The Strokes
Premier album des Strokes depuis un bail (et dernier avant longtemps si on en juge par le peu d’entrain que les membres du groupe mettent à se réunir), The New Abnormal devrait réjouir les fans des rockers New Yorkais. La pochette (un Basquiat, rien que ça) est magnifique et justifiera qu’on coure l’acheter en vinyle chez son disquaire après le confinement. Le contenu n’est pas mal non plus. Court comme habitude (45 minutes) mais dense. Les 9 chansons sonnent un peu comme des chutes du premier album (This is it), remises au goût du jour avec l’ajout de quelques synthés. Sauf une (« Bad Décisions« ) qui ressemble à une cover détournée de « Dancing With Myself » (Gen X). Voix filtrée au mégaphone, phrasé nonchalant, guitares sautillantes, solis sur trois notes et refrain accrocheurs : ce disque va nous faire le printemps et peut-être même l’été. Si les Strokes n’en font plus d’autre, on pourra dire que c’était leur chant du cygne. Une belle sortie. Jusqu’au titre (« Le nouvel anormal« ), parfaitement en adéquation avec la situation.
Murat : Baby Love
Auvergnat, coeur fidèle. Et inspiration toujours au top ! Un peu plus d’un an après le splendide Il Francese dans lequel il se fantasmait en maréchal d’Empire gouverneur de Naples, Jean-Louis Murat revient avec un nouvel album enjoué et (presque) dansant, intitulé (en hommage aux Rubettes? ) Baby Love. Avec son désormais compagnon d’écriture Denis Clavaizolle, l’arverne bougon nous a cette fois concocté des chansons groove, soi-disant inspirées par Earth Wind & Fire (?!) avec des textes poétiques toujours un peu abscons (« Si j’ai bien deux ou trois Jean en moi/J’ai une armée de Louis/Deux ou trois cafards… ») et un titre dédié à feu Tony Joe White, en guise de conseil avisé aux jeunes générations : « Comme disait Tony Joe/Dans sa beautiful car/P’tit gars fais gaffe/À celle qui n’aime plus la guitare »…
Interview : Costa-Gavras
À 86 ans, Costa-Gavras signe un de ses meilleurs films avec Adults in the Room , qui traite de la crise grecque et de sa gestion par la commission européenne à travers la figure de Yanis Varoufakis, le ministre des finances Grec, qui a mené les négociations avec les instances européennes sur la restructuration de la dette de son pays. A l’occasion de sa sortie en dvd, voici l’interview que nous avait accordé le réalisateur lors de sa venue à Nice pour l’avant première…
On se doutait bien que la crise grecque ne vous laisserait pas indifférent. Mais pourquoi l’avoir abordée à travers la figure de Yanis Varoufakis ?
Je me suis effectivement intéressé à la crise depuis ses débuts en 2009-2010 et j’ai commencé à amasser de la documentation en vue d’en parler dans un film. Mais je ne trouvais pas d’angle d’attaque. Jusqu’à ce que je commence à m’intéresser au personnage de Varoufakis qui a été le seul à démissionner du gouvernement après le référendum. Je l’ai rencontré et il m’a tout raconté des négociations qu’il avait menées avec la commission européenne. Mieux : il m’a fait écouter les enregistrements qu’il avait faits de leurs discussions car il n’y avait pas de compte rendu de ces réunions et les déclarations des uns et des autres à la presse étaient souvent contradictoires. C’était passionnant. Il avait commencé à écrire son livre et il m’a envoyé les nouveaux chapitres au fur et à mesure. J’ai tout de suite vu que c’était par lui que je devais raconter cette tragédie, car il s’agit d’une tragédie
Pourtant, c’est plus un film sur l’Europe que sur la crise grecque…
Par pudeur, j’ai choisi de ne montrer les conséquences de la crise qu’à travers les images d’actualité et celles des manifestations. Les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, sont responsables de la situation, mais l’Europe l’est aussi puisqu’elle a continué à faire crédit à la Grèce en sachant très bien qu’elle ne pourrait jamais rembourser. La difficulté c’était de montrer tout cela sans noyer le spectateur sous des tonnes de chiffres et de graphiques.M’attacher à la personnalité de Varoufakis m’y a bien aidé. Surtout avec un acteur de la classe de Christos Loulis pour l’incarner.J’avais l’impression de filmer le vrai Varoufakis.
