Interview : Claire Denis
Claire Denis est venue présenter à Nice son nouveau long métrage High Life .Un film de SF envoûtant et déroutant, avec Robert Pattinson et Juliette Binoche, qui sort enfin en DVD. La cinéaste, qui présidait le jury de la cinéfondation et des courts métrages cette année à Cannes, nous en a raconté les coulisses…
High Life
Le Pitch
Dans un vaisseau spatial, un homme seul (Robert Pattinson) élève un bébé. Il est le seul rescapé d’un groupe de condamnés à mort qui ont accepté de devenir les cobayes d’une mission spatiale en dehors du système solaire, à la recherche de nouvelles sources d’énergie. Une mission de très longue durée au cours de laquelle le médecin du bord (Juliette Binoche) dirigeait une expérience de reproduction dans l’espace…
Ce qu’on en pense
Dans l’espace, personne n’entend crier les bébés… Sauf Robert Pattinson, qui pouponne comme s’il avait fait cela toute sa vie ! C’est le premier effet Kiss Cool du nouveau film de Claire Denis (Trouble Every Day, White Material, Un Beau soleil intérieur). Le second est d’ordre purement esthétique: depuis Tarkovski (Solaris), on ne filme plus la SF comme le fait Claire Denis. Et c’est bien dommage! Devant son objectif, l’espace interstellaire ressemble à une prison dont on ne s’évade pas.Une prison flottante, comme ce vaisseau aux airs de cargo spatial qui dérive dans l’espace infini avec son équipage de condamnés à mort dont la peine a été commuée en mission d’intérêt général: trouver de nouvelles sources d’énergie aux confins de la galaxie.Et, accessoirement, le moyen de perpétuer l’espèce. En «shamane du sperme» (sic), la toubib de l’équipage (Juliette Binoche, toute en extensions capillaires) s’y emploie, entre deux séances en solo dans la « fuckroom » du vaisseau. Vous avez dit bizarre? Le film l’est assurément, selon les standards de l’époque. La preuve: ni les vaisseaux, ni les combinaisons spatiales ne sont blancs. Et on y communie devant la retransmission (en grand différé) d’un match de rugby écossais… C’est 2018, L’Odyssée de l’espèce ! Mais Claire Denis préfère Tarkovski à Kubrick, ce qui se défend. «Avec Solaris et 2001, on peut voyager loin» reconnaît-elle (lire interview ici). Il faudra désormais ajouter High Life dans son paquetage. Il y avait longtemps qu’on n’avait pas plané aussi haut au cinéma. Pas certain d’être redescendu, on recommande le voyage aux âmes aventureuses. Beaucoup s’y ennuieront: 80 000 jours de voyage dans l’espace, sans combats au sabre laser, ni poursuites en vitesse lumière, ça peut paraître long. A moins de se laisser flotter. La chanson générique des Tindersticks (que chante Robert Pattinson) et la lumière jaune d’Olafur Eliasson dans le dernier plan, récompenseront les braves.
Nirvana : Live at the Paramount
En octobre 1991, alors que l’album Nevermind vient de sortir et que MTV matraque « Smells Like Teen Spirit » environ mille fois par jour, Nirvana, encore en trio, attaque la triomphale tournée qui conduira le groupe à la reconnaissance mondiale (et Kurt Cobain à s’enfoncer le nez dans la poudre). Mais pour l’heure, Nirvana est porté par la Grâce et livre à domicile (Seattle) une prestation phénoménale. Les titres sont tout neufs, aucune usure ne se fait sentir, même sur « Teen Spirit » que Cobain finira par détester mais qu’il joue ici comme si sa vie en dépendait. Le concert, que l’on peut aujourd’hui regarder en version superbement restaurée sur Youtube, n’était sorti, à l’époque, qu’en vidéo. Universal a eu la bonne idée de l’éditer en double vinyle pour le Disquaire Day, avec un son nickel, un poster (pas terrible), une reproduction du pass VIP du concert (sympa) et un code de téléchargement. Et pour ne rien gâter la pochette est superbe. Si vous n’achetez qu’un vinyle cette année…
Robin Trower : Coming Closer To The Day
Avec une régularité de métronome, Robin Trower tombe un album tous les deux ans , ce qui amène le compteur à 23 depuis le début de sa carrière solo. Les dernières productions de l’ex-guitariste de Procol Harum, qui vient de fêter ses 74 ans, sont toutes d’excellente qualité: on ne sait donc pas pourquoi, au juste, ce nouvel opus nous fait autant d’effet. Comme à son habitude, Robin l’a enregistré tout seul dans son home studio, jouant de tous les instruments et assurant le chant. La veine est purement blues et le son toujours aussi Hendrixien. Les 12 chansons sont excellentes, impossible d’en extraire une plutôt qu’une autre: le disque s’écoute d’une traite. Difficile évidemment de ne pas penser, au détour d’une intro , d’un riff ou d’un solo, à « Crosstown Traffic« , « Red House » ou quelqu’ autre classique de Jimi Hendrix, mais Trower n’est jamais dans la copie servile, ni dans la démonstration de virtuosité. Il perpétue simplement le son d’Hendrix, avec ses propres chansons, un toucher magique et un très gros feeling. Espérons que la tournée qu’il vient d’entamer aux Etats-Unis pour défendre l’album le mènera jusqu’à nous, un de ces jours comme semble le promettre le titre (interprétation optimiste). On garde un souvenir ému de son concert à Monaco, au bon temps du Moods, où on avait eu l’insigne honneur de pouvoir l’interviewer.
