En Corps
Par J.V
Le pitch
Elise (Marion Barbeau), 26 ans est une grande danseuse classique. Elle se blesse pendant un spectacle et apprend qu’elle ne pourra plus danser. Dès lors sa vie va être bouleversée. Entre Paris et la Bretagne, au gré des rencontres et des expériences, des déceptions et des espoirs, Elise va se rapprocher d’une compagnie de danse contemporaine. Cette nouvelle façon de danser va lui permettre de retrouver un nouvel élan et aussi une nouvelle façon de vivre…
Ce qu’on en pense
Un film de danse signé Cédric Klapisch : on prend ! Après une séquence d’introduction virtuose, la réalisation alterne chorégraphies et de scène de comédie dans lesquelles interviennent de beaux seconds rôles ( Muriel Robin, Pio Marmaï , François Civil…). L’intérêt faiblit un peu à mi-parcours et on regrette que le cinéaste ne prenne pas plus de risques dans le traitement visuel. Mais dans l’ensemble la proposition séduit et on passe un bon moment.
The Velvet Underground
Par Ph.D
Sélectionné à Cannes 2021, où les festivaliers ont pu le voir sur écran géant et en son dolby (la chance !), le documentaire de Todd Haynes sur le Velvet Underground produit par Apple est logiquement diffusé sur Apple TV+. Il faudra donc s’abonner à la plateforme pour pouvoir le voir. Cela vaut la peine, même pour un mois, d’autant que le premier essai est offert. Le réalisateur d’I’m Not There , fantastique faux biopic de Bob Dylan, a monté des millions d’images et d’archives sonores du Velvet. On ignorait qu’il en existat un si grand nombre ! Elles racontent, chronologiquement, l’histoire du groupe qui, grâce à l’intiuition géniale d’Andy Warhol et aux chansons de Lou Reed, fit entrer l’art contemporain dans le rock (et vice versa) . Les deux membres survivants, John Cale et Maureen Tucker, interviennent longuement face caméra, de même que l’hurluberlu Jonathan Richman, fan de la première ( et de la dernière) heure, qui se souvient avoir vu au moins 70 concerts du Velvet. Le film se termine, étrangement, sur le show case que Nico, Lou Reed et John Cale donnèrent au Bataclan en 1972, sans les autres membres du groupe. Ce document est toujours disponible sur le site de l’Ina.
Don’t Look Up
Par Ph.D
Le pitch
Deux astronomes du Michigan (Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence) découvrent qu’une comète « tueuse de planètes » fonce vers la terre et qu’il ne reste que 6 mois avant la collision. Mais leurs tentatives pour mobiliser le gouvernement et les médias vont rester vaines…
Ce qu’on en pense
Qui aurait dit, il y a encore trois ans, qu’une production Netflix parviendrait à mobiliser un tel casting ? Leonardo DiCaprio, Jennifer Lawrence, Meryl Streep, Cate Blanchett, Timothée Chalamet, Ron Perlman , Ariana Grande, Jonah Hill, Tyler Perry, Kid Kudi et même notre Tomer Sisley national sont à l’affiche du nouveau film d’Andy MacKay (Very Bad Cops, Vice, The Big Short). Et pas pour des caméos. Chacun tient un vrai rôle dans cette comédie satirique délirante et géniale, qui dénonce la folie du monde contemporain où politiques et médias ne songent qu’à maintenir leur pouvoir en abrutissant les masses. Confrontés à un péril mortel et imminent (ici un astéroïde de 10 kilomètres de diamètre, mais ce pourrait être un virus mortel ou le réchauffement climatique), la présidente des Etats-Unis (Meryl Streep), son conseiller de fils (Jonah Hill) et le patron milliardaire d’une énorme société technologique (Mark Rylance) vont tout faire pour détourner l’attention du public, puis essayer de tirer profit de la situation, au lieu de prendre les décisions qui s’imposent. Les lanceurs d’alerte joués par Leonardo DiCaprio et Jennifer Lawrence seront achetés ou ridiculisés via les réseaux sociaux. Des complotistes (parmi lesquels Timothée Chalamet) nieront l’existence de la menace jusqu’à ce qu’elle soit visible à l’oeil nu et qu’il n’y ait plus qu’une chose à faire : ne pas regarder (Don’t look up). Même les stars mobilisées pour alerter l’opinion (Ariana Grande) seront plus soucieuses de leur image que du péril… Hilarante et effrayante à la fois, la fable apocalyptique d’Andy McKay vise juste et frappe fort. Don’t Look Up : déni cosmique est un des meilleurs films de l’année. Un de plus que l’on ne verra pas en salles, hélas.
