Par MAB
« Nous pédalions sur le chemin qui mène au village de Lios quand deux oiseaux ont surgi du fourré en nous coupant la route ». Ainsi commence le nouveau roman de Sophie Avon. Un incipit qui, comme il se doit, annonce ce qui va suivre : « Nous » renvoie à Lili et son frère Paul. Deux « personnages » qui nous sont familiers depuis les bio-fictions antérieures de la romancière. Paul vient d’acquérir une maison dans les Landes, qu’ex navigateur, il retape pour y jeter l’ancre. Et tous deux, d’une complicité indestructible depuis leur enfance d’exilés, savourent les joies naturelles de ce havre de paix. L’heure est à la contemplation joyeuse, s’il n’y avait ces deux oiseaux dont l’un tombe raide mort devant leurs roues, comme un signe du drame écologique qui va suivre.. Tout est donc installé dès cette première phrase. Rétrospectivement, on peut même y déceler la mélancolie et l’angoisse de la mort qui traversent cet ouvrage en triptyque. …Mais le titre simple et juste est « Le goût du bonheur ». Il dit d’ abord les petites joies quotidiennes de Lili en compagnie de ses deux « garçons » , Paul mais aussi Jo son compagnon. Ce trio de bobos urbains profite de ce bon temps dans la nature, comme on le fait à un âge de paix ou l’on pense avoir tout réglé. Le ton léger est assumé. Il est question de siestes au soleil, de potager, de randos et d’apéros. Or, vient le drame comme une rupture. Ces incendies de l’été 2022 qui ravagèrent les pins et ont fait fuir les habitants. La romancière les a vécus. Elle en fait un récit romanesque aux multiples personnages et tendu comme une tragédie. L’ angoisse de la narratrice est vive. Réveillant un « chagrin constant » et des « sensations anciennes »: Le départ d’Oran à l’âge de cinq ans. Sophie tombe alors le masque. Elle ne donne plus le change. Rappelle que ses parents pieds- noirs sont partis d’Algérie en laissant leur toit. La voilà, à nouveau, hantée par la malédiction du départ, reprise par ses idées noires et son manque de racines. Mais elle sait pourtant, que la forêt, ce lieu d’ancrage, va reprendre ses droits et qu’une « aube magnifique » se lèvera à nouveau. L’épilogue est donc plein d’espoir. C’est cela avoir (enfin? )le goût du bonheur. Bien mené!
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