Cinéma

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Revoir Paris

Cinéma|

Par Ph.D

Le pitch

A Paris, Mia (Virginie Efira)  est blessée dans un attentat dans une brasserie. Trois mois plus tard, alors qu’elle n’a toujours pas réussi à reprendre le cours de sa vie et qu’elle ne se rappelle de l’évènement que par bribes, Mia décide d’enquêter dans sa mémoire pour retrouver le chemin d’un bonheur possible…

Ce qu’on  en pense

On n’est pas près d’oublier le vsiage défait de Virginie Efira, errant sidérée dans la nuit parisienne, sanglée dans un blouson de moto comme une cotte de maille. C’est le visage du choc post-traumatique, celui des survivants,   que filme avec infiniment de tact et de délicatesse Alice Winocour. Première de la jeune classe des nouvelles auteures du cinéma français, la réalisatrice d’ Augustine, Maryland et Proxima (tous trés bons) a voulu témoigner de leur désarroi après les attentats de Paris,  dans lesquels son propre frère a été pris (il se trouvait au Bataclan le 13 novembre). Un témoignage de première main qui conduit à ce film sensible et immersif,  dans lequel on suit la difficile reconstruction d’une jeune femme blessée dans un restaurant et qui a tout oublié des heures qui ont suivi l’attentat (filmé au ras du sol où s’est jetée Mia en entendant les premiers coups de feu : un modèle de scène de cinéma). Cela passsera par la rencontre d’autres victimes, dont celle d’un de ses voisins de table qui fêtait son anniversaire ce soir là. Benoit Magimel l’incarne avec une douceur et une subtilité dont il n’a pas toujours fait preuve…  Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes 2022, Revoir Paris est le parfait contrepoint du Novembre de Cedric Jimenez, également présent à Cannes, et qui retrace en mode thriller policier bourrin la traque des  terroristes (sortie le 5 octobre). On sait lequel on ira revoir…

Le Samaritain

Cinéma|

Par Ph.D

Le pitch

Âgé de 13 ans, Sam Cleary (Javon Walton) suspecte que son mystérieux et solitaire voisin, Joe Smith (Sylvester Stallone) , soit en réalité un super héros légendaire . Il y a 25 ans, le superpuissant justicier de Granite City, Le Samaritain, a été déclaré mort dans un entrepôt, après un combat tragique avec son rival, Nemesis. La plupart des gens pensent que Le Samaritain a péri dans les flammes, mais certains habitants, comme Sam, ont bon espoir qu’il soit encore en vie. Alors que la ville est au bord du chaos et que les crimes se multiplient, Sam se donne pour mission de persuader son voisin de sortir de sa cachette et de sauver la ville de la ruine.

Ce qu’on en pense

Signe des temps, le nouveau Stallone n’est pas au cinéma,  mais sur Prime Video. C’est aussi bien vue la piêtre qualité du film. Le scénario, adapté d’un roman graphique, est assez ridicule,  avec une histoire de super-héros revenants à laquelle on ne croit d’emblée pas du tout et un twist final,  gros comme l’Empire State building,  qui réussit le double exploit de ne pas surprendre et à ne rien changer à l’intrigue. Le seul intérêt du film  de Julius Avery (Son of a Gun, The Heavy, Van Helsing Reboot)  est de voir Stallone, barbe, doudoune bonnet de bucheron,  se fritter avec des petits malfrats dans des scènes de combats réalisées presque sans effets spéciaux et jouer les bon samaritains avec un gamin fouineur (Javon Walton)  et sa mère célibataire (Dascha Polanco). Pour le reste, Le Samaritain ressemble à un mauvais mix de Thor (les frères ennemis et le marteau) d’Incassable et de Joker (les émeutes). Une entreprise vouée à l’échec, vu l’écart entre les thématiques sombres et le traitement édulcoré pour obtenir le visa PG-13.

