Ad Astra
Le pitch
Dans un futur proche, où l’homme a colonisé la Lune et la planète Mars, l’astronaute Roy McBride (Brad Pitt) est envoyé aux confins du système solaire, à la recherche de son père (Tommy Lee Jones) , héros de la conquête spatiale dont le vaisseau a disparu il y a des années. Mystérieusement réapparu à proximité de Jupiter, il représente une menace pour l’espèce humaine toute entière…
Ce qu’on en pense
De Little Odessa, avec lequel on l’a découvert en 1994 au déjà très Conradien The Lost City of Z (2016), en passant par The Yards, La Nuit nous appartient, The Immigrant et Two Lovers, la quête de soi et la filiation sont au cœur du cinéma de James Gray, quels que soient les genres qu’il aborde (polar, aventure, thriller, romance…). Pas de surprise donc avec Ad Astra, son premier film de Science Fiction: il s’agit toujours pour le héros incarné par Brad Pitt, d’y trouver le père (pour éventuellement le tuer) et de se trouver lui -même. Sur une trame narrative qui ressemble étonnament à celle d’Apocalypse Now (voix off du narrateur comprise) et dans une mise en scène digne de 2001, l’Odyssée de l’espace, Ad Astra est une manière pour James Gray de rendre hommage à ses pères en cinéma (FF Coppola et Stanley Kubrick, entre autres). Noir, tourmenté et claustrophobique, le film n’est peut être pas le chef d’oeuvre annoncé, mais il impressionne tout de même par la puissance de sa mise en scène et par sa représentation immersive de l’espace intersidéral. Brad Pitt, impeccable, n’a pas grand chose à faire pour donner de l’intériorité à son personnage: il est enfermé pendant deux heures dans des capsules ou des scaphandres et le plus souvent seul, engagé dans une odyssée intérieure, à 4000 milliards de kilomètres de la Terre. Là où personne ne l’entendra crier sa douleur d’avoir été un fils sans père. Mais la solitude est le fardeau commun à l’humanité, nous dit James Gray en manière de consolation.
Eminem: Music to be…
Une année qui commence par un grand disque d’Eminem ne peut pas être tout à fait catastrophique. Balancé par surprise sur les plateformes de streaming le 17 janvier, avant sa parution en physique le 31 (dont on se dépêchera de faire l’acquisition vu la beauté du visuel), Music to be murdered by n’est pas un album de plus d’Eminem. Cette fois, on sent qu’il y a vraiment mis ses tripes. Avec même un coté militant bienvenu, contre la vente libre des armes à feu (voir le clip de Darkness). Le titre et le visuel de l’album font référence à un album qu’Alfred Hitchcock avait enregistré en 1958 et on peut entendre la voix du maître du suspense sur deux interludes (Alfred). Comme d’habitude , la liste des featurings, d’Ed Sheeran à Q-Tip, est longue comme le bras. Mais ce qu’on retiendra surtout c’est que Dr Dre a produit tout l’album, et ça s’entend. Ce qui s’entend aussi, outre sa technique insurpassable, c’est la rage et le désespoir qui n’ont pas quitté le rappeur blanc depuis ses débuts, malgré le succès et l’embourgeoisement qui va forcément avec. Elles trouvent ici un parfait exhutoire.
Tontons Flingueurs : Le dico
Un énième bouquin sur les Tontons ? Non LE bouquin.Celui qui fera référence dans les universités et les écoles de cinéma. Signé du biographe de Michel Audiard et Lino Ventura, notre estimé confrère marseillais Philippe Durant, ce petit ouvrage incroyablement documenté dynamite la concurrence façon puzzle.Fruit de recherches maniaques dans toutes les sources documentaires possibles et imaginables (et même inimaginables) il recense tout ce qu’il est humainement possible de savoir et de comprendre sur le film ultra culte du regretté Georges Lautner. Sous une forme qui rend hommage à la verve audiardesque, qui plus est. Un must absolu.