Interview : Rami Malek
Révélé par la série Mr Robot, Rami Malek incarne un Freddie Mercury plus vrai que nature dans Bohemian Rhapsody, le biopic de Queen qui vient de sortir en dvd. Ils nous a expliqué comment on se glisse dans la peau d’une rock star…
Quelle a été votre première réaction lorsqu’on vous a proposé de jouer Queen?
Vous ne pouvez imaginer à quel point c’était monumental pour moi de penser que j’allais incarner Freddie Mercury. Il n’y en a qu’un, il est unique, avec ce côté provocateur énorme…
Comment se prépare-t-on à jouer un tel personnage?
Je tournais Mr Robot quand on m’a annoncé la nouvelle.Je suis allé à L. A rencontrer les producteurs qui m’ont parlé du rôle pendant 6 heures, alors qu’ils n’avaient même pas encore le budget.Je suis reparti en me disant que ça ne se ferait probablement jamais, mais que si ça se faisait il fallait que je sois prêt. Alors je suis allé m’installer à Londres où j’ai pris à mes frais des cours de chant, de piano, de prononciation, de chorégraphie. Ce qui rendait Freddie Mercury si spécial, c’est qu’on savait jamais ce qu’il allait faire! Il y avait le Freddie intime et l’audacieux performer. On ne pouvait pas se contenter de l’imiter, sinon on risquait la caricature. Il fallait saisir l’essence de sa personnalité. Les essayages de costumes et les heures passées au maquillage m’ont aidé à rentrer dans la peau du personnage. J’avais l’impression d’être le vrai Freddie quand il se préparait pour monter sur scène…
Brian May et Roger Taylor coproduisent le film. Ils étaient très présents sur le tournage?
Oui et heureusement ! Je n’aurais pas pu faire le film s’ils n’avaient pas été là. Brian m’a beaucoup aidé en me permettant de l’appeler à tout moment. À tel point d’ailleurs qu’il est devenu une sorte de mentor pour moi, même en dehors du film. Lorsqu’ils ont vu le film terminé, ce qu’ils m’ont dit a été la plus grande récompense que je puisse avoir.
La reconstitution du concert de Live Aid est incroyable. Comment l’avez-vous tournée ?
RM: On voulait que ce soit absolument fidèle aux images de l’époque. On a beaucoup répété et c’est la première scène qu’on a tournée.On a filmé tout le show sans interruption car on avait besoin de l’adrénaline du plan séquence pour retrouver celle du concert. À la fin de la prise, on s’est regardés et on s’est dit que c’était gagné.Après ça, le reste serait facile…
Au final que retenez-vous de cette expérience?
Ce rôle a changé ma vie. Comment pourrait-il en être autrement?C’était un incroyable défi que j’ai adoré relever. Petit à petit, je suis tombé amoureux du personnage. Il envoie un message puissant sur l’intégrité artistique, sur la fidélité à soi-même. Ca m’a apporté beaucoup de l’incarner.
