Johnny Marr: Call The Comet
Ex-guitariste des Smiths et mercenaire multicarte (il a joué avec tout le monde, jusqu’à Hans Zimmer sur la BO d’Inception), Johnny Marr fait un retour flamboyant sur le devant de la scène, avec un troisième album solo explosif, dans lequel il revisite ses influences au travers de compos originales, toutes excellentes. Ça sonne comme du Smiths, du Psychedelic Furs, du Only Ones et du Simple Minds (liste non exhaustive), avec une touche d’Oasis. Bref, c’est de la Britt Pop comme on l’aime. En plus d’être un guitariste génial et légendaire, Johnny s’avère être un aussi bon chanteur et , contrairement à son ex-compère Morrissey, il vieillit avec une classe folle. Vous voulez du bon son ? Call The Comet ! Lire ici l’entretien avec Johnny Marr à Cannes Lions 2018.
Rencontre : Michel Jourdan
Il suffit d’égrener les titres écrits par Michel Jourdan pour avoir un panorama de la chanson française de 1964 à nos jours. Ça commence avec «Les vendanges de l’amour», tube de l’été 1964 chanté par Marie Laforêt, et ça continue avec «Il a neigé sur Yesterday» (Laforêt encore), «Qui saura» et «Rien qu’une larme» (Mike Brant), «La Bambola» et «Dans tes bras» (Dalida), «Vous les femmes» (Julio Iglesias), «Soleil, Soleil» (Nana Moukouri) , «Ca pleure aussi un homme» (Ginette Reno) , «Sur ton visage une larme» (Bobby Solo) , «Je vis pour elle» (Hélène Segara), jusqu’à Kyo («Mes racines et mes ailes») et Calogero («Si seulement je pouvais lui manquer») pour la jeune génération. Cette dernière chanson vaudra à Michel Jourdan une Victoire de la musique, en guise de consécration tardive. Pendant un demi-siècle, cet homme charmant et discret est, en effet, resté dans l’ombre des stars qui se sont approprié ses mots. Ce n’est qu’à la faveur de ses mémoires et d’un documentaire qui lui est consacré, que ce Niçois qui a côtoyé le gratin de la chanson internationale, apparaît enfin dans la lumière. Car, non content d’avoir fait chanter le ban et l’arrière-ban de la variété française (Dorothée fut l’une de ses plus grosses clientes), Jourdan s’enorgueillit de collaborations prestigieuses avec Céline Dion, Julio Iglesias, Barbra Streisand et… Frank Sinatra en personne ! Des rencontres qu’il raconte d’une plume enjouée dans ses mémoires. Mais la partie la plus intéressante est peut-être celle consacrée à son enfance niçoise. Né en août 1934, d’un père pâtissier et d’une mère qui tenait le vestiaire au café Bono, le jeune Michel se destinait à la cordonnerie, mais fut détourné de cet artisanat par celui de la musique. A commencer par celle des films de Charlie Chaplin, sur lesquelles il s’amusait à inventer des paroles. Après une brève carrière de chanteur dans les fêtes de patronage («J’avais l’envie, mais pas la voix»), Jourdan monte à Paris et force la porte de Gilbert Marouani, impresario en vogue, pour lui proposer un essai: «Donnez moi un air, je vous écris les paroles!».Epaté par son talent, Marouani lui confie la partition de ce qui deviendra «Les Vendanges de l’amour». La suite s’écrit en musique et s’étale sur cinq décennies. Jusqu’à Calogero , rencontré dans les bureaux du même Marouani et Kyo, de jeunes gars «qui, comme Calogero, n’ont pas le racisme de l’âge», tout le monde ou presque a chanté du Jourdan. «Il est un des derniers paroliers de cette génération dont j’apprécie fortement le travail, dit de lui Charles Aznavour.Il fait partie des authentiques artisans de notre métier». Sa dernière chanson, Michel Jourdan l’a écrite pour Nice, qu’il a quittée depuis bien longtemps mais n’a jamais oubliée. Elle s’intitule «Ma baie des anges» et parle d’un certain 14 juillet. C’est un autre niçois, Francis Lai, qui en a composé la musique et qui la chante. Il y est question d’ «un camion avec un barbare au volant» et du bonheur d’être Niçois, désormais suspendu «entre un avant et un après».