Carter

Cinéma|

Par Ph.D

Le pitch

Un agent des services secrets coréens (Joo-Won) se réveille amnésique. Dirigé par une voix mystérieuse provenant d’un dispositif implanté dans son oreille, il se lance dans une périlleuse mission de sauvetage dans un pays infesté par un virus qui transforme les habitants en zombies… 

Ce qu’on  en pense

Film ou animatique de jeu vidéo ? On se pose la question au long des 2h12 que dure Carter. Une réalisation virtuose signée du Coréen Byeong-gil Jeong qui multiplie les faux plans séquences pour mieux immerger le spectateur dans une succession ininterrompue de bastons et de poursuites. Celle du tram fera date. Le problème,  c’est qu’à force de truquer numériquement les plans, l’image ressemble plus à celle d’un jeu vidéo qu’à un film. Le scénario tient sur une puce électronique et s’inspire assez largement de la saga Jason Bourne,  pour un résultat qui ressemble à un mix de Bourne, de Mad Max et de film de zombies. C’est amusant pendant une heure,  mais il faut vraiment être fan d’action pure et de caméras qui valdinguent dans tous les sens pour aller au bout.

Dog

Cinéma|

Par Ph.D

Le Pitch

Ancien combattant en disponibilité pour lésion cérébrale, Jackson Briggs (Shanning Tatum) espère reprendre du service. Pour décider ses chefs à le réincorporer,  il accepte une mission particulière : accompagner Lulu, un chien de l’armée  réformé pour stress post traumatique,   aux funérailles de son ancien maître. Un road trip de plusieurs milliers de kilomètres le long de  la côte du Pacifique,  au cours duquel Briggs et Lulu vont devoir apprendre à se connaître et à se faire confiance… 

Ce qu’on en pense

En la lecture du synopsis, on sait déjà comment ça va finir et on ne s’attend pas à des merveilles. Mais on espère quand même une bonne petite comédie dramatique tire larmes qui nous apprendrait deux ou trois trucs  sur le traitement du stress post-traumatique, la réinsertion des anciens combattants et la thérapie animale. Au lieu de cela, Shanning Tatum, qui co-réalise joue et produit, nous embarque dans un road movie aux péripéties aussi inintéressantes qu’artificielles (voire ridicules),  dans lequel on ne rencontre pas un seul personnage un peu attachant et où le chien joue mieux que tous les autres acteurs. Il faut attendre la toute dernière scène pour sortir les mouchoirs, et encore : on la voit arriver depuis tellement longtemps qu’on a eu le temps de s’y préparer. Heureusement, c’est du streaming et on peut mettre ça en mémoire pour occuper les enfants un  après-midi particulièrement pluvieux. 

 

The Gray Man

Cinéma|

Par Ph.D

Le pitch

 » Gray Man  » est le nom de code de l’agent de la CIA Court Gentry, alias « Sierra Six » (Ryan Gosling). Recruté dans une prison fédérale par son officier traitant, Donald Fitzroy (Billy Bob Thornton) , Gentry était autrefois un redoutable tueur à gages à la solde de la CIA. Mais la situation a radicalement changé : Gentry est désormais la cible de Lloyd Hansen (Chris Evans), ancien comparse de la CIA, totalement déterminé à le traquer à travers le monde pour l’éliminer. L’agent Dani Miranda (Ana de Armas)  le couvre – et il en aura besoin !

Ce qu’on en pense

Le blockbuster de l’été n’est (hélas) plus l’apanage des salles de cinéma: Netflix a désormais le sien. La plateforme a confié un de ses plus gros budgets à date (200 millions de dollars) aux frères Russo (de la maison Marvel/Avengers) pour tourner ce Gray Man qui marque le retour peu attendu de Ryan Gosling dans le rôle du tueur mutique qui a fait sa gloire (voir Drive et mourir). Le scénario n’a pas dû peser lourd dans la facture : on a déjà vu dix mille fois cette histoire d’ancien agent/tueur à gages pourchassé par ses propres employeurs pour récupérer la preuve de leurs sombres magouilles. Par contre, le budget cascades/effets spéciaux doit avoisiner celui de la fourniture d’armes à l’Ukraine. Il fallait bien ça puisque les séquences de poursuites constituent le seul intérêt (très relatif) du film. Celle en tram (et en Audi, placement de produit oblige) dans le centre ville de Prague fera date. Après, vous pouvez vous rendormir : il n’y a plus rien à voir. N’imaginez pas , par exemple,  que parce que les héros se pourchassent dans toute l’Europe,  vous allez pouvoir faire un peu de tourisme: leurs voyages ne sont prétextes qu’à des scènes d’intérieur, invariablement conclues par une explosion ou un gunfight. Le pompon va à l’étape monégasque pour une séance de torture express,  qui se déroule… dans une cave ! On y découvre un Chris Evans tellement moustachu qu’on le croirait échappé d’un biopic de Freddie Mercury. Pour ne pas être en reste, Ryan Gosling s’est laissé pousser la barbe (et les muscles), ce qui ne le rend pas plus expressif. Heureusement,  il y a la merveilleuse Ana de Armas, révélation du dernier James Bond, dont les quelques scènes consolent d’avoir passé plus de deux heures devant cette réalisation désolante, à faire passer n’importe quel film de Michael Bay pour un chef d’oeuvre auteuriste.