Un Héros
Par Ph.D
Le pitch
Rahim (Amir Jadidi) est en prison à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…
Notre avis
Récompensé d’un Prix du jury ex aequo à Cannes, le nouveau film d’Asghar Farhadi marque son retour en Iran après la parenthèse americano- espagnole d’Everybody Knows (également présenté à Cannes). C’est une nouvelle fable morale et judiciaire comme il les affectionne, avec une composante très contemporaine : les effets et méfaits de la médiatisation. D’abord porté au pinacle pour son honnêteté, son héros va connaître une véritable descente en flammes à cause d’un mensonge anodin. Manière de renvoyer dos à dos les contradictions d’une société basée sur la tradition et celles du modernisme. Un scénario malin qui aurait mérité une réalisation moins plan-plan.
The French Dispatch
Par Philippe DUPUY
Le pitch
A la mort de leur révéré rédacteur en chef (Bill Murray), les journalistes de The French Dispatch, journal américain installé en France (à Ennui sur Blazé), décident de publier un numéro spécial avec les articles qui ont fait la légende du journal…
Ce qu’on en pense
Trés attendu avec son casting de ouf (Timothée Chalamet, Lea Seydoux, Bill Murray, Adrian Brody, Elisabeth Moss, Christoph Waltz, Owen Wilson, Tilda Swinton.…), le nouveau Wes Anderson (The Grand Budapest Hotel, Moonrise Kingdom, A Bord du Darjeeling Limited, La Vie Aquatique…) aura été l’évènement du Festival de Cannes 2021… Avant de repartir bredouille et de devenir LE grand oublié de l’édition. Inracontable, inclassable, visuellement époustouflant… The French Dispatch est du Wes Anderson à la puissance dix. A travers l’histoire d’un journal américain fait par des correspondants installé en France (Le fameux French Dispatch, inspiré du New Yorker), le film confronte avec une ironie grinçante les cultures françaises et américaines de l’après guerre au fil d’une série de sketches illustrant les diverses rubriques du journal (politique, gastronomie, culture…). Ca va tellement vite et c’est tellement brillant et barré qu’on a presque tout oublié à la fin. Ne restent que des images acidulées, cadrées comme une BD avec toute une partie en dessin animé. Les fans du réalisateur américain iront revoir et re-revoir le film pour saisir toutes les références (au cinéma français d’après guerre, notamment, dont le réalisateur est visiblement friand). Les autres risquent fort, hélas, de décrocher avant la fin.
Kate
Par Ph.D
Le pitch
Minutieuse et prodigieusement douée, Kate (Mary Elisabeth Winstead) est l’exemple même de la machine à tuer parfaitement rodée et au sommet de son art. Mais voilà qu’un jour elle échoue à éliminer sa cible, un yakuza à Tokyo. Elle découvre alors qu’elle a été empoisonnée et va subir une exécution par mort lente qui lui laisse moins de 24 heures pour se venger de ses assassins avec l’aide inattendue d’Ani (Miku Patricia Martineau), la fille de l’une de ses anciennes victimes.
Ce qu’on en pense
Une série B franco -americano-japonaise dans laquelle Mary Elisabeth Winstead (Die Hard, Birds of Prey) joue une Nikita américaine, formée dès son plus jeune âge par un ponte des services secrets (Woody Harrelson) pour devenir une machine à tuer. La réalisation élégante et fluide du Français Cedric Nicolas-Troyan offre de belles séquences de baston et quelques gunfights danthologie. Mary Elisabeth Winstead s’en donne à coeur joie, avec un look à la Sigourney Weaver qui pourrait lui valoir une place dans la franchise Alien (ou tout autre film où on dégomme des monstres). Sa camarade de jeu, la franco-japonaise Miku Patricia Martineau, joue les ados toxiques avec beaucoup de naturel également. Comme d’habitude, c’est trop long d’une demi-heure, mais on passe un bon moment.