Interview : Claire Chazal
(Photo Christophe Brachet)
Claire Chazal vient de publier « Puisque tout passe » un premier livre de mémoires, plus introspectif que people. Ceux qui attendaient qu’elle balance sur TF1 et le monde de la télé en seront pour leurs frais. Par contre, ceux qui ont gardé avec celle qui a si longtemps présenté le journal de 20 h 00 un lien particulier seront ravis de ses confidences à cœur et esprit ouvert. Nous avions rencontrée Claire Chazal à Angoulême, où elle était la plus sérieuse et assidue des jurés du 10e Festival du film francophone. Voici ce que nous avait confié la nouvelle présidente du Théâtre Liberté à Toulon…
Comment avez-vous vécu l’après TF1?
Ca a été violent.C’est une décision de la chaîne que je n’avais pas du tout anticipée et qui m’a privée de ce que j’aimais le plus: le reportage, le traitement de l’actualité, la politique, qu’on a essayé de traiter le mieux possible pendant tout ce temps… Il y a eu des moments difficiles, de frustration intense et de regrets, où je me suis sentie très inutile.Notamment lors les attentats de Paris.C’étaient mes premiers moments hors de l’antenne. Pour la première fois, je ne participais pas à l’émotion collective. J’aurais tellement voulu être à l’antenne ce week-end là… La campagne présidentielle «chamboule tout» a évidemment été un autre moment où je me suis sentie particulièrement frustrée. Tous ces rebondissements incroyables! Au final, j’ai eu beaucoup de chance que France 5 me propose un magazine culturel quotidien, Entrée Libre, même si son audience est évidemment plus confidentielle que celle du journal. La culture m’intéresse beaucoup et depuis toujours.
Pensez-vous avoir été victime du nouveau «jeunisme» des chaînes de télévision?
Je ne l’ai pas analysé comme ça sur le coup. Je trouve formidable le renouvellement des élites, l’arrivée de nouvelles têtes, notamment en politique.Il faut évidemment donner leur chance aux jeunes, sortir des codes et des réflexes anciens, en politique comme dans les médias. Mais je suis contre le systématisme. On peut aussi valoriser l’expérience.Un excès de jeunisme n’est pas pertinent, comme tous les excès. Il faut toujours chercher les moyens termes…
Quels sont les meilleurs et les pires souvenirs que vous garderez du vingt heures?
C’est une question difficile car, pour moi, les meilleurs souvenirs sont des souvenirs d’intensité qui correspondent souvent, hélas, à des moments dramatiques de l’actualité.Pour la mort d’Isaac Rabin, par exemple, on a fait le journal en direct de Jérusalem. C’était un de mes premiers journaux à l’extérieur et je me suis sentie investie d’une mission. Il y a aussi, heureusement, des événements joyeux, où l’on participe à la liesse collective, comme les grands rendez-vous sportifs… Mes moins bons souvenirs sont liés à des interviews difficiles, comme celle de Laurent Fabius sur le sang contaminé ou celle de Dominique Baudis au moment de la rumeur de Toulouse. On ne sait jamais, sur le coup, si on a la bonne attitude…
Votre vie a-t-elle beaucoup changé depuis votre départ du journal?
J’ai retrouvé des week-end! Je n’en ai pas eu pendant 25 ans… Ca n’a pas été facile au début.J’avais une impression de vide terrible, car je n’aime pas l’inactivité.Je n’ai jamais été trés fan des vacances, par exemple.Mais je peux désormais consacrer plus de temps au spectacle vivant, à la culture, à la pratique de la danse et à mettre en valeur les artistes que j’aime…
Et le regard des autres, a-t-il changé, lui aussi ?