D’ailleurs, tous les acteurs sont formidables…
Le fait de tourner dans la langue de chaque pays représenté a obligé à trouver des acteurs peu connus mais de grand talent.La plupart viennent du théâtre. Évidemment ça a rendu le financement plus compliqué que si on avait pris des stars mais c’était une exigence pour la crédibilité du film.
Le constat que vous tirez de tout cela est assez pessimiste. Comme si quels que soient les gouvernements ou les hommes rien ne pouvait changer réellement le cours des choses…
C’est vrai que Tsípras a fait trop de promesses pour se faire élire.Il était évident qu’il ne pourrait pas les tenir. Mais le peuple est aussi responsable d’avoir fait semblant d’y croire. Comme le dit le titre, inspiré d’une sortie de Christine Lagarde pendant les réunions : il faudrait un peu plus d’adultes dans la pièce !
Christine Lagarde est d’ailleurs la seule interlocutrice de Varoufakis à trouver un peu grâce à vos yeux…
Oui, c’est une femme, elle dirigeait le FMI et elle avait une vision un peu différente des autres.Elle a été la première à reconnaître que ce que l’on infligeait au peuple Grec n’était pas supportable.On peut espérer que ses nouvelles fonctions à la Banque centrale européenne aideront à résoudre la crise…
Car la crise n’est pas terminée ?
Oh non ! Si on continue sur la voie qui a été prise, le peuple Grec en a encore pour 15 ans à souffrir. Songez que 500000 personnes ont déjà quitté le pays : des cadres et des jeunes diplômés pour la plupart.C’est une perte de richesse considérable…
Cet exode fait-il écho à celui que vous avez connu dans votre propre jeunesse ?
Bien sûr. Sauf qu’à mon époque, c’étaient les pauvres sans qualification qui quittaient le pays, pas les cadres, ni les diplômés.
Michel Moutot: L’America
L’auteur de ce roman palpitant, Michel Moutot, est reporter à l’Agence France Presse, lauréat du prix Albert Londres en 1999 et correspondant à New York en 2001, au moment des attentats du 11 septembre. L’Amérique, il connaît, même s’il a écrit cette épopée tragique bien avant d’imaginer et connaître les nouvelles souffrances que le pays vit aujourd’hui. Vous avez peut-être eu le bonheur de trouver L’America, paru début mars, dans les rayons des libraires avant que ces derniers ne soient forcés de fermer. Si ce n’est le cas, précipitez-vous sur la version numérique. Car cette aventure passionnante qui, de la Sicile à New-York puis de la Nouvelle-Orléans à la Californie, dit combien il était difficile de vivre et survivre au début du XX eme siècle en Italie comme aux Etats -Unis. Ce n’est pas forcément un réconfort. Mais cela peut permettre de prendre patience et relativiser. Notamment en découvrant, effaré, l’essor machiavélique de la Mafia Sicilienne à laquelle personne ne pouvait échapper et les conditions misérables des émigrants partis tenter leur chance dans cette fausse terre promise qu’était « L’America ». Le roman fait 450 pages. Rester chez soi avec lui permet de voyager dans le temps et l’espace et oublier un temps le présent
Pearl Jam : Gigaton
Sept ans après Lightning Bolt, Pearl Jam sort enfin du silence avec un album dont le titre, Gigaton, annonce du lourd. Promesse en partie tenue avec une demi douzaine de titres bien rock, des guitares particulièrement tranchantes et des solis quasi Van Haleniens. Mike McCready est à son affaire : le héros de cet album, c’est lui. Mais Eddie Vedder est bien là aussi, voix au top et textes soignés, avec quelques punchlines anti-Trump bien senties. Dommage que ces bonnes dispositions ne tiennent pas la distance. L’album affiche une bonne moitié de titres de remplissage et un trop plein de ballades molles du genou. Au final, on se dit que Gigaton aurait fait un EP du tonnerre. Espérons que le groupe choisira de jouer les bonnes chansons en tournée et nous épargnera les soporifiques.
