Cinéma

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The Wrong Missy

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Le pitch
Après un blind date catastrophique avec une fille complètement allumée (Lauren Lapkus),  le très sage et raisonnable Tim Morris (David Spade) rencontre par hasard  la femme de ses rêves (Molly Sims): une ex-miss qui partage tous ses goûts. Il l’invite au week-end exotique organisé par son entreprise dans un bel hôtel de bord de mer pour choisir le futur chef des ventes. Quand il voit débarquer à l’aéroport la fille de son premier rencard, Tim comprend, hélas trop tard, qu’il a invité « la mauvaise miss »

Ce qu’on en pense

Vous souvenez-vous du  premier film de  Jim Carrey (Dumb & Dumber?) ou du premier épisode de Mister Bean sur lequel vous soyez tombé par hasard ? Ce mélange d’amusement, d’incrédulité et de gêne ? On a eu le même avec Lauren Lapkus, grande gigue au physique d’ Olive Oil, au langage de tenancière de sex shop et à l’énergie explosive, découverte dans The Wrong Missy. Une comédie à la Farrely Brothers/Will Farrel/Adam Sandler,  qui déboule sur Netflix comme un chien dans un jeu de quilles. Comique oublié des années 90 (Joe la crasse, c’était lui !), David Spade sert de punching ball a cette tornade burlesque,  dans une parodie de comédie romantique à la Blake Edwards (Boire et déboires) vite (mais bien) torchée par Tyler Spindel, pur produit de l’écurie Adam Sandler. Les amateurs de burlesque régressif apprécieront, les autres peuvent passer leur chemin et attendre que Lauren Lapkus (dont le patronyme n’est génant qu’en prononciation française) trouve un emploi plus « grand public ».

 

 

Pinocchio

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Le pitch

Geppetto (Roberto Benigni), un pauvre menuisier, fabrique dans un morceau de bois un pantin qu’il prénomme Pinocchio. Le pantin va miraculeusement prendre vie et traverser de nombreuses aventures…

Ce qu’on en pense

Indissociable de l’imaginaire italien, Pinocchio connaît une nouvelle vie devant la caméra de Matteo Garrone. Depuis Gomorra, Garrone alterne d’ailleurs drames et contes féériques. Ceux qui ont vu Tale of Tales ne seront donc pas surpris de le voir adapter Pinocchio après s’être à nouveau frotté au polar réaliste avec Dogman.  L’ adaptation est très fidèle au conte,  mais n’apporte pas grand-chose de nouveau. L’intérêt vient plutôt du casting,  avec Roberto Benigni en Geppetto   (une belle idée, dans la mesure où son propre Pinocchio est le dernier à être resté en mémoire),  Marina Vacth  en fée bleue et la découverte Federico Lelapi dans le rôle du pantin. Le traitement visuel est aussi baroque que celui de Tale of Tales et convient parfaitement à l’univers du conte. C’est clairement le point fort du film. Le vrai problème,  c’est que le réalisateur échoue à créer la moindre émotion. On reste extérieur aux aventures du pantin, se contentant d’attendre avec curiosité les différents morceaux de bravoure  (le nez qui pousse, la transformation en âne, la baleine…) pour voir comment Garrone se tire de l’exercice. « Bien conscient qu’un nouveau Pinocchio crée des attentes folles, je savais que j’allais au-devant des ennuis », confie le réalisateur. Le coronavirus lui épargnera des critiques trop sévères puisque, confinement oblige,  le film sort directement sur Amazon Prime Video. En famille, sur son canapé, ce Pinocchio se verra sans doute avec plus d’indulgence.