Heureusement non.J’avais peur d’être oubliée.On est quand même attaché à la popularité, à cette amitié que les gens vous témoignent, à l’attachement qu’ils ont pour vous. Je sais que je le dois à TF1 et à la puissance de ce média, la télévision, qui a fait que, pendant des années, je rentrais chez des millions de gens deux fois par semaine. Mais je constate que les gens restent attachés à moi et j’ai l’impression que cela va durer, même sans TF1. Je reçois des témoignages anonymes quotidiens de gens de la rue qui me disent qu’ils me regrettent.Cela me touche énormément.Je leur réponds qu’ils peuvent regarder une autre chaîne, mais je comprends qu’ils ont l’impression de m‘avoir perdue…
Bashung: Live
Neuf ans déjà qu’il nous a quittés et la (Play) blessure n’est toujours pas refermée. Bashung en live, c’était encore mieux qu’en disque. Aucun de ses concerts n’était banal ou juste similaire aux autres. On se souvient du dernier auquel on a assisté, au Nice Jazz Festival, avec une émotion particulière. Jusqu’au bout, l’homme aura été digne et magnifique. Ce coffret de l’intégrale live l’est aussi. Les concerts de 85 et 92 sont pour la première fois présentés en versions intégrales sur 2 CD pour chacun. Le Live Tour 85 a été entièrement remixé avec de nouvelles versions des chansons et le Novice Tour 92 est augmenté de pas moins de 12 titres. Les Dimanches à l’Élysée, de l’ultime tournée, sont juste restitués dans leur perfection (voir vidéo du concert de l’Olympia). Absolument indispensable.
Moha La Squale : Bendero
Le rap français a un nouveau patron: Mohamed Bellahmed, alias Moha La Squale, 23 ans, originaire de Créteil (94) élevé dans le XXe à Paris, quartier de La Banane, où il vit toujours. Tombé deux fois (drogue), relevé trois, il intègre le cours Florent et tourne en Belgique dans un court métrage de Barney Frydman (La Graine). C’est là qu’il commence à écrire ses premiers raps sous pseudo emprunté au film culte de Fabrice Genestal (La Squale 2000). Encouragé par ses copains, Moha diffuse ses premiers titres sur Youtube a l’été 2017. Succès immédiat. Le gars a tout: le son, la voix, la gueule, le look, l’attitude, le flow, la tchatche, le vocabulaire et (surtout) la street cred. Depuis NTM, on n’avait peut-être rien entendu d’aussi carré. Signé chez Elektra, l’album est tombé dans les bacs le 25 mai. 33 titres impeccables, pleins de bruit et de fureur. Des mots qui claquent, des images qui marquent: rien à jeter. Meet the new boss !
Hyphen Hyphen : HH
(Photo Manu Fauque)
Annoncé par l’ahurissant single « Like Boyz« , qui envoie Rihanna et Beyoncé à la maison de retraite, le deuxième album d’Hyphen Hyphen confirme le potentiel explosif du groupe Niçois, révélation scène aux Victoires de la musique. Même réduits à un trio, après le départ du batteur Zac, Hyphen Hyphen continue d’envoyer du bois comme jamais. Le son est encore plus monstrueux que sur le premier album, la voix de Santa est plus puissante et les textes ont beau être plus personnels et intimistes , ils claquent toujours autant. Coming out à peine déguisé, « Like Boyz » en est le parfait exemple et balance les porcs à la poubelle sur une tournerie techno imparable. « Take My Hand« , qui ouvre l’album, annonce tout de suite la couleur : big beat à donf’. Santa , Adam et Line ont tout fait tout seul, y compris le clip de « Like Boyz« . Ils ont rudement bien fait ! Le disque est un brûlot qui va mettre le feu aux dance floors et à toutes les scènes où Hyphen Hyphen le jouera cet été, comme au Midem le 6 juin.
Shame : Songs of Praise
L’année rock commence fort avec un excellent nouvel album de Black Rebel Motorcycle Club et celui de ce quintet de Brixton (Angleterre), Shame, découvert cet été en festival, où ils ont mis le feu partout. Bonne nouvelle : les Shame confirment avec ce premier album qu’ils ne sont pas qu’un bon groupe de scène. Les dix chansons de Songs of Praise s’écoutent à la file et en boucle. Ce qui frappe en premier, en plus de l’énergie phénoménale que déploie le groupe en studio comme en scène, c’est la voix du chanteur, Charlie Steen, qui rappelle celle du jeune Joe Strummer ou celle du regretté Malcolm Owen des Ruts. Songs of Praise fait d’ailleurs un peu le même effet que l’album des Ruts, The Crack, lorsqu’il est sorti en 1979 : une déflagration !