Bob Dylan : Murder Most Foul
17 minutes, 164 vers : c’est la chanson la plus longue que Bob Dylan, auteur pourtant logorrhéique (précédent record 14′ pour « Tempest » sur l’album éponyme) ait jamais écrite. « Murder Most Foul » (citation d’Hamlet de Shakespeare signifiant « Le meurtre le plus fautif« ) est sa première composition originale depuis 2012 et l’album Tempest, pour lequel elle avait peut-être été écrite. C’est une ballade sépulcrale en piano-voix, avec un simple accompagnement de violoncelle et de cymbales, sur l’assassinat de John Fizgerald Kennedy. Dylan a choisi de la publier à minuit, alors qu’un tiers de la planète est confiné pour cause de coronavirus et que les Etats-Unis risquent de payer le plus lourd tribut à l’épidémie. Hors sujet ? Pas si sûr. Et si, au contraire, « le timing était juste » comme le chante Dylan au début de la chanson ? Comme toujours avec Dylan, il faut lire entre les lignes et risquer l’exégèse. Se pourrait-il que cette chanson, qui évoque l’assassinat de Kennedy et, à travers lui, la perte de l’innocence et la fin du rêve américain, nous parle aussi de la crise actuelle ? Au long des cinq couplets (sans refrain : le titre est juste rappelé en fin de couplet), le prix Nobel de littérature entremêle plusieurs voix : celle du narrateur qui parle d’un « jour frappé d’infamie » et d’un lieu (Dealey Plaza à Dallas) où « où la foi, l’espoir et la charité sont morts ». Celle de JF Kennedy « conduit au massacre comme un agneau sacrificiel« , qui demande à ses assassins « Savez vous bien qui je suis » ? Celles de ceux qui ont voulu sa mort (« Tu avais des dettes qu’on est venus encaisser« , « On n’a pas fait de quartier« , « Tes frères, on les aura aussi« ) et celle d’une sorte de choeur antique (nous?), qui demande à un DJ célèbre (Wolfman Jack) de lui jouer des chansons, comme pour exorciser sa peur et sa peine (« Play it for the First Lady, she ain’t feeling any good« ). Ce name dropping, qui compose tout le 5eme couplet et comprend aussi des titres de films, cite des oeuvres bien postérieures à 1963. Façon de dire que la peine dure toujours… Ou de relier l’assassinat à des réalités plus contemporaines ? « The day that they killed him, someone said to me, « Son, the Age of the Antichrist has just only begun » raconte le narrateur à la fin du troisième couplet. Dans le cinquième, le monde semble vouloir s’étourdir dans une orgie de sons et d’images (« All that junk and all that jazz« ) jusqu’à la fin des temps. Quand la chanson se termine, sur l’injonction : « Play Blood Stained Banner/Play Murder Most Foul« , difficile de ne pas penser au «meurtre le plus fautif » que constitue l’incurie du gouvernement américain face à l’épidémie de Covid-19…
Proxima
Le pitch
Sarah (Eva Green) est une astronaute française qui s’apprête à quitter la terre pour une mission d’un an, baptisée Proxima. Alors qu’elle suit l’entraînement rigoureux imposé aux astronautes, seule femme au milieu d’hommes, elle se prépare surtout à la séparation avec sa fille de 8 ans.