La Nuit du 12

Cinéma|

Par Ph.D

Le Pitch

À la PJ,  chaque enquêteur tombe un jour ou l’autre sur un crime qu’il n’arrive pas à résoudre et qui le hante. Pour Yohan  (Bastien Bouillon) c’est le meurtre de Clara. Les interrogatoires se succèdent, les suspects ne manquent pas, et les doutes de Yohan ne cessent de grandir. Une seule chose est certaine, le crime a eu lieu la nuit du 12…

Ce qu’on en pense

Le nouveau film de Dominik Moll (Seules les bêtes, Eden, Lemming, Harry un ami qui vous veut du bien)  suit une équipe de la PJ  de Grenoble chargée d’enquêter sur le meurtre par immolation d’une jeune fille qui rentrait d’une soirée chez une copine. Tous ses anciens copains (et ils s’avèrent nombreux) pourraient être l’assassin mais l’enquête piétine jusqu’à déboucher sur un « cold case » (affaire non résolue). De là à conclure que TOUS les hommes sont responsables de la mort de la malheureuse…  Un scénario de série policière,  mis en scène avec le mélange de tension et de décalage qui est la marque de fabrique de Dominik Moll. Chouette casting (Bouli Lanners et Bastien Bouillon sont épatants), immersion réaliste dans une équipe d’enquête et final qui assume de frustrer le spectateur. On voudrait voir la saison 2, mais ce n’est, hélas,  pas prévu au programme.

Crisis

Cinéma|

Par Ph.D

Le pitch

L’arrestation à la frontière canadienne d’un passeur en possession d’une cargaison d’un puissant anti-douleur opioïde déclenche une série d’évènements incontrôlables entre Déttroit et Montreal. Désormais compromise, l’opération sous couverture d’un agent du FBI (Armie Hammer) se complique encore avec la vendetta d’une ancienne addicte (Evangline Lily). Au même moment, un chercheur (Gary Oldman) découvre qu’un nouveau médicament anti douleur va être mis sur le marché alors qu’il est encore plus addictif que ses prédécesseurs…

Ce qu’on en pense

Le fléau de l’addiction aux médicaments anti-douleurs opioïdes n’en finit plus d’inspirer aux scénaristes films, documentaires et séries. Crisis se situe un peu au confluent des trois, comme si les scénaristes n’avaient pas trop su quoi faire de leur histoire. Ou plutôt de leurs trois histoires : celle du flic infiltré dans un réseau de trafiquants de médicaments (Arnie Hammer, décoratif), celle de la mère d’un gamin impliqué malgré lui dans le trafic (Evangeline Lily, impeccable) et celle d’un chercheur universitaire qui se transforme en lanceur d’alerte (Gary Oldman, coproducteur du film). Avec un casting pareil et autant de personnages principaux,  une mini série en trois épisodes aurait eu l’avantage d’éviter de sacrifier des rôles. Comme celui  de Lily Rose Depp, soeur toxico du flic infiltré qui, dans l’état,  ne sert pas à grand chose. Idem pour celui de la chef de police incarnée par Michelle Rodriguez. Celui du méchant, surnommé Maman,  aurait aussi gagné à être plus développé, comme un certain nombre d’autres. Et on serait volontiers resté plus longtemps dans ces villes du nord de l’Amérique dévastés par la crise que Nicholas Jarecki , réalisateur d’Arbitrage avec Richard Gere et Susan Sarandon,  filme plutôt bien. Crisis mérite d’être vu pour l’ambiance et le casting. 