Interview: Charlotte Gainsbourg
C’est une Charlotte Gainsbourg transfigurée que l’on découvre dans La Promesse de l’aube, d’Eric Barbier.Elle y joue Mina Kacew, la mère de Romain Gary, de ses 30 ans à sa mort. Un premier rôle de vieille dame qui a nécessité un grimage conséquent, mais qui a beaucoup amusé la fille de Serge Gainsbourg et Jane Birkin. Amusé et ému, car l’actrice a retrouvé en cette mère «extra-ordinaire» beaucoup de traits communs avec sa grand-mère paternelle, émigrée Russe. Sans maquillage, ni postiches, les cheveux noirs et coupés court, la voix bien assurée et le sourire aux lèvres, c’est une Charlotte visiblement bien dans ses baskets qui a répondu à nos questions sur le film et sur son magnifique nouvel album Rest, dans lequel elle chante pour la première fois en français. Des textes qu’elle a écrit elle même et qui parlent de son père, de sa sœur décédée et d’elle même, comme elle ne l’avait jamais fait…
Vous vous imaginiez jouer un jour le rôle de la mère de Romain Gary?
Ah, ça non! (rires).D’autant qu’étrangement je n’ai pas lu le livre pendant ma scolarité alors que mes enfants oui. Comme Yvan (Attal son mari N.D.L.R) avait reçu l’intégrale Gary pour son anniversaire je m’apprêtais justement à le faire quand Eric Barbier m’a proposé le rôle. Du coup, j’ai découvert l’histoire avec le scénario.
Le contexte résonnait sans doute avec votre propre histoire familiale…
Absolument. Mes grands parents ont émigré de Russie à peu près à la même époque et Mina m’a immédiatement évoqué ma grand mère, son accent à couper au couteau et sa dévotion pour son fils, mon père. Le cliché de la mère juive, archi-possessive, je connais bien.Je pouvais m’appuyer dessus pour composer le rôle
Avez-vous également reconnu quelque chose de vous en elle?
J’espère ne pas être aussi monstrueuse avec mes enfants (rires).Mais évidemment que le côté excessif de cet amour absolu me parle. Comme il parle à toutes les mères j’imagine. J’ai beaucoup de mal à la juger. Eric me poussait à la rendre monstrueuse mais pour moi elle est aimable et charmante. J’aime ses excès. C’était une époque difficile, elle n’avait pas beaucoup de choix. C’est une femme qui lutte et qui fait des choix de survie.
Cet amour de la culture française qu’elle manifeste, ça vous parle aussi ?
Oui c’était très fort aussi dans ma famille. Mon père m’a transmis ça. J’essaie de le faire avec mes enfants aussi mêle si ce n’est pas pareil aujourd’hui
Pas évident en vivant à New York…
Je suis parti après la mort de ma soeur, j’en avais besoin. Je ne sais pas combien de temps j’y resterai. Je m’y sens bien, mais c’est pas ma ville, ni mon pays. Je ne me sens pas chez moi. Je ne vis d’ailleurs pas différemment d’ici. Je me sens juste plus concentrée sur mon travail.

Vous avez été une enfant star. Vous êtes vous sentie poussée par votre famille comme Gary l’a été par sa mère?
Quand je voyais le petit garçon qui joue Gary enfant, je me revoyais à son âge sur les plateaux où j’accompagnais ma mère et mon père, puis un peu plus tard pour mes propres films. Je me souvenais du plaisir extrême que je ressentais alors de faire partie d’une équipe et de la tristesse au moment de la quitter quand c’était fini. La différence avec Gary, c’est qu’on ne m’a rien imposé. Mes parents ne vivaient pas le succès par procuration, puisqu’ils étaient déjà célèbres tous les deux. J’ai eu envie d’être comme eux en les voyant faire, mais j’ai toujours été décisionnaire. Ils ne m’ont jamais poussée.
Et vous, comment faites vous avec vos enfants ?
J’ai fait pareil que mes parents. Je les ai emmenés partout avec moi. Ils ont pu voir le bonheur que c’est et combien c’est intense aussi. J’ai aimé les faire tourner dans mon dernier clip. Je ne sais pas ce que je leur ai transmis. Un peu plus de souffrance que mes parents avec moi, je suppose ? Je ne leur montre pas les films de Lars (Von Trier NDLR), mais celui -là oui. Mon fils Ben a pleuré en le voyant. J’étais touchée.