Ce qu’on en pense
En trois films (Augustine, Maryland, Proxima) et un scénario (Mustang), la très discrète Alice Winocour s’impose comme l’une des jeunes auteures les plus intéressantes du cinéma français. Après Claire Denis et son étonnant High Life (starring Robert Pattinson), la voilà qui s’empare à son tour du film de conquête spatiale. Et s’amuse à le déconstruire ! Sarah, sa super-héroïne (Eva Green Magnétique), ne connaîtra pas l’ivresse de l’espace interplanétaire. On la verra tout juste décoller. Mais dans une vraie fusée, filmée à Baïkonour, où l’équipe du film a été la première autorisée à tourner une fiction. Proxima raconte en effet, la préparation d’une astronaute à une mission spatiale. Du centre spatial de Cologne, à Star City et à Baïkonour, Winocour filme de manière presque documentaire l’entraînement de Sarah, unique femme d’un équipage d’hommes prêts à la remplacer sans états d’âme à la moindre défaillance. Mais si Sarah a déjà la tête dans les étoiles, elle garde les pieds sur Terre. Elle sait que la partie la plus délicate de sa mission sera de faire accepter la séparation à Stella, sa petite fille de 8 ans (Zélie Boulant-Lemesle, formidable) avec laquelle elle entretient une relation fusionnelle. Une épopée intime plus passionnante que tous les « star treks» du monde. Bienvenue sur la planète mère !
Baxter Dury : The Night Chancers
On pouvait légitimement penser que Baxter Dury avait atteint un pic d’inspiration avec son album précédent, le génial Prince of Tears , écrit après une séparation particulièrement douloureuse. Que nenni. Le revoilà au sommet de sa forme dans un sixième album dédié à sa passion pour le cinéma en général et pour Stanley Kubrick en particulier. Les 10 chansons de The Night Chancers s’écoutent comme la BO d’un film et racontent chacune une histoire. « Comme un voyage dans le labyrinthe de The Shining » indique le prince de Wingrave dans ses notes d’intention. Bardé de cordes et de groove, avec toujours cette nonchalance héritée de son père dans le phrasé, The Night Chancers sera certainement l’album du printemps 2020.
Miss America : Invasion
Les Miss America ne manquent pas d’humour. « On vient de faire une Spinal Tap ! » constatent-ils sur leur page Facebook. Explication : « Après deux ans de travail sur l’album, il n’aura suffit que de 48h pour que tous les magasins qui le distribuent ferment (pour les raisons que vous connaissez) et que toutes les premières dates de tournée soient annulées. Apparemment, le Guinness Book doit nous contacter pour homologuer « la plus improbable sortie d’album de l’histoire du rock« . Le coronavirus et son cortège d’annulations, de fermetures et de confinement n’a pourtant pas empêché le premier album du groupe Niçois, Invasion, de rentrer dans le top 100 des ventes françaises. Une juste récompense pour le groupe (Tommy Roves : Vocals, lead & rythm guitar. Dimitri Walas : Lead & rythm guitar, vocals. Anso Ambroisine : Bass & vocals. Laëza Massa : Drums ) qui a bien travaillé. L’album sonne du feu de Dieu avec des compos qui tiennent la route et des chorus de guitare de derrière les fagots. Du bon gros hard FM, comme on n’en fait (presque) plus, avec la grosse voix à la Garou de Tommy Roves pour emballer l’affaire. On a hâte d’écouter les nouvelles chansons en live.