 

 

Cannes 2022: Le Palmarès

Cinéma|

Par Ph.D

Avec une sélection 2022 atone, sans grande découverte, gros coup de coeur, ni véritable illumination,  le jury de Vincent Lindon a réussi à composer un palmarès qui a déjoué les pronostics sans être aberrant. A la surprise générale, Ruben Ostlund reçoit une deuxième palme d’or, cinq ans après The Square, avec un film assez similaire dans la forme et les intentions.  Après le milieu hyper élitiste de l’art contemporain, le réalisateur suédois s’y attaque aux influences, à la mode et au super riches avec une cruauté assez jubilatoire. Surprise aussi pour les deux prix d’interprétation que personne n’avait vus venir.  En doublant le prix du jury et le Grand Prix et en créant juste pour les Dardenne un Prix du 75e anniversaire, la team Lindon,  qui parait s’être trés bien entendue, a réussi à contenter à peu près tout le monde. On regrette juste l’absence au palmarès de  Nostalgia de Paolo Martone Francesco, de Armaggedon Time de James Gray et de  Leila et ses frères de Saed Roustaee qui arrivaient en tête des pronostics. Voici les gagnants de l’édition 2022 qui se sont vus remettre leur prix au cours d’une cérémonie de cloture trés réussie, retransmise pour la première fois par France 2:

Palme d’or : Sans Filtre  de Ruben Ostlund

Grand Prix  : Close de Luka Dhont et Stars at Noon de Claire Denis

Prix du jury : Les 8 montagnes de Charlotte Van der Meersch et Félix Van Groeningen et Eo de Jerzy Skolimowski

Prix 75e Anniversaire : Tori et Lokita des frères Dardenne

Scénario :  Tarik Saleh pour Boy From Heaven 

Mise en scène  : Decision to Leave de Park Chan-wook

Interprétation masculine : Song King-ho pour Les Bonnes étoiles d’Hirokazu Kore-eda 

Interprétation féminine : Zar Amir Ebrahimi pour Les Nuits de Mashaad 

 

Clean

Cinéma|

Par Ph.D

Le pitch

Clean (Adrien Brody), un homme au lourd passé criminel, vivote en réparant des objets qu’il récupère au cours de sa tournée d’éboueur. Pour racheter ses fautes, il consacre sa vie à Diandra ( Chandler DuPont), une jeune voisine qui lui rappelle sa propre fille décédée. Lorsque la jeune fille est enlevée par un gang, il doit replonger dans le monde de violence avec lequel il croyait avoir définitivement rompu…

Ce qu’on  en pense

Rien de trés original (à commencer par le titre) dans ce revenge movie signé Paul Solet (Bullet Head avec déjà Adrien Brody),  qui mélange des éléments déjà beaucoup vu ailleurs, chez Nicolas Winding Refn (Drive) ou Lynne Ramsey (A Beautiful Day) entre autres. Un ex-criminel, incarné par un Adrien Brody à barbe de hipster et biscottos de héros d’action movie, cherche la rédemption,  mais replonge dans la violence pour affronter un gang de trés méchants trafiquants de drogues . Le film est noir comme sa photographie (certaines scènes ont dû être éclairées à la bougie d’anniversaire), lent et introspectif dans toute sa première partie, hyper violent et sanglant dans la deuxième. Aucun personnage ne s’élève au dessus de l’archétype qu’il représente et tout est inutilement surligné, avec une voix off insupportable. Pour fans hardcore d’Adrien Brody (et de bastons au marteau et à la hachette) uniquement. 

Cannes 2022: Part 6

Cinéma|

Par Philippe Dupuy

Alors que la Croisette commence déjà à se vider et que se dessine un bilan en demi-teinte, on continue de courir les projections pour voir les derniers films en compétition …

Tout le monde croit qu’il a déjà eu la Palme (avec Old Boy) mais non : Park Chan-wook est l’éternel outsider de Cannes. Après un passage à vide, il revient en forme avec un polar romantique d’une virtuosité époustouflante. L’histoire d’un flic amoureux d’une suspecte dont les maris successifs ont la fâcheuse tendance à décéder de mort violente. Scénario et montage alambiqués,  mais quelques-unes des belles séquences de #Cannes2022. Contrairement à la suggestion du titre, on a pris la décision de rester jusqu’à la fin et on a bien fait.