 

Bronx

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Le pitch

Dans les quartiers Nord de Marseille, une tuerie orchestrée par le clan Bastiani a lieu. Deux rivaux sont en charge de l’enquête, Vronski (Lannick Gautry) , un flic de la brigade antigang et Costa (Moussa Maaskri) , un chef de groupe de la BRB aux pratiques douteuses. La situation dégénère lorsqu’un témoin-clé est assassiné durant sa garde à vue. En pleine guerre des gangs, Vronski et ses hommes, pour sauver leur peau, seront obligés de faire des choix lourds de conséquences…

Ce qu’on en pense

Produit par Netflix (bien vu l’aveugle!),  le nouveau film d’Olivier Marchal ne diffère des précédents (Gangsters,  36 quai des ofvères, Les Lyonnais, Carbone…) que par la localisation (Marseille) et une partie du casting  : Stanislas Mehar (bien planqué sous une moumoute grise), Lannick Gautry (le héros sévèrement burné) et le rappeur Kaaris viennent rejoindre les habituels Jean Reno (en patron de la police ripoux), Gérard Lanvin (en vieux parrain taulard), Moussa Maaskri (en commissaire ripoux), Dani (en cheffe de gang Corse) et consorts. Pour le reste, on a droit au même cocktail éculé de stéréotypes masculins (« Grosses couilles petit cerveau », comme le scénario), de testostérone, de violence complaisante, de parler vrai (« Putaing »)  et de noirceur artificielle (même les couleurs sont pourries) qui fait le succès des films de l’ex-flic Marchal depuis bientôt vingt ans. On ne change pas une équipe qui gagne.  

Les 7 de Chicago

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Par Philippe DUPUY

Le pitch

En 1968,  la manifestation contre la  guerre du Vietnam en marge de la convention démocrate de Chicago tourne à l’affrontement entre manifestants et forces de police. Plusieurs de ses organisateurs sont accusés de conspiration et d’incitation à la révolte. Leur procès devient une affaire politique…

Ce qu’on en pense

Encore une aberration de l’ère Covid: prévu pour une sortie en salles le nouveau film d’Aaron Sorkin  produit par Steven Spielberg se retrouve sur Netflix. Une aubaine pour les abonnés,  mais un crève-coeur pour les admirateurs du scénariste surdoué de The Social NetworkSteve Jobs et The Newsroom (entre autres)  qui seront privés de cette merveille de film de procès  au casting maousse costaud (Yahya Abdul-Mateen IISacha Baron CohenJoseph Gordon-Levitt…) et à la mise en scène exemplaire. Les 7 de Chicago renvoie à l’époque des grandes manifs contre la guerre du Vietnam, qui fédéraient étudiants, hippies, militants d’extrême gauche, Black Panthers et personnalités du monde artistique, tous persuadés d’être à l’aube du Grand Soir face à un establishment violemment répressif.  Le procès des 7 de Chicago (Abbie Hoffman , Bobbie Seale, Tom Hayden, Jerry Rubin...) conduit avec une partialité odieuse par un juge profondément réactionnaire (incarné par l’excellent Frank Langella),  fut un de ces moments d’opposition farouche entre les « deux Amériques »- une progressiste et libertaire,  l’autre réactionnaire et raciste-,  qui renvoient  à la situation actuelle. Le message d’espoir que délivre le film est que la démocratie et la justice finissent toujours par l’emporter,  quelles que soient les divisions des forces en présence. Espérons qu’il soit encore d’actualité après l’élection du mois de novembre…    

Borat 2

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Le pitch

Borat (Sacha Baron Cohen), le journaliste kazakh, exubérant et arriéré fan des États-Unis, est tiré du pénitencier où il croupit depuis ses derniers exploits pour une mission spéciale : convaincre les plus hautes personnalités politiques américaines de faire ami-ami avec le dictateur de son pays. S’il échoue, il sera démembré. Accompagné par sa plus jeune fille Tutar (Maria Bakalova), qu’il compte offrir en cadeau à Mike Pence, Borat va infiltrer les cercles Trumpistes… 