J’accuse
Le pitch
Jugé coupable de trahison, le capitaine Dreyfus (Louis Garrel) est dégradé en place publique et envoyé au bagne. Le colonel Picquart (Jean Dujardin), sous les ordres duquel il avait servi, est nommé à la tête du contre-espionnage après avoir été témoin du procès. Enquêtant sur un autre officier, également soupçonné d’entente avec l’ennemi, Picquart s’aperçoit que Dreyfus a été condamné à sa place et que l’armée a fabriqué des preuves pour couvrir son erreur. Dès lors, au mépris de sa carrière et de sa sécurité, il mettra tout en œuvre pour faire innocenter Dreyfus…
Ce qu’on en pense
Roman Polanski revisite l’affaire Dreyfus. Courage ou inconscience ? Ses détracteurs ont beau jeu de l’accuser d’avoir voulu faire un parallèle douteux avec son propre traitement médiatique et judiciaire. Lui, se contente de répondre, pour expliquer son choix , que « Les grandes histoires font les grands films ». Celle de Dreyfus a tellement marqué la société française qu’elle est encore régulièrement citée, plus d’un siècle après les faits, chaque fois qu’il est question d’erreur judiciaire et d’antisémitisme.Le scénario, adapté du roman de Robert Harris, laisse au second plan la personnalité de Dreyfus (« Il était au bagne la plupart du temps et ne pouvait rien voir de ce qui se tramait à Paris » justifie Polanski), pour s’intéresser à celle du colonel Picquart. Pur produit de l’armée, antisémite bon teint, ayant peu de sympathie pour celui qui avait été un de ses élèves, c’est pourtant lui qui fournira la preuve de l’innocence de Dreyfus. Il se battra ensuite pour sa réhabilitation, non par humanisme ou conviction politique, comme Zola ou Clemenceau, mais par respect pour la justice. Pour Polanski, Picquart, malgré son antisémistisme, est «un Juste». Jean Dujardin trouve dans cette incarnation son meilleur rôle dramatique , au milieu d’un casting composé d’acteurs chevronnés de la Comédie Française et d’un Louis Garrel méconnaissable en Dreyfus. La réalisation- à l’image d’une première scène impressionnante de la dégradation de Dreyfus dans la cour de l’Ecole militaire- est un pur chef-d’œuvre de classicisme. A 86 ans, Polanski retrouve le souffle qui faisait défaut à ses dernières réalisations. J’accuse est, sans conteste, l’un de ses plus grands films. Proche du Pianiste, qui lui valu la palme d’or à Cannes, 7 César et trois Oscars.
Le Mans 66
Le pitch
Dans les années 60 aux États-Unis, le constructeur automobile Ford perd des parts de marché et cherche un nouveau souffle. Sur les conseils de ses collaborateurs, Henry Ford III (Tracy Letts) décide d’investir dans la course automobile et embauche Carrol Shelby (Matt Damon), le seul pilote américain à avoir gagné les 24 heures du Mans pour diriger son écurie. Contre l’avis de tous, ce dernier se tourne vers Ken Miles (Christian Bale), tête brûlée incontrôlable mais redoutable préparateur, pour mettre au point la voiture et la piloter. Leur mission : en finir avec l’hégémonie de Ferrari sur l’épreuve reine du championnat des constructeurs.
Ce qu’on en pense
On doit certes à James Mangold quelques bons films (Copland, 3h10 pour Yuma) et un excellent biopic de Johnny Cash (Walk the Line), mais comme pour Todd Philips et son Joker, on n’attendait certes pas de lui une réalisation aussi magistrale que celle de Le Mans 66. S’emparant de la fameuse participation de Ford aux 24 heures du Mans 1966, Mangold signe le meilleur film de voitures qu’on ait vu depuis des lustres. L’Étoffe des héros de la course automobile ! Une fresque de plus de deux heures sans le moindre temps mort, avec des images de course réalisées sans trucages numériques, une reconstitution des sixties aux petits oignons, une BO géniale et des personnages « bigger than life ». Au premier rang desquels, Ken Miles (le Chuck Yeager de la course auto), incarné par un Christian Bale amaigri et génial. Allez-y pied au plancher, c’est très très Ford !
Mystify Michael Hutchence
Intégralement réalisé à partir d’images d’archives rares ou inédites et de témoignages de ses proches, des membres du groupe ainsi que de ses compagnes Kylie Minogue et Helena Christensen, Mystify Michael Hutchence est un portrait intime du chanteur d’INXS, rock star foudroyée en pleine gloire dont la mort par pendaison, en 1997 à l’âge de 37 ans, est restée mystérieuse : jeu sexuel ou suicide ? En plus de célébrer le talent de chanteur et de performer d’Hutchence, le film de Richard Lowenstein , qui avait déjà signé un documentaire sur INXS (Swing and other Stories en 1985) offre une piste crédible pour accréditer la thèse du suicide. Victime d’une agression en 1995 et d’une fracture du crâne mal soignée, le chanteur avait perdu une partie de ses facultés sensorielles et souffrait de troubles bipolaires. Non diagnostiqués à l’époque, ils seraient à l’origine du split d’INXS et de la gestion désastreuse des dernières années de carrière du chanteur australien.