Il a fallu attendre les derniers jours pour avoir un vrai coup de coeur. Le nouveau Kore-eda, Les Bonnes étoiles, n’est sans doute pas son meilleur film,  mais on a envie de l’aimer sans condition malgré ses défauts (mignonnisme, fin discutable). Qui d’autre que le cinéaste japonais, expatrié en Corée le temps du film,  pourrait nous faire aimer une mère indigne et des trafiquants d’enfants ? Même les fliquettes qui leur courrent après finissent par être  sympas !  Malgré l’option « feelgood » engagée à fond, on se passionne jusqu’au bout pour la cavale de cette drôle de famille recomposée dans un van hors d’âge dont on aime tous les membres, y compris le gros bébé aux sourcils problématiques. La famille c’est,  décidément,  la grande « affaire » de Kore-eda…

Souvenez vous des critiques dythirambiques que vous aurez lu dans la presse française lorsque vous irez voir Pacification (Tourment sur les îles) au cinéma. C’est le nanar de l’année ! Voire de la décennie. Pendant près de 3 heures,  Benoit Magimel promène son ennui et son air dégouté, en costume crème de haut commissaire, sur une ile du Pacifique et débite des dialogues improvisés dans des scènes de télénovella. Toute l’intrigue tient dans une rumeur : celle de la reprise des essais nucléaires. On se demande pourquoi le réalisateur espagnol s’est limité à 2h45 ?  Une projection de 6 ou 8 heures auraient été un vrai défi. Là,  ça joue petit bras.

Avec Tori et Lokita, les frères Dardenne s’attaquent à l’immigration clandestine avec pour héros deux jeunes immigrés africains qui tentent de s’insérer en Belgique.Afin d’ envoyer de l’argent à leur famille et de payer leur passeur, ils livrent de la drogue pour un dealer. Ca finit mal, évidemment. Rien de nouveau dans le cinéma des Dardenne qui faiblit d’année en année.

On restera quand même sur un bon souvenir : celui de Nostalgia, le nouveau film de Mario Martone, qui raconte l’impossible retour à Naples d’un homme (Pierfransco Favino) qui a fuit la ville 40 ans plus tôt et revient y enterrer sa mère. Une immersion magnifiquement filmée dans une des villes les plus fascinantes du sud de l’Europe,  pour un film puissant et  émouvant. Un de nos préférés de Cannes 2022.

 

Cannes 2022: Part 5

Cinéma|

Par Philippe Dupuy

Dans la dernière ligne droite, les projections s’emballent et on doit se résoudre à l’évidence : on ne pourra pas tout voir…

Avec Kurt Cobain: montage of heck, l’Américain Brett Morgen a inauguré en 2015 la vogue des biopics de rockstars faits à partir de montage d’images d’archives. Il récidive avec Moonage Daydream, consacré à David Bowie mais avec, cette fois, l’ambition d’en faire un spectacle total pour les salles Imax. Deux heures de sons et lumières, où s’entrechoquent des images souvent inédites provenant de sources trés différentes (concerts, clips, theatre, films, actualités, interviews…) et les chansons de Bowie remixées pour le cinéma. Les images sont mélangées sans souci de chronologie, ni de provenance et le film s’organise autour de thématiques propres à l’oeuvre Bowienne (La science fiction, la bisexualité, les travestissements, le star system, Berlin, l’art contemporain…) avec pour seule voix off celle de Bowie en interview. La  B.O respecte, par contre,  une certaine logique pour remonter la carrière du Thin White Duke, de Ziggy Stardust à son dernier album Black Star. On en sort avec le tournis et les oreilles en feu,  mais aussi une furieuse envie de réécouter tout Bowie.

Crimes of the Future, le trés attendu film de David Cronenberg, pourrait-il s’imposer moins d’un an après la Palme d’or accordée à Titane ? On en doute un peu, vue la composition du jury 2022. Ce ne serait, pourtant, pas illogique : Julia Ducourneau a tout piqué à Cronenberg et ce film représente en quelque sorte la quintessence du cinéma du réalisateur de Crash, au sommet de sa maitrise formelle et de ses obsessions pour la chair et la technologie. Mais, comme pour Titane,  il faut être client de ce genre de cinéma pour apprécier. A vous de voir puisque le film est déjà en salles. 