Ce qu’on en pense

Retour du reporter antisémite, homophobe et sexiste, fan des Etats Unis et sosie de Franck Zappa,  inventé par l’humoriste anglais Sacha Baron Cohen, dont les précédentes aventures sous titrées « Leçons culturelles sur l’Amérique au profit glorieuse nation Kazakhstan » remontent à 2006. Il s’agira donc, cette fois, de « Livraison bakchich prodigieux pour régime de l’Amérique au profit autrefois glorieuse nation Kazakhstan » (les sous-titres et les cartons de films de propagande soviétique participent au comique troupier de l’oeuvre). D’un bal des débutantes à un meeting Républicain,  en passant par un salon de chirurgie esthétique et celui d’une influenceuse d’Instagram, Borat  traverse l’Amérique Trumpiste et Covidée (le film a été tourné en pleine pandémie),  avec un masque chirurgical en guise de mankini (string à bretelles), mêlant caméras cachées et fictionpour dénoncer la bêtise, le racisme et le sexisme ambiants. Sommet de gène : l’ahurissante interview de Rudy Giuliani dans sa chambre d’hôtel par la soi-disant fille de Borat…  Spécialité de Sacha Baron Cohen, le comique affligeant (on rit en se pinçant le nez) est une arme de dérision massive pointée sur l’Amérique à deux semaines de l’élection présidentielle. Si les électeurs de ce pays ne veulent pas que Borat y retourne une troisième fois, il savent ce qui leur reste à faire…

Da 5 Bloods

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Le pitch

Quatre anciens GI’s noirs américains se retrouvent de nos jours au Vietnam, officiellement pour rapatrier les restes d’un de leurs camarades tombé dans une embuscade. Mais ils ont surtout  l’intention de retrouver une cargaison de lingots d’or de la CIA qu’ils ont cachée dans la jungle le jour de la mort de leur frère d’armes…

Ce qu’on en pense

Qu’a voulu faire Spike Lee avec ce film,  qui devait être présenté en séance spéciale à Cannes et arrive sur Netflix comme un cheveu sur la soupe du #BlackLivesMatter? Une satire des films sur la guerre du Vietnam ?  Si c’est le cas, c’est raté car Da 5 Bloods n’est drôle qu’au quinzième degré (et encore avec beaucoup d’indulgence vue sa durée – 2h35 !).  Un film anti-guerre ? Alors, se contenter de dire que « personne ne les gagne » est sans doute un peu court. Un hommage à ses frères noirs, qui représentaient (est-il rappelé)  plus d’un tiers des conscrits de cette guerre alors que les afro-américains ne représentent que 11% de la population des Etats-Unis ? Pourquoi, dans ce cas, présenter ces quatre vétérans comme surtout avides de s’enrichir sous couvert d’un  tardif  « devoir de mémoire » ?  On dirait plutôt que l’ex- futur président du jury cannois, qu’on avait quitté sur l’excellent BlacKkKlansman,  a volontairement salopé sa copie pour signifier aux spectateurs de Netflix que les bons films se voient en salles et pas en streaming. Da 5 Bloods ressemble à ces séries Z qu’Hollywood produisait à la chaine dans les années 70-80 pour alimenter les chaines cablées. Scénario minimal, dialogues surexplicatif, musique envahissante (tout Marvin Gaye ou presque) , montage à la hache, changements de format et de grain d’images aléatoires, hemoglobine à gogo…     Au début, on croit à une réappropriation  à la Tarantino,  façon Grindhouse. Mais non, Da 5 Blood est juste le navet dont il a l’air. Même s’il se termine, prophétiquement,  sur  des images du mouvement Black Lives Matter.. . A force de mélanger les références, les citations, le militantisme et le second degré, Spike Lee s’est pris les pieds dans le tapis. Dommage, car vu ce qui se passe aux Etats Unis, le timing était presque parfait pour un hommage aux « brothers » qui ont versé leur sang pour ce pays.