Quel effet ça fait de se voir dans le corps d’une vieille femme?
Malgré les 3 heures de maquillage et la prothèse de corps, je crois que je n’ai jamais éprouvé autant de plaisir à jouer un personnage. D’habitude, j’ai l’impression de jouer une version de moi, plus ou moins proche. Là, j’ai joué le déguisement, l’accent polonais, la voix forte, le faux corps, le vieillissement… Ca m’a beaucoup amusée. Sauf, que je ressemble plus à mon père qu’à ma mère! En vieillissant, je prends ses traits. Heureusement, quand j’enlevais le masque, je rajeunissais d’un coup de 30 ans et ça, c’est magique!
Comment avez vous travaillé votre voix ? Elle est beaucoup plus puissante qu’on ne croyait…
Le polonais a aidé. On a commencé le tournage par la scène où je gueule en polonais dans la cour. C’était celle que je redoutais le plus ! A partir de là il n’y avait plus de filtre. Pas de timidité, ni de douceur à avoir. Le volume et le débit m’ont paru naturels. C’est la magie du cinéma…
Vous avez réouvert la maison de votre père pour le clip de « Lying With You ». Où en êtes vous de vos projets de musée Gainsbourg ?
Ça m’a redonné envie d’y travailler alors que j’avais abandonné l’idée depuis des années. Mais je n’ai toujours pas trouvé la bonne solution. C’est compliqué. Je cherche…
La prochaine fois qu’on vous voit, c’est sur scène pour défendre le nouvel album ?
Oui, on va commencer par quelques concerts en février-mars puis sans doute les festivals d’été. Je vais sortir un livre de dessins et de photos sur le makin of de l’album et on va sans doute organiser quelques expos-concerts pour le présenter dans les grandes capitales. Il me tarde car je suis très fière de ce disque.
Her
De la soul française ? Pour paraphraser Lennon, ce serait un peu comme du vin américain, non ? Ben non, justement. La preuve par Her. A la base, un duo formé, du côté de Dinard, par Victor Solf et Simon Carpentier. Mixtape, EP, compile, festivals, soutien de Pharrell Williams… Grosse hype underground. 2017 : exit Carpentier, mangé par un crabe. Restent Victor Solf et quelques maquettes. Enfin, ce disque. 14 chansons: toutes magnifiques. « We Choose » en intro déchirante comme un adieu. « On & On » à suivre avec Roméo Elvis en feat. Arrivé à « Five Minutes », chef d’oeuvre de soul minimaliste , on est déjà sorti du magasin en courant avec le disque sous le bras. Impossible, si on ne le sait pas, de deviner que ce groupe est français. Eut-il été anglo-saxon, il défonçait tout, partout. Regardez la vidéo, écoutez le son, cliquez sur acheter. Pas sûr que vous trouviez meilleur investissement sur le marché cette année.
Jack White : Boarding House Reach
Il ne faut certainement pas attendre de Jack White un classique album de chansons. Il n’en faisait déjà pas du temps des White Stripes, ce n’est pas aujourd’hui, après les épisodes Raconteurs et Dead Weather, qu’il va s’y mettre. Propriétaire de son label et de son studio d’enregistrement, le gars est aujourd’hui dans la position d’un Prince rock, capable d’enregistrer et de publier ce qui lui plait, quand ça lui plait, au kilomètre. On ne s’étonnera donc pas si son nouvel album paraît sorti d’un laboratoire d’expérimentations rock dans lequel un savant fou aurait essayé de croiser rock indé, Led Zeppelin, rock FM, country rock et Queen. Le son est ENORME, les guitares sont bidouillées dans tous les sens, il y a du synthé partout et presqu’aucune chanson au format classique. Pourtant, le truc n’est jamais rebutant, ni ennuyeux. Ce type est tellement doué que, même totalement déconstruites, ses chansons arrivent encore à vous accrocher l’oreille. On est prêt à parier que quand on aura épuisé le plaisir de la simple découverte, on les aimera pour de bon et qu’en concert elles sonneront du feu de Dieu.
