Céline : Guerre

//Céline : Guerre

Céline : Guerre

Par MAB

Toujours délicat d’évoquer Louis-Ferdinand Céline. Malgré son génial Voyage au bout de la nuit, œuvre française majeure du XX eme siècle, nombreux sont ceux qui, en effet, refusent en bloc l’auteur d’intolérables pamphlets antisémites et le partisan du régime de Vichy qui dut s’exiler six ans au Danemark pour échapper au peloton d’exécution. Et pourtant ! voilà que, soixante ans après sa mort, le père de l’inoubliable Bardamu, fait à nouveau parler de lui.  Puisqu’après une rocambolesque découverte, Gallimard publie aujourd’hui des manuscrits inédits de l’écrivain sulfureux. Notamment  Guerre . Un morceau de bravoure – encore un – sur la boucherie de 14-18. Pas de doute, sur l’authenticité de ces pages à la fois autobiographiques et romancées. Malgré une écriture parfois illisible qui a donné bien du mal à l’éditeur, malgré aussi beaucoup de confusions et désordres,  on y retrouve le formidable souffle organique, la noirceur radicale, l’efficacité narrative et la crudité du langage de l’auteur de  Mort à Crédit .  Dès les premières lignes, en effet, le lecteur reçoit en pleine face les éclats d’obus qui frappent à la tête et au bras le maréchal des logis Destouches ( futur Céline ) sur le front belge d’octobre 1914. Mort vivant, pissant le sang, l’oreille hurlante à tout jamais, on voit, – on le voit vraiment tellement la langue est imagée – l’homme blessé se relever, « la guerre dans la tête pour toujours». Il est seul, sur le champ de bataille jusqu’à ce qu’il croise un soldat anglais qui l’aide à rejoindre un hôpital de campagne…La suite sera un chaos de mots, de raccourcis syntaxiques, de pieds de nez à la grammaire et la conjugaison pour décrire dans une langue d’une incroyable modernité à la fois la noirceur du monde, les pulsions de vie de l’être humain et le sexe comme exorcisme à la mort. On termine la lecture de ce court récit halluciné, brutal et trivial, le souffle coupé. Et l’on se dit qu’il va une nouvelle fois, alimenter le débat sur l’homme misérable que Céline a pu être et la puissance décapante de son œuvre littéraire. Avec juste une interrogation tout de même: voulait-il que ces pages brouillonnes soient publiées ?

 

By |mai 21st, 2022|Categories: ça vient de sortir|0 Comments

About the Author:

Leave A Comment

onze − 6 =