Once Upon a Time… In Hollywood
Le pitch
En 1969, la star de télévision Rick Dalton (Leonardo DiCaprio) et le cascadeur Cliff Booth (Brad Pitt), sa doublure de longue date, poursuivent leurs carrières au sein d’une industrie qu’ils ne reconnaissent plus. De nouveaux occupants s’installent dans la propriété voisine de celle de Rick : Roman Polanski (Rafal Zawierucha) et sa femme Sharon Tate (Margot Robbie)…
Ce qu’on en pense
Le 9 août 1969, l’actrice Sharon Tate, épouse enceinte de Roman Polanski et plusieurs de ses amis sont sauvagement assassinés par les membres d’une communauté hippie dirigée par un dangereux illuminé, Charles Manson. Cet événement tragique sert de toile de fond et d’unique moteur dramatique au nouveau film de Quentin Tarentino. Une comédie uchronique dans laquelle, comme à son habitude, le réalisateur de Pulp Fiction joue avec les genres cinématographiques : comédie pop, western, film de guerre, buddy movie, séries TV, slasher…Tout y passe ! Avec B.O d’époque et reconstitution aux petits oignons du L.A des années 60-70. Une époque de liberté sexuelle et d’innocence, dont le réalisateur américain est, semble-t-il, nostalgique et dont l’assassinat de Sharon Tate marque, symboliquement, la fin. On prend un grand plaisir à voir Leo DiCaprio et Brad Pitt copiner en fringues flashy, picoler dans les bars et «cruiser» en décapotable, dans les rues d’un Los Angeles disparu, sur fond de tubes californiens. Des deux stars , c’est Pitt (plus Robert Redford que jamais) qui a le meilleur rôle: celui de Mister Cool. Mais Leo a quand même plusieurs scènes mémorables (dont une, sur le set d’un western, avec une gamine incroyable) . Al Pacino joue un producteur de cinéma visionnaire (le nouvel Hollywood arrive !), Margot Robbie est magnifique et solaire en Sharon Tate, Margaret Qualley explose l’écran en Manson freak délurée, plusieurs habitués des films de «Qwantine» font des apparitions sympathiques (Michael Madsen, Kurt Russel, Tim Roth…) et la chienne Daisy a bien mérité sa Palme Dog. On s’amuse bien à les voir tous s’agiter comiquement, comme dans un film des frères Coen, jusqu’au final qui a fait polémique à Cannes, où le film était en compétition (et d’où il est reparti bredouille, bien entendu…). Tarantino avait-il le droit de jouer avec un événement aussi dramatique que la mort de Sharon Tate? Il l’avait déjà fait avec celle d’Hitler dans Inglourious Basterds, mais le sujet était moins sensible. Le réalisateur américain croit toujours au pouvoir curatif du cinéma. Il n’est pas le seul.
Le Gainsbook
Le sous-titre explique de quoi il s’agit : « En studio avec Serge Gainsbourg ». L’ouvrage, incroyablement documenté, exhaustif et richement illustré, explore, album par album, la discographie de Serge Gainsbourg avec un sérieux digne d’une thèse universitaire. L’auteur a interviewé des dizaines de musiciens, producteurs et techniciens qui ont aidé Gainsbourg à enregistrer ses chansons.Il a retrouvé les manuscrits, les partitions, les fiches de studio, des photos jamais publiées… Tout y est. Et, loin d’être indigeste, c’est passionnant. Le format broché à couverture souple est idéal pour réécouter, livre en main, tous les albums du grand Serge et en redécouvrir les richesses.
NTM : That’s My People
Alors que la tournée d’adieu de NTM vient de s’achever avec un dernier concert parisien retransmis en direct par France Télévision (voir vidéo), les éditions de La Martinière publient ce beau livre issu de la longue collaboration de la photographe Gaelle Ghesquière avec le duo Kool Shen/JoeyStarr. Jeune photographe de presse, Gaële Ghesquière a shooté le groupe pour la première fois en 1997 et elle a su s’immiscer dans le premier cercle et y rester, jusqu’à cette dernière tournée dont elle a également suivi les préparatifs. Ses images offrent une vision intime du plus grand groupe de rap français, enrichie par de nombreux témoignages de proches. Un magnifique ouvrage qui deviendra vite collector.