Albert Hammond Jr : Francis Trouble
Pendant que son chanteur fait le malin avec ses Voidz, Albert Hammond Jr entretient la flamme vacillante de nos chers Strokes, sauveurs du rock à guitare à l’aube des années 2000. Le quatrième album solo du guitariste, passé par la case rehab, est son meilleur à ce jour. Truffé de guitares sautillantes et de mélodies accrocheuses, il nous renvoie aux belles heures de Room on Fire et déroule ses chansons comme à la parade. Il ne manque que la voix de Julian Casablancas pour que ce soit le meilleur album des Strokes depuis des lustres.
Interview : Robert Guédiguian
Avec La Villa, Robert Guédiguian revient à la source de son cinéma, réinstallant sa troupe (Ariane Acaride, Jean, Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet…) dans la calanque de Méjean, où il tournait en 1985 une scène de Ki Lo Sa? reprise dans le film… L’occasion de parler du temps qui passe, mais aussi du présent, avec l’irruption de réfugiés. Et peut-être d’avenir, puisque ces migrants sont des enfants. Tous sujets dont le réalisateur Marseillais de 63 ans, ragaillardi par son passage au jury de Cannes (aux côtés de Cate Blanchett, Denis Villeneuve et Andrey Zvyagintsev), nous a entretenu avec passion autour d’un excellent déjeuner parisien…
La calanque de Mejean c’est un peu, avec l’Estaque, la matrice de votre cinéma, non?
Oui, parce qu’elle se situe du côté des quartiers populaires, à vingt minutes de l’Estaque, sur la Côte Bleue. Ce n’est pas un endroit touristique comme celles de Cassis, par exemple. J’y suis venu pour la première fois en 1968, c’était presque inaccessible et ça n’a pas changé depuis.L’hiver c’est désert. Du coup, on s’en est servi comme d’un studio.On a fermé l’accès, loué toutes les maisons, repeint les façades, viré quelques bateaux, tiré des câbles et emménagé quatre décors intérieurs où il suffisait d’allumer la lumière pour pouvoir tourner à tout moment.On a habité sur place, techniciens et acteurs réunis, pendant toute la durée du tournage. On avait une cantine, un cuistot, un bateau pour aller pêcher du poisson… Tous les poissons que vous voyez dans le film, on les a mangés. C’était génial.Alors qu’on tournait en extérieurs, on avait l’impression de faire un film en studio!
Cette calanque n’est pas qu’un décor…
Non, bien sûr.On ne peut pas faire un film aujourd’hui au bord de la Méditerranée sans parler de la question des réfugiés.Tous les jours, des gens se noient dans cette mer en venant chercher refuge chez nous.Je me moque que ce soit pour des raisons climatiques, économiques, ou à cause d’une guerre.La question centrale aujourd’hui, c’est le partage. On vit dans un seul monde.Même dans cette petite calanque perdue, en plein hiver, cela a des conséquences visibles…
Trois générations s’y retrouvent.Une renonce, l’autre retrouve une raison de vivre, la dernière tente des expériences nouvelles…
Pour les parents, c’est trop tard.Ils n’ont plus le temps de trouver une cause qui les motive à continuer.Ils préfèrent mourir deboutet disparaître avec leur monde. Angèle, Joseph et Armand, eux, peuvent encore redonner du sens à leur vie avec ces enfants qui arrivent.Quant aux plus jeunes, incarnés par Anais Demoustiers et Robinson Stevenin, ils sont l’occasion de parler d’amours transgénérationnels…
On songe évidemment à La Cerisaie de Tchekhov…
Sauf qu’à la fin, La Villa n’est pas vendue! Avec ces trois petits qui arrivent, peut-être la calanque va-t-elle revivre? Angèle, Joseph et Armand vont rester là avec ces trois enfants à élever, et ils vont essayer de faire tenir le restaurant, la colline et leurs idées du monde…
Et Joseph va raconter l’histoire puisque s’il ne le fait pas «personne ne le fera à sa place». C’est vous Joseph?
C’est ce que m’a dit Darroussin en lisant le scénario: «Donc, je te joue»Mais comme d’habitude, je suis dans tous les personnages. Armand (Gérard Meylan), c’est le pilier, celui qui continue à tenir le restaurant ouvrier de son père, à s’accrocher à l’idée de partage, de transmission… C’est aussi ce que je fais avec mes films. Raconter l’Histoire, c’est important.On vit dans le présent, l’instantanéité… Mais le passé importe aussi. Il ne faut pas l’oublier.