Jolt
Par Ph.D
Le pitch
Lindy (Kate Beckinsale) porte depuis son plus jeune âge un douloureux secret. En raison d’un trouble neurologique rare, elle éprouve des pulsions de rage et de meurtre incontrolables qui la rendent redoutable dès qu’elle s’énerve. Incapable de trouver l’amour et sa place dans ce monde, elle finit par rencontrer un homme (Jay Courtney) dont elle tombe immédiatement amoureuse et qui semble capable de calmer ses pulsions. Il est hélas assassiné. Le cœur brisé et dans une colère noire, elle se donne pour mission de venger le meurtre de cet homme tout en étant poursuivie par la police en tant que principale suspecte du crime…
Ce qu’on en pense
Une série B d’action girlie dans la lignée d’Atomic Blonde, portée par Kate Beckinsale (Aviator, Pearl Harbor, Underworld… ) dans un rôle musclé et plein de second degré. Réalisé par une femme, Tanya Wexler, le film, dont le titre français pourrait être Survoltée, est à découvrir en streaming sur la plateforme Amazon Prime Video, où il aurait très bien pu être décliné en série, façon Killing Eve. Rien de transcendant, mais un excellent casting (Stanley Tucci et Susan Sarandon font des apparitions), un humour décapant, des scènes de castagne assez jouissives dans lesquelles Kate Beckinsale démolit des malabars à la pelle et une intrigue romantico policière amusante. De quoi passer un excellent moment sans quitter son canapé. Joie !
Le Dernier mercenaire
Le pitch
Richard Brumère dit « La brume » (Jean-Claude Van Damme), une véritable légende des services secrets, disparu depuis des années, est de retour en France. L’immunité qu’il avait négociée il y a vingt-cinq ans pour son fils caché, Archibald (Samir Decazza), vient d’être levée par erreur par un haut fonctionnaire maladroit (Alban Ivanov). Pour le sauver d’une opération mafieuse, dont il est innocent mais qui pourrait lui coûter la vie, La Brume va devoir réactiver ses contacts un peu vieillissants, faire équipe avec une bande de jeunes plus ou moins téméraires, affronter un bureaucrate zélé, gérer les rapports père-fils nouveaux pour lui, mais surtout trouver le courage de révéler à Archibald qu’il est son père...
Ce qu’on en pense
Bonne surprise estivale que cette parodie de film d’espionnage dans laquelle Jean-Claude Van Damme joue avec son image au prix de folles audaces capillaires . La star bodybuildée belge a rarement aussi bien joué et s’avère aussi à l’aise dans la comédie que dans la baston. Mais Van Damme n’est pas le seul attrait du film de David Charhon (Cyprien, De l’autre côté du périph’) : le casting qui mixe talents confirmés (dont Miou Miou, Patrick Timsit, Eric Judor, Alban Ivanov) et jeunes espoirs (Djimo, Samir Decazza, Nassim Lyes, Assa Sylla) s’en donne à cœur joie, avec d’excellents dialogues et des scènes comiques aussi efficaces que celles d’action. La prestation d’Alban Ivanov en haut fonctionnaire ahuri, mérite autant le détour que celle de JCVD. Bonne pioche pour Netflix !