Tyler Rake

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Le pitch

Dépressif et suicidaire depuis qu’il a perdu son jeune fils, le mercenaire Tyler Rake (Chris Hemsworth) accepte une nouvelle mission suicide en Inde: délivrer le fils d’un chef mafieux de Bombai enlevé par un caïd de Dacca.  Une mission d’autant plus délicate que le jeune garçon (Rudhraksh Jaiswal) s’avère très attachant…

Ce qu’on en pense 

Réalisé par un ancien cascadeur (Sam Hargave) et produit par Chris Hemsworth (Thor pour les intimes), Tyler Rake correspond à ce qu’on peut en attendre à la lecture du pitch: un film de baston destiné à mettre en valeur son acteur vedette. Le scénario est contenu tout entier dans le titre original (Extraction), les personnages sont dessinés à (très) gros traits et les dialogues sont surexplicatifs,   mais la réalisation est suffisamment soignée pour qu’on ait l’impression de regarder un  blockbuster plutôt qu’une série B. Sam Hargrave sait filmer les gunfights (heureusement :  il n’y a presque que ça),  mais il soigne aussi ses extérieurs : les plans de poursuite dans Bombay ou Dacca sont dignes d’un James Bond (ou mieux : d’un Denis Villeneuve). Chris Hemsworth est parfait en mercenaire au coeur brisé (mais qui bat toujours sous les biscottos),  Golshifteh Farahani joue les utilités (mais joliment, en apportant un peu de douceur et de charme dans ce monde de brute) et  le jeune Rudhraksh Jaiswal tient très bien son rôle. Sans surprise dans son déroulé,  le film en est une plutôt bonne (surprise) au final. On passe un bon moment et en ces temps de confinement,  c’est déjà pas mal.

Juliet Naked

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Le Pitch

En couple avec Duncan (Chris O’Dowd), fan ultime de l’ex-rock star Tucker Crowe (Ethan Hawke), Annie (Rose Byrne) entame une liaison épistolaire avec ce dernier, à l’insu de son petit ami. Bientôt, Tucker lui annonce qu’il vient à Londres voir sa fille et demande à la rencontrer…    

Ce qu’on en pense 

Adapté du roman éponyme de Nick Hornby (High Fidelity, About a Boy, Carton Jaune), par le réalisateur de séries TV Jesse Peretz (Nurse Jackie, Girls, Glow… ),  Juliet Naked  est une comédie romantique pop, drôle et colorée,  dans laquelle  Rose Byrne et Ethan Hawke forment un couple très attachant. Un Coup de foudre à Notting Hill  inversé,  dans lequel l’héroïne est une anglaise anonyme qui tient un petit musée dans une petite ville côtière et la star un chanteur de rock rangé des voitures depuis des lustres,  qui vit en ermite aux Etats-Unis avec son plus jeune fils. Bien dialogué, bien dirigé,  rythmé , avec des seconds rôles hauts en couleurs  (la copine lesbienne, le fan transi,  le maire…), le film est un pur plaisir pour les amateurs de comédies romantiques. A découvrir sur Amazon Prime.

Dolemite Is My Name

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Le pitch

Dans les années 70,  Rudy Ray Moore (Eddie Murphy, méconnaissable) comédien et chanteur qui n’a vraiment percé, travaille comme manager d’un magasin de disques pour payer les factures. Continuant à fréquenter les  cabarets, il connaît un regain de popularité inattendu en se créant un personnage de stand-upper  haut en couleurs au vocabulaire classé X : Mr Dolemite. Saisissant sa chance, Rudy Ray réinvestit tous ses gains dans le tournage d’un film dont Dolemite sera le héros. Problème : il ne connaît rien au cinéma. Réussira-t-il à doubler la mise ?