Therapie Taxi: Hit Sale
Depuis France Fall et ses «Sucettes à l’anis» et Lio et son «Banana Split», on n’a pas souvenir d’avoir écouté une pop française aussi sexy et délurée que celle du trio parisien Therapie Taxi. Au début, on croit le titre de l’album en anglais (qu’on traduirait par : «Succès à vendre»). Jusqu’à ce qu’on tombe sur la plage 6 («Salope») et ses paroles hyper explicites. Il s’agit donc bien de hits «sales», du contraire de «propres». Éloignez les chastes oreilles ! Therapie Taxi vient nous le rappeller: les hits pop, c’est comme l’amour: c’est sale… Surtout si c’est bien fait !
The Doors : Live at the Isle of Wight
Août 1970: enferrés dans un procès inique après la soi disant exhibition de Jim Morrison en concert à Miami, les Doors acceptent de jouer au Festival de l’île de Wight pour fuir les États-Unis. L’ambiance n’est pas au top quand le groupe monte sur scène à 2 heures du matin. Grossi, barbu et déprimé, Morrison s’apprête à annoncer aux autres qu’il quitte le groupe pour s’exiler à Paris (et y mourir). Sur scène, il n’est déjà plus que l’ombre du Lizard King. Immobile, il se contente de chanter les yeux fermés, déjà comme ailleurs. Derrière lui, les Doors mettent la gomme pour essayer de le faire réagir mais rien n’y fait. Morrison quitte la scène comme il y est monté: sans un mot pour le public. Sur le coup, la prestation déçoit. Surtout comparée à celle des Who qui leur succèdent et mettent le feu avec l’opéra rock Tommy. Mais presqu’un demi siècle plus tard, on redécouvre le film du concert et force est de constater qu’il est excellent. Le groupe joue le feu, le son est bon, l’image est nette et Jim chante formidablement bien. Bien que mal éclairé (un spot rouge pour tout light show!), ce live à l’Île de Wight n’a qu’un défaut: il est trop court.
Jimi Hendrix : Both Sides of the Sky
(Photo Mark Sharratt)
Mort depuis presqu’un demi-siècle (18 septembre 1970) Jimi Hendrix continue à publier des albums. Une postérité que peuvent lui envier Michael Jackson , Prince et David Bowie. On doute pourtant qu’aucun des trois réussisse à avoir une telle longévité posthume. C’est que le guitariste gaucher a passé les dernières années de sa vie sur scène et en studio et a laissé des kilomètres d’enregistrements qui ont d’abord fait le bonheur des bootleggers avant de faire la fortune de sa légation. Il semble toutefois qu’on arrive au bout du bout de ce qui était publiable (moyennant moult bidouillages) avec ce « nouvel album », troisième d’une trilogie supervisée par son ingénieur du son historique, Eddie Kramer, qui a indiqué que ce serait le dernier (y a qu’à croire…).

Les titres exploités sur Both Sides of the Sky proviennent pour certains (« Mannish Boy », « Lover Man ») des répétitions du Band of Gypsies, trio éphémère formé par le guitariste, Billy Cox à la basse et Buddy Miles à la batterie, auquel on doit le live éponyme. Les autres sont issus de jams avec différents invités, comme Hendrix les affectionnait. C’est ainsi que Stephen Stills joue de l’orgue et chante sur deux titres (« $20 Fine » et « Woodstock »), Lonnie Youngblood joue du sax sur « Georgia Blues » et Johnny Winter tricote en duo avec le maître sur « The Things I Used to Do ». Cela donne un album moins homogène que ses deux prédécesseurs (Valleys of Neptune et People, Hell and Angels) mais tout de même encore diablement intéressant. Trois titres au moins méritent qu’on investisse son bon argent dans la galette : « Mannish Boy » qui fait l’ouverture de l’album, « Hear My train a Comin » dans une version mash-up de « Voodoo Chile » et la ballade improvisée « Send My Love To Linda » qui se termine par un solo de wha-wha assez phénoménal.
















