la musique moderne, et pas seulement le rock’n’roll, dans notre vieux pays, explique le poète électro marseillais. Je l’ai écrite deux ans avant sa mort parce qu’il embrasse une certaine idée de la France et traverse les générations.Il était là quand je suis né, il est encore bien là et il y sera encore longtemps à mon avis.C’était un interprète hors du commun et une personnalité attachante, malgré ses travers un peu beauf, ses envies d’évasion fiscale et ses idées politiques gentiment réac…Je ne l’ai jamais côtoyé, mais j’ai effectivement rêvé que je le prenais en voiture à la sortie d’un concert et qu’on partait ensemble sur les routes. La chanson est assez représentative de ce que j’avais envie de dire et de faire dans ce nouvel album».
Après dix années de tournées incessantes, Nevché avoue avoir eu besoin d’une pause «J’étais complètement rincé et je me demandais si ça valait le coup de continuer». C’est par l’écriture poétique que le Marseillais s’est remis en selle.«Il y a d’abord eu le poème «Décibel», puis des bribes de chansons et l’envie de faire un film. Tout ça a fini par s’assembler, comme les pièces d’un puzzle, et par prendre la forme d’un projet plus large dont je savais qu’il prendrait du temps à mettre en place et à promouvoir». Après la vidéo de «Décibel», déposée sur Youtube en janvier plusieurs clips ont suivi: «Moi je rêve de Johnny souvent», «Le Besoin de la nuit» et «L’Océan»… «On a tourné un clip pour chacune des chansons de l’album, raconte Nevché. Ils forment une histoire, avec des personnages communs». C’est Vittorio Bettini qui a réalisé le film, en 15 jours de tournage à Marseille, avec des acteurs locaux et des moyens de cinéma. Le résultat est superbe et colle parfaitement avec les chansons. Musicalement, Valdevaqueros reprend les choses où les avait laissées son prédécesseur (Rétroviseur). Le titre, Valdevaqueros, fait référence à une plage d’Andalousie où Nevché raconte avoir eu la vision de la direction à donner à sa vie, alors qu’il avait 16 ans : «C’est une plage de véliplanchiste, très ventée.Et le vent n’arrête pas de tourner. Un coup à droite, un coup à gauche… C’était assez symbolique de l’indécision dans laquelle j’étais quant-à ce que je voulais faire de ma vie». Le texte de la chanson, comme la plupart des autres sur l’album, est à tiroirs.«Au premier degré, ce sont les tourments d’un jeune homme.Mais on peut y voir aussi une connotation politique: refuser le choix imposé entre la droite et la gauche et tracer droit devant». Il y a aussi la question du genre qui traverse tout l’album .Et ce clin d’œil ironique à Jacques Brel:«Je ne te quitte pas»…
Suzane : Toï Toï
On l’avait prise pour la nouvelle Angèle, en fait, musicalement et textuellement, ce serait plutôt la petite soeur de Stromae. Découverte en première partie de Matthieu Chedid, l’avignonnaise Suzane est, à 29 ans, la sensation pop de ce début d’année. Son premier album, Toï Toï , est une telle réussite qu’on se demande déjà comment elle va pouvoir rebondir pour le deuxième. Les 14 chansons qu’il contient abordent tous les thèmes dans l’air du temps (homophobie, grossophobie, dictature des réseaux sociaux, changement climatique , harcèlement sexuel, commérage sur internet, insatisfaction générationnelle, coming out, question du genre, attentats, rapports amoureux….), avec une précision d’écriture et un sens mélodique assez épatants pour une quasi débutante. Elle sera, n’en doutons pas, la découverte des Victoire de la musique, où elle est nommée dans la catégorie révélation scène. D’ici là, on a tout le temps d’écouter son album en boucle. A commencer par le tube SAV et son refrain imparable : « ‘On a cassé la planète, il est où le SAV?« .