Ce qu’on en pense
Version black de The Disaster Artist, Dolemite Is My Name marque le come-back  d’Eddie Murphy dans un rôle qui lui va comme un gant. Vieilli et enrobé,  il est à la fois drôle et émouvant en loser qui veut encore croire à sa chance. L’histoire vraie de Rudy Ray Moore, située dans le Los Angeles des années 70,  fournit  à Craig Brewer, dont c’est le premier long métrage,  la matière à un bel hommage aux films de blaxploitation. Musique, costumes, décors… Tout y est. Une nouvelle réussite signée Netflix.  Les abonnés de la plateforme sont décidément gâtés ces derniers temps…

 

Le Roi

Cinéma|

Le pitch

Hal (Timothée Chalamet), jeune prince rebelle, tourne le dos à la royauté pour vivre auprès du peuple. Mais à la mort de son père, le tyrannique Henri IV d’Angleterre, Hal ne peut plus échapper au destin qu’il tentait de fuir et est couronné roi à son tour. Le jeune Henri V doit désormais affronter le désordre politique et la guerre que son père a laissés derrière lui, mais aussi le passé qui resurgit, notamment sa relation avec son ami et mentor John Falstaff (Joel Edgerton), un chevalier alcoolique.

Ce qu’on en pense

Le réalisateur australien David Michôd , révélé en 2010 avec Animal Kingdom,  signe cette superbe adaptation d’Henry V , dans laquelle le nouveau wonder boy d’Hollywood, Timothée Chalamet (Call Me By Your Name) , incarne un Henry V  très sexy même avec la coupe au bol, face à Robert Pattinson en inquiétant dauphin de France et Lily Rose Depp,  dont l’apparition est tardive mais décisive. L’adaptation bouscule hardiment le texte de Shakespeare,  mais en respecte l’esprit sinon la lettre. On se laisse emporter dans ce maelstrom de haines familiales et de vengeances guerrières,  jusqu’à une reconstitution à grand spectacle de la bataille d’Hazincourt qui vaut son pesant d’armures et de gadoue. Les fans de Game of Thrones devraient adorer

Marriage Story

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Le Pitch 

Charlie (Adam Driver) metteur en scène de théâtre et sa femme Nicole  (Scarlett Johansson) actrice mènent une vie heureuse à New York avec leur jeune fils Henry (Azhy Robertson). Mais Nicole souffre secrètement d’avoir quitté Los Angeles et abandonné sa carrière au cinéma et à la télé pour suivre Charlie sur la Cote Est. Lorsqu’on lui propose un rôle dans une série, elle décide de s’installer à LA avec Henry

Ce qu’on en pense

Noah Baumbach a été parmi les premiers réalisateurs américains à se faire produire par Netflix avec The Meyerhowitz Story, dont la sélection en compétition à Cannes fit polémique. Il récidive avec Marriage Story, un long métrage autobiographique de plus de deux heures  qui raconte son divorce avec l’actrice Jenifer Jason Leigh. Et c’est encore une fois un des meilleurs films de l’année qui échappe au circuit des salles de cinéma. Ne le verront que les abonnés de Netflix. C’est bien dommage car Scarlett Johansson y trouve un de ses plus grands rôles et Adam Driver y est une fois de plus très convaincant. Comme The Irishman de Scorsese, Marriage Story s’étire un peu en longueur et pourrait être découpé en deux ou trois parties comme une mini série. C’est peut-être la marque des films Netflix,  qui brouillent les frontières entre cinéma et séries… Mais qu’on le voit en une ou plusieurs fois, le résultat est le même: cette chronique d’un divorce annoncé est superbe.  Mieux encore que Fances Ha qui restait jusqu’ici le meilleur film de Noah Baumbach. Si Netflix maintient ce niveau de productions, les cinéphiles vont vraiment devoir se résoudre à s’y abonner.

Uncut Gems

Cinéma|

Le pitch

Avec des dettes qui s’accumulent et des créanciers qui le traquent, Howard Ratner (Adam Sandler) un bijoutier new-yorkais volubile et mythomane risque tout dans l’espoir de rester à flot… et en vie.