ZZ Top
Par Ph.D
Légendes vivantes du Texas, les ZZ Top fêtent cette année leurs 50 années d’existence. C’est le seul des grands groupes de rock des années 70 à n’avoir jamais changé de formation, ni de formule. Les trois membres originels sont toujours là et racontent leur histoire dans ce film, qui a été diffusé au cinéma avant d’être édité en dvd. Les interviews sont entrecoupées d’images d’archives inédites et d’un mini-set intimiste filmé pour l’occasion dans la plus ancienne salle de danse du Texas. Le trio y est à son meilleur, ce qui laisse bien augurer des concerts de la tournée anniversaire. Pour les fans, Billy Gibbons livre une nouvelle version (définitive ?) de l’origine du nom du groupe qu’on se gardera de révéler ici pour leur laisser la surprise…
Portrait de la jeune fille en feu
Le pitch
Au 18e siècle, en Bretagne, Héloïse (Adèle Haenel), fraîchement sortie du couvent, doit être mariée. Afin de décider le futur époux, qui ne l’a jamais vue, sa mère (Valeria Golino) a imaginé de faire peindre son portrait par Marianne (Noémie Merlant), une jeune artiste parisienne. Celle ci arrive dans l’île où la famille a élu résidence pour apprendre qu’Héloïse refuse de poser et qu’elle devra la peindre à son insu, en se faisant passer pour une dame de compagnie. Un stratagème vite éventé : troublée de l’attention que lui porte Marianne, Héloïse en tombe peu à peu amoureuse…
Ce qu’on en pense
Pas facile d’être une femme au 18e siècle ! Mère et veuve (Valeria Golino) il vous faut trouver un bon parti à votre fille pour assurer vos vieux jours. Jeune et jolie bourgeoise (Adèle Haenel), vous êtes juste bonne à marier. Servante et enceinte de votre premier amant (Luana Bajrami), il vous faudra cacher votre condition à la patronne et recourir aux services d’une faiseuse d’ange pendant son absence. Artiste de talent (Noémie Merlant), les grands motifs vous seront interdits, car aucun homme ne voudra poser pour vous. Vous serez condamnée à enseigner (à d’autres femmes) et à effectuer des portraits de commande… Peintre de la condition féminine (La Naissance des pieuvres, Tomboy Bande de filles), Céline Sciamma brosse ce double portrait de femmes en une série de croquis flamboyants. Elle filme le trouble féminin, les regards et les soupirs comme personne. Son film à la beauté formelle d’une toile de maître, la sûreté d’une esquisse au fusain et le charme excitant d’un nu érotique. Adèle Haenel, que la réalisatrice avait révélée dans La Naissance des pieuvres, est une fois de plus prodigieuse. Après Curiosa de Lou Jeunet et Les Drapeaux rouges de Nathan Ambrosioni, Noémie Merlant confirme qu’elle est une des valeurs montantes du cinéma français. Toutes les deux méritaient un prix d’interprétation féminine ex-aequo à Cannes, où le film était en compétition.Le jury a préféré décerner au film un prix du scénario qui consacre, certes, sa portée militante, mais minore sa beauté formelle et sa richesse émotionnelle. Un des plus beaux films de 2019.