Après le thriller policier et judiciaire (La Loi de Téhéran),  l’Iranien Saeed Roustaee s’attaque au film social et familial,  avec Leila et ses frères. L’histoire d’une famille iranienne qui tente de se sortir de sa misérable condition. Le moteur de cette tentative est la seule fille de la famille, Leila (Taranee Alisdousti, vue chez Ashgar Farhadi) qui est, aussi, la seule à travailler. Elle pousse ses frères à lancer leur propre business en achetant une boutique. Mais pour cela,  il leur faut convaincre leur père d’investir dans l’affaire les pièces d’or qu’il réservait au mariage du fils d’un cousin éloigné. Entre la possibilité de se faire mousser et celle d’aider ses enfants à se sortir du pétrin, le patriarche ne fera, évidemment, pas le bon choix…  Malgré une durée un tantinet rédhibitoire (2h45), on ne s’ennuie pas une seconde dans cette tragicomédie superbement mise en scène et interprêtée, qui s’impose d’emblée comme favori pour le palmarès.  

 

Cannes 2022: Part 4

Cinéma|

Par Philippe Dupuy

Dans la dernière ligne droite, les projections s’emballent et on doit se résoudre à l’évidence : on ne pourra pas tout voir…

Après Bac Nord, choc de l’édition de juillet, Cédric Jimenez est de retour avec son film sur les attentats du 13 novembre. Enfin, plutôt sur les suites des attentats puisque ceux ci sont laissés rigoureusement hors champ au profit de la traque des terroristes survivants dans les jours qui ont suivi. C’est Jean Dujardin qui commande. Pas forcément la meilleure idée de casting…  Sandrine Kiberlain est sa supérieure mais n’a pas grand chose à jouer. C’est Anaïs Demoustier qui tire son épingle du jeu en enquêtrice gaffeuse. Et surtout Lyna Khoudry, la révélation de Papicha, dans le rôle de la jeune beur qui a dénoncé les terroristes. Car, Jimenez a beau empiler les clichés du film d’espionnage anti terroriste et faire de la cellule que dirige Dujardin l’annexe de la CIA dans Jason Bourne,   sans ce renseignement miraculeux les tueurs auraient sans doute réussi à passer entre les mailles du filet. On se demande donc pourquoi le réalisateur a choisi le point de vue des flics plutôt que celui de la jeune femme ? D’autant que le film nous apprend qu’elle a dû se battre pour obtenir la couverture qui lui avait été promise et sans laquelle elles n’aurait certainement pas survécu à la vengeance des jihadistes. Il y avait là matière à un film autrement plus intéressant…

Avec Les Amandiers , Valeria Bruni Tedeschi revient sur ses années de formation au théâtre du même nom, dirigé par le charismatique Patrice Chereau. La réalisation est brillante et le casting de jeunes comédiens est top. Louis Garrel joue un Patrice Chereau habité et dictatorial. Nadia Tereszkiewicz est le double de l’auteure dans ses vingt ans. Tout le monde couche avec tout le monde, les filles envoient valser leurs chaussures et leur culotte à la moindre occasion, les gars fument et se cament avec l’air sombre et fievreux. On improvise des scènes hystériques. Le Sida rode… On aurait voulu se laisser emporter par la passion qui anime tout ce joli petit monde,  mais on est resté totalement extérieur à l’affaire. Ces théâtreux donnent envie de les laisser théâtrer entre eux.

Nos Frangins de Rachid Bouchareb revient sur l’affaire Malik Oussekine quelques jours après la sortie, sur Disney +,  d’une remarquable série qui lui est également consacrée. La comparaison se fera, hélas, au détriment du film dans lequel Bouchareb fait une fixette sur la conversion au catholicisme envisagée par Malik (pour mieux s’intégrer) et mélange beaucoup de choses, à commencer par la chronologie, pour un résultat assez peu convainquant. L’intéret du film est de mettre en parallèle la mort de l’étudiant tabassé par les voltigeurs de la police et celle, la même nuit d’Abdel Benyahia sous les balles d’un policier ivre. Celle-ci avait été quelque peu occultée par celle-là. Et pour cause : la police a  retenu l’information sur la mort d’Abdel pendant 48 heures, y compris auprès de ses parents ! Le film lui rend donc justice et c’est trés bien. Pour Oussékine on conseillera plutôt de voir la série du même nom.

