Au téléphone, il a la voix caverneuse des personnages de gangsters qu’il a joué dans les Sopranos ou dans la série norvégienne Lillyhammer. Mais c’est bien avec le patron des Disciples of Soul qu’on parle. Steve Van Zandt, alias Little Steven, alias Miami Steve, est en Europe pour la tournée du formidable nouvel album des Disciples, le bien nommé Summer of Sorcery. Un disque qui célèbre comme jamais le « Jersey Shore sound » dont il est l’un des pères fondateurs avec Southside Johnny et Bruce Springsteen. Avant de de donner un formidable concert à l’opéra Garnier de Monaco le 31 août, pour la dernière date du Sporting Summer Festival, le guitariste historique et bras droit du Boss nous a parlé du disque, de la tournée et de la reformation annoncée du E Street Band en 2020…
C’est la première fois que vous jouez à Monaco ?
Oui, mais j’y suis déjà venu. Lillyhammer a été plusieurs fois nommé au festival de télévision. Et on avait lancé la série au MIPTV à Cannes. J’adore la Côte d’Azur, je me réjouis d’y venir jouer. Dites à tout le monde qu’on va casser la baraque !
Pourquoi avoir attendu si longtemps pour former ce groupe ?
C’est vrai que cela fait plus de 20 ans que je n’avais pas tourné avec un autre groupe que celui de Bruce Springsteen. Cela s’est fait par hasard. Un ami voulait que je vienne jouer dans un festival à Londres. Le E Street Band était en sommeil pour permettre à Bruce de faire son show en solo à Broadway. J’ai donc formé ce groupe pour le concert de Londres et ça a été magique. Dans la foulée, on a enregistré Soulfire, un album de chansons que j’avais écrites pour d’autres. Puis, on a fait une première tournée, qui s’est super bien passée. J’ai écrit de nouvelles chansons (mes premières en 20 ans !), on les a enregistrées et on est repartis sur la route. C’est tellement l’éclate que je me demande encore pourquoi je ne me suis pas décidé plus tôt…
Vous regrettez parfois d’avoir sacrifié votre carrière solo au E Street Band ?
Je n’ai jamais réfléchi en termes de carrière. Pour moi, tout ça était avant tout une aventure artistique et humaine. J’avais besoin d’apprendre des choses sur moi et sur le monde et j’étais obsédé par la politique. J’ai fait ce que je pensais être bien pour moi. Mais avec le recul, bien sûr que j’aurais dû me préoccuper plus de ma carrière de musicien …
C’est très différent de tourner avec votre propre groupe qu’avec le E Street Band ?
Et comment ! Et pas seulement à cause de la taille des salles dans lesquelles on joue (rires)… Avec Bruce, à côté, ce sont des vacances. Là, il faut décider de tout. C’est moi le boss ! Un boulot à plein temps…
Sur les vidéos, le show ressemble à une grande revue de rock’n’roll…
C’est un peu ça. Mais le son est plus soul que rock. On a tous ces cuivres, c’est super puissant. On tourne sans interruption depuis plus de deux ans maintenant, je peux vous dire qu’on est au point et que ça déménage !
Le nouvel album semble uniquement fait pour la fête.Vous avez mis de côté votre engagement politique ?
Dans les années 80, tout était plus caché. Les gens ne savaient pas forcement ce qui se passait en Afrique du sud, par exemple. En tant qu’artistes, on pouvait être utiles en dénonçant l’apartheid. Maintenant c’est l’inverse: avec Internet et les chaines d’info en continu, on baigne dans la politique et les affaires, 24 heures sur 24. Les nationalismes, le fascisme, l’individualisme, le racisme dominent la planète… J’ai l’impression que notre mission n’est plus tellement de dénoncer, comme je l’ai fait à l’époque de l’apartheid avec la chanson « Sun City », mais d’inciter les gens à s’unir plutôt qu’à se diviser. Je vois nos concerts comme un sanctuaire, où les spectacteurs peuvent se réunir pour oublier les misères du monde et leurs propres problèmes pendant deux heures. En ces temps sombres, c’est important d’offrir un peu de gaieté, de lumière et d’optimisme au public. C’est pour ça que l’album est exempt de discours. J’ai écrit les chansons comme des mini films de trois minutes. De la pure fiction, pour danser et s’éclater.
Vous ne croyez plus au pouvoir du rock pour changer le monde?
« Sun City » , ça ne marcherait plus aujourd’hui. On est trop enfoncés dans la dépression. Le système ne fonctionne plus, les gens se sentent lésés et cherchent à qui faire payer leur déception. C’est comme ça que les extrémismes triomphent. C’est difficile de se mobiliser sur des causes humanitaires quand on crève la dalle. Aujourd’hui, il y a des gens qui ont du travail, mais qui ne peuvent même pas se payer un loyer avec et qui sont SDF. C’est de la folie ! Je pense qu’un mouvement mondial va se déclencher pour la protection de l’environnement. C’est la seule cause qui peut rassembler tout le monde, le seul combat qu’on ait tous en commun, quelle que soit notre condition. Je ne sais pas quand, ni comment ça partira, mais ça viendra. Peut-être qu’une bonne chanson sonnera le signal ? Le rock n’est pas mort, si vous voulez mon avis. Il bouge encore !
Dans son spectacle de Broadway, Bruce dit qu’il a inventé le son du « Jersey Shore ». Vous êtes d’accord ?
Cela existait sans doute avant, mais personne ne le savait ! (rires). Il a lancé le mouvement et aujourd’hui on est quelques-uns, avec Southside Johnny, à entretenir la flamme. Bruce est le Boss du Jersey shore… Et moi j’en suis le sous-Boss ! (rires)
Au fait, la réunion du E Steet Band est confirmée pour 2020?
Pas tout à fait. Je dois voir Bruce en rentrant pour en parler. Ma tournée s’arrête le 6 novembre et j’ai prévu d’être totalement disponible pour Bruce après ça, car je voudrais qu’on prenne le temps d’enregistrer un nouvel album avant de repartir en tournée mondiale.
On vous reverra au cinéma ou dans une série ?
J’aimerais bien. J’ai adoré jouer dans les Sopranos et Lillyhammer. On a raflé plein de prix avec cette série, j’étais triste qu’elle s’arrête. On l’a oublié, mais c’était la première qu’ait produit Netflix. Je referai bien l’acteur, mais ça va être difficile de trouver le temps si on relance le E Street Band. Peut-être en 2023 ou 2024 ?
Question fashion pour finir: pourquoi cet éternel bandana sur la tête ?
(Rires) J’ai eu un accident de voiture dans les années 70. Je suis passé à travers le pare-brise et mes cheveux n’ont jamais repoussé correctement. A l’époque, ça m’arrivait de temps en temps de mettre un bandana sur la tête pour me faire le look de biker. Après l’accident, comme je ne me voyais pas porter une perruque, ni un chapeau , j’ai opté pour le bandana. Ça a fini par faire partie intégrante de mon image. Mais je ne cherchais pas à lancer une mode, je vous l’assure ! (rires)
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