Ce qu’on en pense

Après avoir fait sensation à Cannes pour leur première sélection en compétition avec Good Time et un Robert Pattinson transfiguré, les frères Safdie débarquent sur Netflix,  avec un thriller virtuose mené à tout berzingue dans le New York de Scorsese et Abel Ferrara. Adam Sandler, méconnaissable, y campe un bijoutier juif adepte des paris à haut risque, qui mise tout sur une opale éthiopienne dont il estime la valeur à un million de dollars, pour échapper à des créanciers qui veulent sa peau. Sur cette trame assez peu originale,  Benjamin et Josh Safdie signent leur meilleur film à ce jour et réussissent à tenir le spectateur en haleine pendant deux heures grâce à l’abattage d’Adam Sadler et à une réalisation en constant mouvement. Un vrai bijou! 

6 Underground

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Le pitch

Quel est le meilleur avantage d’être mort ? Ce n’est pas d’échapper à votre patron, à votre ex, ou même d’effacer votre casier judiciaire. Ce qu’il y a de mieux avec la mort … c’est la liberté. La liberté de lutter contre l’injustice et le mal qui rôdent dans notre monde, sans que rien ni quiconque ne vous arrête. Six individus, issus des quatre coins du monde, tous, les meilleurs dans leur domaine, ont été choisis non seulement pour leurs compétences, mais aussi pour leur désir unique d’effacer leur passé afin de changer l’avenir.  La bande est réunie par un leader énigmatique, dont le seul objectif est de s’assurer que tous tomberont dans l’oubli mais que leurs actions, pour sûr, leur survivront…

Ce qu’on en pense

Il est dit qu’aucun genre de cinéma n’échappera à l’ogre Netflix. Après les films d’auteurs (The Irish Man, Roma, Marriage Story…),  le premier blockbuster débarque sur la plateforme de streaming américaine.  Il est signé d’un maître du genre : Michael Bay (Transformers) et, si vous voulez de l’action et des effets spéciaux, c’est là que ça se passe. Les séquences de poursuite et de bastons sont époustouflantes et comme il n’y a presque que ça, les amateurs seront ravis. Les radins  qui rechignent à payer une place de cinéma pour voir des cascades,  aussi.  Au casting, Mélanie Laurent fait équipe avec Ryan Reynolds, dans le rôle de la mercenaire frenchie et elle s’en sort plutôt bien. Le scénario, genre Mission Impossible 15,  vaut ce qu’il vaut,  mais n’est pas pire que celui de 90% des blockbusters hollywoodiens. Du grand huit à domicile. Avec un grand écran et le son a donf’,  ça marche aussi bien qu’en salle.

The Irishman

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Le pitch

Dans une maison de retraite, Frank Sheeran (Robert de Niro),  ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale devenu escroc et tueur à gages pour la mafia et le syndicat des camionneurs de Jimmy Hoffa (Al Pacino) se souvient de sa vie criminelle…

Ce qu’on en pense

Adapté du livre de Charles Brandt, J’ai tué Jimmy Hoffa, The Irishman est une fresque crépusculaire qui plonge dans les arcanes de la mafia et recoupe plusieurs décennies de l’histoire des États-Unis, de l’élection de John Kennedy au Watergate, en passant par la tentative ratée d’invasion de Cuba à la Baie des cochons. Pour ce qui pourrait être son film de mafia ultime et testamentaire Martin Scorsese s’est fait plaisir : 160 millions de dollars de budget, 117 lieux de tournage différents, 309 scènes distinctes, un casting dinosaurien (De Niro, Pacino, Harvey Keitel, Joe Pesci… ) et, à l’arrivée, un film de près de 3h30 –  quasi l’équivalent d’une saison des Sopranos ! -,  que seul Netflix pouvait, semble-t-il,  prendre le risque de financer. Ce qui le réserve, hélas, aux seuls abonnés de la plateforme et  prive même ces derniers du plaisir de le voir sur écran géant en son Dolby Surround. Pour le réaliser, Scorsese a fait appel à la technique du de-aging qui consiste à faire jouer les scènes par les acteurs et à les rajeunir numériquement. On voit ainsi évoluer à l’écran un Robert de Niro âgé de 34 à 83 ans et ses partenaires sont eux aussi rajeunis de quelques décennies. Le résultat est épatant, même si, en regardant bien, on a quelquefois l’impression qu’ils sortent tous d’un jeu vidéo.  Ce n’est évidemment pas le seul intérêt du film qui se regarde comme une série hyper luxueuse (les décors, les costumes, la musique sont fabuleux). Délaissant un peu les scènes ultra violentes de ses classiques films de mafia , Scorsese y fait preuve de plus de nostalgie et d’humour que de coutume. On ne s’en plaint pas, au contraire. Un régal !