Cannes 2021: Palme Gore
Par Ph.D
Etonnez-nous ! titrions nous à l’ouverture du 74e Festival de Cannes. On n’a pas été déçus. Non que la sélection se soit avérée particulièrement surprenante, avec peu de propositions vraiment originales. Ni que l’organisation du festival en juillet plutôt qu’en mai ait vraiment changé la donne : il a même plu, une journée pour que la tradition soit respectée… Décerné à l’issue d’une cérémonie proprement bordélique (« Tout est chaos » comme dirait la jurée fantôme Mylène Farmer), le Palmarès, par contre, a de quoi interroger avec cette Palme d’or accordée à Titane, un film d’horreur clipesque et grand-guignolesque pour multiplexes. Raccord avec l’avant première européenne de Fast & Furious 9 accueillie en sélection officielle, au cinéma de la plage. Un changement d’ère pour le Festival. Finis les grands films d’auteurs intellos, engagés et sociaux, place au pur divertissement. Ce n’est, certes, pas ce que dit le reste du palmarès, qui colle peu ou prou aux notations des critiques. Tous les favoris ont été récompensés même si pas où on les attendait et à grand renfort d’ex aequos. Prix de la mise en scène à Léos Carax qui méritait la Palme avec Annette, Prix du scénario à Ryusuke Hamagushi pour son adaptation de Murakami (Drive My Car) surtout remarquable par sa mise en scène (et sa longueur !). Prix du jury ex aequo à Mémoria d’Apîchatpong Weerasethakul et au Genou d’Ahed de Nadav Lapid, deux grands films formalistes qui auraient pu faire un Grand Prix, Grand Prix ex-aequo à Asghar Farhadi (Un Héros) et Juho Kuosmanen (Compartiment 6) deux films aussi dissemblables que possible. Prix d’interprétation, à Renate Reinsve pour Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier et Caleb Landry Jones pour Nitram de Justin Kurzel (on aurait préféré Simon Rex pour Red Rocket)… N’empêche cette Palme gore, française et féminine (la 2e de l’histoire du Festival), après une année blanche pour cause de Covid, marque un tournant pour un festival qui se dépouille progressivement de tout ce qui faisait sa substance et son aura de « plus grand festival de cinéma du monde« , pour mieux coller à une époque qui préfère sans doute le choc des photos (Titane ressemble à un film de chef op’) au poids des mots, et la forme au fond. On était, apparemment, les seuls à rêver de voir le jury de Spike Lee décerner sa palme au film « Maroc ‘n’ Rap » de Nabil Ayouch Haut et fort, qui porte un message anti intégriste et pro féminin nettement plus lisible que celui de Julia Ducournau appelant à « Repousser la normativité qui nous enferme et nous sépare, pour un monde plus inclusif et plus fluide« …
La Grande traversée
Par Ph.D
Le Pitch
Ecrivaine américaine à succès et lauréate du prix Pulitzer, Alice Hughes (Meryl Streep), en panne d’inspiration, entreprend un voyage à bord du Queen Mary 2, vers l’Angleterre où elle doit recevoir un prix littéraire. Elle est accompagnée de son agent (Gemma Chan), de deux amies qu’elle n’a pas vues depuis trente ans (Candice Bergen, Dianne Wiest), et de son neveu Tyler (Lucas Hedge). La traversée s’annonce tumultueuse...
Ce qu’on en pense
Tourné en deux semaines sur un paquebot de croisière, en équipe légère, avec les passagers et le personnel comme figurants, le 35e (35 e ! ) film du prolifique Steven Soderbergh débarque directement sur MyCanal et c’est un vrai cadeau pour les abonnés de la plateforme. Avec la vista qui le caractérise, le réalisateur de Sexe, Mensonges et vidéo et de la saga Ocean’s, trousse ce vrai faux huis clos à la Agatha Christie dans lequel il n’y a pas forcément de cadavre (quoique ?), mais où le mystère rode tout de même dans les coursives. L’enquête tourne autour de la création littéraire, du vieillissement, de la jalousie, de l’amitié et de l’amour. C’est brillant, drôle, émouvant, remarquablement joué (Meryl Streep!) et si enlevé que ça a l’air d’avoir été tourné en sirotant un Martini dry. La marque du génie, même pour un film mineur.
Horizon Line
Par Ph.D
Le Pitch
Anciens amants, Sara (Allison Williams) et Jackson (Alexander Dreymon) sont invités sur l’île tropicale de Rodrigues pour le mariage d’une de leurs amies. Ils se retrouvent seuls passagers d’un avion monomoteur survolant les eaux bleues de l’océan indien. Quand le pilote décède d’une crise cardiaque, le couple va devoir se débrouiller pour rallier l’île et y atterrir…
Ce qu’on en pense
Entre comédie romantique et survival, ce petit film signé Mikael Marcimain nous entraîne au dessus de l’océan Indien entre l’île Maurice et celle de Rodrigues, où deux ex-futurs tourtereaux à fort potentiel érotique (Allison Williams vue dans Get Out et Alexander Dreymon héros sexy de The Last Kingdom) vont devoir remplacer au débotté le pilote de leur avion victime d’une crise cardiaque. Le réalisme n’étant pas le souci principal de cette sympathique production, on s’amuse bien à les voir ramper sur la carlingue en plein vol pour remplir le réservoir d’essence avec du rhum. Rythmé, amusant, ensoleillé et court (1h32), le film se laisse voir d’autant plus gentiment qu’on sait d’avance que plus leur situation aura l’air désespérée, plus les deux héros auront de chances de s’en sortir vivants.