Palmé en 2007 pour 4 mois, 3 semaines, 2 jours, le roumain Cristian Mungiu brigue une deuxième Palme d’or avec son nouveau film R.M.N : l’histoire d’un village perdu à la frontière de la Roumanie et de la Hongrie dont le principal employeur , une boulangerie industrielle,  doit recruter des travailleurs sri lankais  pour pallier au manque de main d’oeuvre local. Les jeunes du pays préfèrent, en effet, partir travailler en Allemagne où les salaires sont plus élevés. Pourtant,  ceux qui restent voient d’un très mauvais oeil l’arrivée d’immigrés qu’ils accusent de tous les maux. La situation s’envenime et Csilla (Judith State), la jeune contremaitre de l’usine, ne peut rien faire pour empêcher l’expulsion de ses nouvelles recrues. Une bonne illustration des méfaits de la mondialisation et du racisme mais qui traine un peu en longueur. On a connu Mungiu plus tranchant.

 

Cannes 2022: Part 3

Cinéma|

Par Philippe Dupuy

Comme l’an dernier, on a fini par fuir la Croisette surpeuplée pour assister aux séances décalées du Cinéum de La Bocca. On y voit les films avec un peu de retard sur l’agenda officiel,  mais avec la multiplication des séances qui éparpillent la critique façon puzzle aux quatre coins de Cannes,  plus personne, à part peut-être le jury, ne se soucie de savoir quel film est en compétition, ni quand. Et question accueil et confort, il n’y a pas photo…

On y a vu La Nuit du 12, le nouveau film de Dominik Moll (Seules les bêtes, Eden, Lemming, Harry un ami qui vous veut du bien) qui suit une équipe de la PJ  de Grenoble chargée d’enquêter sur le meurtre par immolation d’une jeune fille qui rentrait d’une soirée chez une copine. Tous ses anciens copains (et ils s’avèrent nombreux) pourraient être l’assassin et pourtant l’enquête piétine. De là à conclure que TOUS les hommes sont responsables de la mort de la malheureuse…  Un scénario de série policière mis en scène avec le mélange de tension et de décalage qui est la marque de fabrique de Dominik Moll. Chouette casting (Bouli Lanners entre autres), immersion réaliste dans une équipe d’enquête et final qui assume de frustrer le spectateur. On voudrait la saison 2, mais ce n’est pas prévu au programme. 

Avec 3000 ans à t’attendre, George-Mad Max– Miller renoue avec la veine « féérique » qui ne lui avait pas mal réussi au temps de Babe le cochon dans la ville (1998). Soit l’histoire d’une prof émérite (Tilda Swinton) qui,  lors d’un séjour en Turquie, libère un bon génie (Idris Elba) du flacon où un sort le retenait depuis des siècles et se voit proposer 3 voeux à exaucer. Mais elle est parfaitement heureuse et ne désire rien. En plus, le génie n’a pas vraiment eu la main heureuse avec ses précédents maîtres. Il lui faut pourtant la décider à demander ses faveurs s’il veut retrouver sa liberté… Elle va le prendre au mot. Sympa mais long et terriblement bavard, avec des effets speciaux envahissants. Dans le genre, on se demande si on n’a pas préféré Le Prince oublié de Michel Hazanavicius avec Omar Sy...

Palmé pour The Square, critique acerbe du monde de l’art contemporain, Ruben Ostlund tente la passe de deux avec Sans Filtre. Il s’y attaque, avec une férocité jouissive,  aux super riches et aux influenceurs,  via  une suite de sketches d’inégal intérêt. Le film culmine avec une longue séquence de dîner de gala qui tourne à la catastrophe. Comme celui de The Square mais, cette fois, ça se passe sur un yacht de croisière en pleine tempête. Estomacs sensibles s’abstenir ! La suite se déroule sur l’île où ont échoué les rescapés du naufrage et ne vaut pas tripette. La parabole est trop appuyée et la critique tombe un peu à plat dans le festin cannois,  où les influenceurs et les réseaux numériques ont désormais table ouverte.