Dick Rivers : Live 2018
« Rock’n’roll à donf‘ » C’est ainsi que Dick Rivers présentait sa tournée 2018. Entouré du groupe canadien du guitariste Robert Lavoie, le rocker Niçois jouait un répertoire composé de ses grands succès et de reprises de classiques du rock en VO et en VF, en sachant sans doute qu’il n’irait pas au bout de ses engagements qui courraient jusqu’à fin 2019. On le vit ainsi à Nice en décembre 2018, fatigué mais heureux de revenir enfin jouer dans sa ville natale. Il était temps : le 24 avril 2019, jour de son 74e anniversaire, Dick nous quittait, victime du cancer qui le rongeait. Il reste heureusement un témoignage de ces derniers concerts avec cet album live enregistré pendant la tournée. On peut regretter qu’il n’ait pas bénéficié d’une meilleure production, ni d’une distribution en dehors du site dick-rivers.com, où il faut le commander. Jusqu’au bout Dick aura donc été mal traité par l’industrie musicale. Mais l’important, c’est que le CD existe et qu’il restitue bien l’ambiance « rock’n’roll à donf‘ » de cette dernière tournée, pour laquelle Dick était entouré d’un des meilleurs groupes qu’il ait jamais eu. Le packaging est très soigné, avec une belle photo de pochette et un livret complet avec la setlist, les dates de la tournée et des photos sur scène et en coulisses.
Leonard Cohen : Thanks For The Dance
Sa disparition a laissé un vide sidéral. Par chance, Leonard Cohen avait posé sa voix sur des chansons inachevées que son fils Adam a pris soin de ne pas gâcher en les laissant dans leur jus, avec une production le plus dépouillée possible. Une guitare espagnole par ci, un chœur féminin par là, quelques notes de violon tzigane… Rien de trop appuyé. Les textes et la voix suffisent à déchirer le cœur. Ces 9 chansons sauvés du néant sont parmi les plus belles qu’ait écrites le poète canadien et le disque est magnifique. Un quasi miracle. Merci pour la danse ! Ce sera, hélas, la dernière…
Diego Maradona
Le pitch
Le 5 juillet 1984, Diego Maradona débarque à Naples pour un montant qui établit un nouveau record du monde. Pendant sept ans, il enflamme les stades. Le footballeur le plus mythique de la planète a trouvé ses marques dans la ville la plus passionnée – mais aussi la plus dangereuse – d’Europe. Sur le terrain, Diego Maradona était un génie. En dehors, il était considéré comme un dieu. Cet Argentin charismatique a mené le SCC Napoli en tête du tableau pour la première fois de son histoire. Mais le prix à payer était élevé. Accointances avec la mafia, drogue, prostitution… Des heures sombres l’attendaient après ces années fastes…
Ce qu’on en pense
Réalisé à partir de plus de 500 heures d’images inédites, issues des archives personnelles du footballeur, par le documentariste anglais Asif Kapadia, auquel on doit deux très bons films sur Ayrton Senna et Amy Winehouse, Diego Maradona retrace la carrière et cerne la personnalité du pibe de oro mieux qu’aucun autre jusqu’ici (Kusturika s’y était essayé en 2008 avec son Maradona par Kusturica).Le film était en sélection officielle au dernier festival de Cannes, mais le footballeur, qui y était pourtant annoncé, a renoncé au dernier moment à assister à la projection, confirmant ainsi qu’il reste, malgré les années, les excès et les kilos en trop, le roi du contrepied.