Kirk Douglas (1916-2020)

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« Comment fais-tu pour raser ça ? » lui demandait Kim Novak dans Liaisons Secrètes (Richard Quine 1960). Arme de séduction massive, la célèbre fossette de Kirk Douglas lui fendait le menton en deux. Est-ce pour cela qu’il incarna toujours – avec une rare expressivité-,  des personnalités ambivalentes ?   De La Captive aux yeux clairs (Howard Hawks 1952) à L’Arrangement (Elia Kazan 1969) en passant par Les Sentiers de la Gloire (Stanley Kubrick 1957) et La Vie passionnée de Vincent Van Gogh (Vincente Minelli 1957),  Les Vikings (Richard Fleisher 1958) et  Spartacus (Stanley Kubrick 1960), ses compositions complexes en firent plus qu’une icône de l’âge d’or d’Hollywood : littéralement un « monstre sacré ». Dernier à mériter ce titre, Kirk Douglas, né  Issur Danielovitch Demsky le 9 décembre 1916, s’est éteint le 5 février 2020,  à l’âge vénérable de 103 ans. C’est son fils Michael qui a annoncé son décès. Avec l’âge et les honneurs, il avaient fini par tellement se ressembler qu’on pouvait presque les confondre. Mais lorsqu’à l’occasion de la promo du film Ant Man,  on avait demandé à Michael Douglas quel était son super héros préféré, il nous avait naturellement répondu: « Mon père ! ».

« Farouche et sarcastique » c’est ainsi que  Gilles Jacob, qui l’accueillit souvent au festival de Cannes se souvient de Kirk Douglas. « Kirk s’est fait tout seul, a survécu à tout,  rappelle l’ancien président du Festival : pauvreté, accident d’hélicoptère, AVC, crise cardiaque et même rescapé d’Hollywood, qui ne lui a donné au bout de 80 rôles qu’un Oscar de consolation ». Cannes n’ a pas été beaucoup plus prodigue, à vrai dire. Il y vint pourtant pour la première fois en 1947 pour L’Emprise du crime, son premier rôle au cinéma. Cinq ans plus tard, il foulait à nouveau le tapis rouge pour Detective Story de William Wyler. Mais c’est sa partenaire, Lee Grant, qui remporta le prix d’interprétation. Première Victoire en 1965 n’en fut pas une, non plus… Si l’on en croit la légende,  c’est même grâce à un heureux quiproquo  qu’il présida, en 1980,  le jury du 33e Festival: c’est Douglas Sirk qui avait, en réalité, été pressenti, mais l’information fuita avec le mauvais nom ! Douglas Kirk se rattrapa en couronnant deux chefs d’oeuvre : All That Jazz de Bob Fosse et Kagemusha d’Akira Kurosawa. Le Festival l’accueillit une dernière fois en 2010 pour un documentaire sur le chef opérateur Jack Cardiff auquel il avait participé avec Lauren Bacall,  Charlton Heston et Martin Scorsese.  Ces dernières années,  l’acteur restait étonnamment actif sur son blog qu’il animait d’une plume alerte. Dans une tribune suivant l’élection de Donald Trump, il mettait en garde contre les dangers du populisme qui menaçait , pensait-il, son pays et le monde.  « Fils de chiffonnier », ainsi qu’il se présentait dans le titre de son autobiographie, son coeur restait solidement accroché à gauche. Jusqu’au dernier battement.