Malcolm & Marie
Par Ph.D
Le Pitch
Après la projection en avant-première de son dernier film, un cinéaste (John David Washington) rentre chez lui avec sa petite amie (Zendaya). Alors qu’il est certain que son film rencontrera un succès critique et commercial, la soirée prend une tournure inattendue : les deux amoureux doivent affronter certaines vérités sur leur couple qui mettent à l’épreuve la force de leurs sentiments…
Ce qu’on en pense
Devenu en deux films (Another Happy Day, Assassination Nation) et une série (Euphoria) un des grands espoirs du cinéma américain, Sam Levinson a profité de l’interruption du tournage d’Euphoria à cause du Covid pour rameuter son actrice vedette (la filiforme et bombissime Zendaya) et le trés sexy John David Washington pour mettre en boite, vite fait bien fait, ce drame conjugal en noir et blanc qu’on pourrait croire adapté d’une pièce de théâtre. Se jouant avec maestria du huis clos à deux personnages, grâce à une mise en scène de haute volée, Levinson nous embarque dans une scène de ménage d’1h47 qui vaut son pesant de vaisselle cassée (en fait non: tout est verbal). Malcolm a oublié de remercier Marie pour sa contribution au scénario du film qu’elle a largement inspiré et qu’il vient de présenter avec succès en avant première. Grave erreur : Marie n’est pas de celle qui s’écrasent ou qu’on peut écraser de sa superbe ou de son génie, réel ou supposé. Elle va le lui faire savoir au cours de longues joutes verbales filmées avec virtuosité, dans une villa d’architecte entièrement vitrée et ouverte sur un jardin, ce qui permet à la caméra de glisser constamment de l’extérieur à l’intérieur. Pour l’anecdote, Sam Levinson avait fait la même erreur que son héros lors de la première d’Assassination Nation. La dispute conjugale qui s’en est suivi a inspiré le film. Merci madame Levinson !
Pieces of a Woman
Par Philippe DUPUY
Le Pitch
A Boston, Martha (Vanessa Kirby) et Sean Carson (Shia LaBeouf) s’apprêtent à devenir parents. Mais la vie du couple est bouleversée lorsque la jeune femme accouche chez elle et perd son bébé, malgré l’assistance d’une sage-femme (Moly Parker), bientôt poursuivie pour acte de négligence. Martha doit alors apprendre à faire son deuil, tout en subissant une mère intrusive (Ellen Burstyn) et un mari de plus en plus irritable. Mais il lui faut aussi assister au procès de la sage-femme, dont la réputation est désormais détruite.