Encyclopédie des répliques de films
Sans les répliques de films, on n’aurait même jamais appris à siffler (« Vous savez siffler, Steve ? Vous rapprochez vos lèvres comme ça et vous soufflez ! » Lauren Bacall dans Le Port de l’angoisse) . Il faut donc saluer à sa juste valeur la parution en pack des deux tomes de l’indispensable encyclopédie des répliques de films de Philippe Durant. 8 000 répliques pour ne jamais rester bouchée bée, briller en société et… sauver sa peau ! Grace, par exemple, à celle-ci sur le maniement de la nitroglycérine : « Tu ne bouges pas un sourcil, tranquille. Tu ne respires pas, tu ne fais rien. Ou peut-être une petite prière » (Atlantide l’Empire perdu)…
Last Train : The Big Picture
Rock à guitare pas mort. Last Train le prouve avec un second album magnifique qu’on écoute en boucle depuis sa sortie. Le quartet alsacien, dont le premier album était déjà prometteur, a semble-t-il retenu la leçon de Nirvana et du grunge, avec des titres bien lourds, qui alternent passages lents, montées en puissance démoniaques et accélérations fulgurantes, n’hésitant pas à s’étirer sur près de dix minutes (« The Big Picture » et son clip génial à voir ci-dessous). Le chanteur a les cordes vocales les plus déchirées depuis Kurt Cobain et les pistes de guitare sont à tomber. De loin le meilleur disque de rock français (chanté en anglais) de 2019.
Alex Beaupain: Pas plus…
(Photo Vincent Desailly)
Secret le mieux gardé de la chanson française, Alex Beaupain ne semble être connu que par les fans des films de Christophe Honoré, dont il signe régulièrement les B.O et par ceux de Julien Clerc, pour lequel il a écrit plusieurs succès. C’est bien dommage, car ses propres albums sont excellents et on les aime beaucoup. Celui-ci est son sixième et il est encore meilleur que le précédent. Plus sombre aussi, avec des textes poignants chantés de la voix la plus douce qui soit. Écoutez « Les Sirènes », « Orlando » ou « Tout le contraire de toi », qui ouvre l’album, et vous comprendrez le sens de l’expression « long comme un jour sans Beaupain».
The Who : Who
On n’attendait plus grand-chose des Who, réduits au duo Townshend/Daltrey et désormais septuagénaires. Et bim ! Voila qu’ils produisent leur meilleur album depuis Who Are You (1978 !). Onze nouvelles chansons impeccables qui sonnent parfaitement Who (d’où le titre), avec riffs de guitares rageurs, boucles de synthé à la « Baba O Riley » et textes concernés. Et la voix de Roger Daltrey, inoxydable. Rien qui risque de casser l’internet, ni de faire un hit sur les radios FM, mais des compos solides, bien produites, que les vieux fans auront plaisir à découvrir et qui leur donneront envie de réécouter Who’s Next, Quadrophenia et même Who Are You tant qu’on y est. Le tout sous une pochette superbe qui incite à acheter le vinyle plutôt que le CD. C’est Noël !
NoJazz : Beautiful Life
Avec ce 7 ème opus, le groupe niçois Nojazz poursuit l’exploration de l’électro jazz world, véritable marque de fabrique du groupe, tout en maintenant son cap soulful. Leur nouvelle voix hautement funky, apparue dans l’album précédent (Soul Stimulation), surfe sur des rythmiques percutantes, parfois même déroutantes, se glisse avec aisance entre les riffs de cuivre toujours si puissants et trouve parfaitement sa place au milieu d’arrangements débridés. Les NoJazz déploient ici plus que jamais leurs talents d’écoute et d’improvisation. Ils aiment surprendre autant qu’ils aiment être surpris. Chaque nouveau titre est pour eux l’occasion d’une plongée vers l’inconnu initiant sans peine de nouvelles collaborations à travers la planète. Le son très abouti et actuel de « Beautiful Life » en est une belle illustration.
Renaud : Les Mômes…
Depuis qu’il est repassé à l’eau, Renaud a retrouvé son mojo. Cet album « pour enfants », le prouve mieux encore que le précédent, qui était celui de sa résurrection et en portait encore les stigmates. Cette fois, Musiques et textes sont du niveau des meilleures années. Il n’y a que la voix qui n’est pas revenue, hélas, mais après quelques écoutes on n’y fait plus attention, tellement les chansons sont bonnes. Renaud y évoque l’enfance (l’école, la récré, les copains, les grandes espérances, les petites peurs, les sorties au parc…) avec la gouaille et l’humour de Titeuf… La nostalgie en plus. « Les Animals« , en single, donnent le ton, avec un texte malin et un refrain particulièrement entraînant. Le reste est du même tonneau : du grand Renaud.