Après le décevant Mandibules, Quentin Dupieux joue à fond la nostalgie télévisuelle avec Fumer fait tousser,  dans lequel une équipe de super héros en costumes Bioman  (Adèle Exarchopoulos, Gilles Lellouche, Vincent Lacoste, Anaïs Demoustier, Oulaya Amamra)  part en séminaire dans la forêt à la demande de leur mentor, Chef Didier (un clone raté de Alf, doublé par Alain Chabat ), qui trouve qu’ils doivent renforcer leur cohésion interne. Le séjour vire au concours d’histoires horrifiques et surréalistes (la plus drôle met en scène Blanche Gardin) . Jusqu’à ce que le maléfique Lézardin (Benoît Poelvoorde) décide d’anéantir la planète… Du Quentin Dupieux bien bien barré, comme on l’aime. Ou pas !

 

Cannes 2022: Part 2

Cinéma|

Par Philippe Dupuy

Premier film en compétition, La Femme de Tchaïkovski, du Russe (dissident) Kirill Sebrennikov est l’histoire d’un amour fou mais à sens unique. Apparemment, le compositeur préférait les garçons… Après le foutraque La Fièvre de Petrov, Serebrennikov change totalement de manière et signe grand film Russe à la mise en scène impressionnante et à la photo magnifique, mais guetté par la boursouflure (2h23 au compteur). Heureusement,  il y a une actrice formidable : Alyona Mikhailova. Retenez ce nom, on en reparlera sans doute pour le Prix d’interprétation. Sinon, il paraît que Tom Cruise était là pour un petit film d’avion mais on ne l’a pas vu.

Premier (gros) coup de coeur pour le nouveau James Gray, Armaggedon Time, qui raconte une enfance (celle du réalisateur ?) dans le Queens à New York au début des années 80. Banks Repeta, le  jeune acteur qui incarne héros du film est tout simplement formidable. Et la délicieuse Anne Hathaway joue sa mère dans une reconstitution des 80’s aux petits oignons. Le titre est emprunté à Clash,  mais on entend surtout Grand Master Flash dans la BO. Un James Gray tout en nuances qui touche au coeur.  Le film n’a encore ni date de sortie,  ni bande annonce.

Si la montagne, ça vous gagne, il faudra aller voir le film italien Le Otto Montagne : une histoire d’amitié au long cours dans les alpages italiens. La photo est trés jolie. Par contre, attention : le film est long comme un trekking au Nepal en tongs (2h30).

Toujours en compétition,  le film égyptien de Tarik Saleh, qui nous avait bluffé en 2017 avec Le Caire Confidentiel, déçoit : un mix du Nom de la Rose et d’Un Prophète, sans le charme de l’un,  ni la puissance de l’autre. On attendait mieux de cette immersion dans la plus grande université coranique du monde, que ce polar politico-religieux sans souffle. Ca dure deux plombes et Allah fin, ça lasse…

 

Pilote

Cinéma|

Par Ph.D

Le Pitch

Après plusieurs mois de traque, l’armée française au Mali a retrouvé la trace d’une cellule djihadiste locale. Daniel (Hugo Becker) et ses hommes couvrent les troupes au sol et veillent à ce que l’opération se déroule sans problème. Mais au même moment, la famille de Daniel est prise en otage à leur hôtel par des terroristes. Ces derniers veulent obliger Daniel à faire capoter la mission en échange desa famille. S’il ne se retourne pas contre ses propres hommes, sa femme et sa fille se feront tuer. Daniel va tout faire pour sauver sa famille et va donc se retrouver devant des choix cornéliens, aux conséquences très lourdes…

Ce qu’on en pense

Comme tous les « concept films« , Pilote repose entièrement sur son dispositif de mise en scène : toute l’action est suivie à partir des écrans partagés des quatre personnages principaux. Logique,  puisqu’il s’agit de décrire de l’intérieur le fonctionnement d’une cellule militaire de pilotage de drones. De ce point de vue le film de Paul Doucet est une réussite: c’est probablement la première fois que le cinéma filme la guerre 3.0 : celle qui se fait à des milliers de kilomètres de distance par le biais d’écrans de contrôle. On est moins enthousiaste sur l’intrigue, qui fait intervenir une prise d’otage sur le lieu de vacances de la femme et de la fille du responsable de la cellule drones pour l’obliger à faire échouer la mission et à retourner les drones contre son propre camp. Pas très crédible. Mais la réalisation a le bon goût de ne pas chercher le happy end à tout prix et d’expédier l’affaire en moins d’une heure trente. Du coup, on n’a pas le temps de s’ennuyer ni de pinailler.