Interview : Céline Sciamma
Déjà sous évalué à Cannes, avec un Prix du scénario qui récompensait mal sa splendeur, Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma a encore dû se contenter d’un prix de la meilleure photo aux César, alors que l’Académie avait l’occasion de pouvoir décerner un César de la meilleure réalisation à une femme : Céline Sciamma. Alors que le film sort enfin en dvd, la réalisatrice répond à nos questions et rappelle que l’ostracisation des femmes dans l’Art ne date pas d’hier…
Comment avez vous reçu ce Prix du scénario à Cannes? Il a déçu beaucoup de festivaliers qui s’attendaient à mieux pour votre film…
J’étais déjà bien heureuse d’avoir été dans la course et d’être primée pour ma première participation à la compétition. Après, c’est vrai qu’on rêvait plus d’un prix d’ensemble et il a fallu gérer la déception de l’équipe. Mais c’est un film très écrit, qui m’a pris le plus de temps que les autres à scénariser. Je suis ravie qu’on identifie mon travail dans ce domaine et que le film soit au palmarès.
Quel est votre rapport à l’art pictural dans lequel baigne le film?
Je n’ai pas de rapport particulier à la peinture, même si je vais en voir depuis toujours. J’ai choisi cet art avant tout pour filmer une artiste au travail. Je voulais montrer la peinture comme geste plutôt que comme oeuvre. On a beaucoup travaillé sur la gestuelle avec la peintre du film, Hélène Delmaire, qui est une artiste contemporaine de 30 ans. La seule référence picturale que j’avais au départ c’est Corot, qui a fait quelques portraits de femmes particulièrement lumineux.
Vous affirmez dans le film que les femmes-peintres étaient, à cette époque, empêchées de réussir. Pourquoi?
Elles n’avaient pas les mêmes opportunités d’exposition et de sujets. Les cours d’anatomie étaient réservés aux hommes. Pourtant, c’est un moment de l’histoire de l’art où la scène artistique féminine est particulièrement florissante. Il y a eu une sorte de parenthèse enchantée, puis le couvercle s’est refermé. Ce fut une volonté politique de réduire le champ d’action des femmes dans la société et de les effacer de l’histoire de l’art. Ce ne sont pas des peintres oubliées mais des peintres effacées de l’histoire.
Le film est une véritable symphonie de regards échangés entre les deux femmes. Comment filme-t-on cela ?
C’est une chorégraphie qui s’est créée en live, à la voix, en donnant les indications aux comédiennes. Au montage j’avais comme un herbier de regards dans lequel j’ai pu puiser. Mais travailler les yeux, c’est aussi travailler les paupières la bouche, le menton , le nez… Tout le visage en fait.
Pourquoi avoir choisi de vous attarder, en ouverture, sur l’accostage laborieux de Marianne sur l’île?
Je voulais qu’on soit tout de suite dans la physicalité car il y a un parti pris de cinéma très physique pour ce film. Marianne est un personnage qui se jette à l’eau, littéralement, qui ne lâche rien et pour laquelle son art est la chose la plus précieuse. C’est ce qu’est censé montrer cette première scène.
Pourquoi lui faire peindre aussi l’avortement de la jeune servante?
Un film de femme, c’est l’audace de regarder des choses qui nous sont intimes. Les scènes d’avortement sont rares au cinéma : je voulais représenter le fait que ça ne l’est pas dans la réalité. Pourtant, aucun musée du monde ne contient une toile qui s’appelle « La faiseuse d’anges ». Cela montre qu’en se privant des artistes femmes, on se prive de la représentation de la vie intime des femmes. Ce sont des images qui manquent.
Quelle est la fonction du personnage de la servante ?
Elle représente la sororité, par laquelle il est possible d’abolir la hiérarchie de classe
Pourquoi l’amour de Marianne et Héloïse est-il impossible ?
Parce qu’ elles mêmes n’y croient pas. Pour raconter la condition vraie des femmes de cette époque, il ne fallait pas leur donner un destin trop héroïque.
Le choix de Vivaldi pour la dernière scène ?
Je voulais un tube facilement identifiable pour reconvoquer le pouvoir de la musique au cinéma dans un film qui n’en a pas. C’est une interprétation particulière, avec un violon spécial qui donne au morceau une puissance rare.