Ce qu’on en pense
Comme on finit l’année, on la commence: avec un grand film Netflix. Après David Fincher et Mank (Numéro 1 de notre top films 2020), la plateforme enfonce le clou avec Pieces of a Woman du Hongrois préféré de Cannes, Kornel Mundruczo. Découvert en 2014 avec White Dog, Mundruczo avait divisé la critique en 2017 avec La Lune de Jupiter, polar mystique et fantastique qui faisait d’un jeune migrant un super héros christique. Il devrait à nouveau faire l’unanimité avec Pieces of a Woman, superbe portrait de femme en forme de mélodrame qui suit la reconstruction d’une jeune mère après la perte de son premier enfant à l’accouchement. Réalisation virtuose (le plan séquence d’accouchement restera dans les annales) et intimiste à la fois, direction d’acteur au top, casting parfait (Vanessa Kirby découverte en sœur de la reine dans The Crown a reçu le prix d’interprétation à Venise pour son rôle de mère éplorée, Shia LaBeouf est trés bien aussi dans celui du mari), scénario impeccable : le film coche toutes les bonnes cases. Pour sa première réalisation hors de son pays, Kornel Mundruczo signe une oeuvre bouleversante, dont l’atmosphère enneigée et la localisation dans le Massachussets pourront rappeler à ceux qui l’ont vu le très beau Manchester By the Sea de Kenneth Lonergan, autre grand film sur le travail de deuil…
A Ghost Story
Par Philippe DUPUY
Le Pitch
Apparaissant sous un drap blanc, le fantôme d’un homme (Casey Affleck) rend visite à sa femme (Rooney Mara) en deuil dans la maison de banlieue qu’ils partageaient encore récemment.Dans ce nouvel état spectral, le temps n’a plus d’emprise sur lui. Condamné à ne plus être que simple spectateur de la vie qui fut la sienne, le fantôme se laisse entraîner dans un voyage à travers le temps et la mémoire. En proie aux ineffables questionnements de l’existence et à son incommensurabilité…
Ce qu’on en pense
Les blockbusters et les disputes conjugales ont parfois du bon. La preuve avec A Ghost Story, que David Lowery raconte avoir tourné pour prouver à son épouse – qui lui reprochait d’avoir vendu son âme à Hollywood avec Peter et Elliott le dragon-, qu’il était encore capable de réaliser un film indépendant comme Les Amants du Texas. Il a donc rappelé Casey Affleck et Rooney Mara et les a enfermés dans une maison abandonnée de la banlieue d’Irving au Texas, où il a grandi, pour y tourner, avec des moyens réduits et dans un format 4/3, ce film de fantômes à l’ancienne, avec drap blanc troué et sans effets spéciaux. Résultat: un petit chef d’œuvre poétique, qui a raflé trois prix (Prix du jury ex æquo, prix de la révélation, prix de la critique) à Deauville. Entamé comme un nouveau Paranormal Activity, avec longs plans fixes et musique angoissante (signée Daniel Hart), A Ghost Story glisse insensiblement vers le surréalisme et, après un plan fixe (déjà culte) de 4 minutes sur Rooney Mara en train de manger une tarte pour tromper son chagrin, finit par former une vaste fresque temporelle qui va de l’Amérique des pionniers à nos jour. Le tout en 1h30 chrono et sans quitter la maison abandonnée, où le fantôme de Casey Affleck semble condamné à errer pour l’Éternité ! Une épopée intimiste et claustrophobique à (re)voir absolument sur Netflix.
Mank
Par Philippe DUPUY
Le pitch
Hollywood, 1940 : victime d’ un accident de voiture qui le cloue au lit pour plusieurs mois, le scénariste Herman J. Mankiewicz (Gary Oldman), alcoolique invétéré au regard acerbe, est envoyé par Orson Welles (Tom Burke) dans une villégiature isolée du désert de Mojave, avec 60 jours pour lui écrire un scénario : ce sera Citizen Kane…
Ce qu’on en pense
Le plus grand film de l’année 2020 sort… sur Netflix. Et le Covid n’y est pour rien, cette fois ! David Fincher, qui n’a plus tourné pour le cinéma depuis Gone Girl (2014), a délibérément choisi la plateforme de streaming pour diffuser son film, qui est – ce n’est pas le moindre paradoxe- un formidable hommage au cinéma. Après Roma d’Alfonso Cuaron et The Irishman de Martin Scorsese, Netflix s’impose comme le dernier refuge du grand cinéma d’auteurs et fera sans doute la course des Oscars en tête avec Mank, biopic du scénariste de Citizen Kane, Herman J Mankiewicz , auquel Gary Oldman prête son talent transformiste. Un film fleuve de 2h12 sur les coulisses de l’âge d’or d’Hollywood, qui est aussi une ode à la liberté de création. Dans un sublime noir et blanc, qui rappelle évidemment le chef d’oeuvre d’Orson Welles, David Fincher (Fight Club, Zodiac, The Social Network), adaptant un scénario écrit par son père il y a vingt ans, fait une démonstration de mise en scène époustouflante. En d’autres temps, ce film aurait enflammé la Croisette et décroché une Palme d’or. Il se contentera de quelques millions de vues sur Netflix et d’une ou deux statuettes. Ainsi va (ou ne va plus ?) le cinéma…