Bohemian Rhapsody
Le pitch
A Londres, au début des années 60, le jeune Farrokh Bulsara (Rami Malek) rencontre Brian May (Gwilym Lee) et Roger Taylor (Ben Hardy), respectivement guitariste et batteur du groupe Smile. Ensemble, ils forment le groupe Queen. Pour le meilleur et pour le pire, Farrokh devient Freddie Mercury…
Ce qu’on en pense
On pouvait légitimement craindre le pire de ce biopic de Freddie Mercury, devenu celui de Queen après que les membres survivants du groupe aient pris le pouvoir sur la production et que le réalisateur Bryan Singer (Usual Suspects , X-Men) ait abandonné le tournage en cours. Groupe iconique des années 80 (pas une très bonne décennie pour le rock), Queen n’a pas une histoire très différente, ni plus édifiante que celle d’autres formations vedettes de l’époque.C’est celle d’un groupe formé autour de deux personnalités opposées mais complémentaires (le chanteur Freddie Mercury, icone gay en devenir et le guitariste Brian May, doué mais trop sage pour devenir une vraie rock star), qui a connu un succès planétaire dans une époque particulièrement faste pour le business de la musique (émergence des radios FM , lancement du CD audio, méga concerts en stades). Ascension contrariée (Queen avait des prétentions artistiques peu en phase avec les visées commerciales de sa maison de disques), succès surprise (avec le titre opératique «Bohemian Rhapsody»), frasques de diva du chanteur, jalousies, séparation, reformation et triomphe scénique (au concert Live Aid dont le groupe semble avoir assuré le succès à lui tout seul…), avant la mort annoncée de Freddie Mercury (diagnostiqué malade du Sida) et sa quasi déification posthume… Telle est, retracée par le film, la trajectoire du groupe. L’argent, les dissensions internes, les jalousies, la drogue et les frasques sexuelles du chanteur sont tout juste évoqués. Il s’agit bien d’un «biopic autorisé», comme il y a des «biographies autorisées».Pourtant, on avoue avoir pris un plaisir coupable à cette évocation, trés lisse et commerciale, de la saga de Queen. Le performance de Rami Malek (découvert dans la série Mr Robot), en Freddie Mercury tout en moustache et mâchoire prognathe, n’y est pas pour rien. Mais Gwylim Lee est tout aussi ressemblant et crédible en Brian May. La reconstitution du concert de Live Aid est assez incroyable. Et la B.O est forcément formidable, puisque c’est du Queen. Dans le genre, le film est une telle réussite qu’il ouvre grand la voie à d’autres biopics de groupes, autorisés ou non : Les Beatles et Elton John sont déjà en boite . Pour les autres (Led Zeppelin, les Kinks, les Who, les Stones…), il ne reste plus qu’à trouver les sosies.
Interview : Jacques Audiard
C’est devenu une sorte de blague dans le métier. Lorsqu’on demande à un(e) acteur/trice étranger(e) avec quel réalisateur français il/elle aimerait tourner, la réponse est généralement: «À part Jacques Audiard?». C’est dire le prestige dont jouit, urbi et orbi, le plus «titré» de nos cinéastes, titulaire, à 66 ans, de neuf César et d’une Palme d’or. Est-ce parce qu’il ne lui restait plus rien à gagner en France qu’il a réalisé son premier film «américain»? Le réalisateur d’Un Prophète et de De Rouille et d’os s’en défendait à Deauville , où il a reçu le Prix du 42e anniversaire avant de se voir attribuer le Lion d’Argent de la Mise en scène à Venise pour Les Frères Sister. Faute de nomination aux Oscars, Jacques Audiard sera l’un des favoris des César…
Est-ce un désir d’Amérique qui vous a poussé à réaliser un western, ou une envie de western qui vous a fait réaliser un film américain?
Vous auriez aussi pu entrer mon amour des chevaux dans les paramètres! (rires). Mais non: je n’avais envie ni de western, ni de faire un film aux États-Unis. Seulement de tourner avec des acteurs américains.
Et pourquoi cela?
Ils ont une culture du jeu au cinéma qui est différente de la nôtre. Acteur de cinéma, c’est quelque chose de spécial.Je pense qu’ils ont constitué un savoir particulier du jeu cinématographique, de ce que c’est de jouer devant une caméra.Ils ont une conscience plus aiguë d’eux-mêmes et des distances, qui fait que quand ils rentrent dans le cadre, il se passe quelque chose de différent.Ils offrent une sorte d’incarnation immédiate. On ne se pose pas de question, ils se dressent physiquement et occupent l’espace d’une façon différente.Les visages n’apparaissent pas de la même façon, les corps n’ont pas la même taille, les voix la même profondeur…Nous avons des voix de tête et une langue peu accentuée.La leur est plus rythmée, plus musicale… Ensuite, bien sûr, il y a le travail.Ils ne s’arrêtent jamais. Jake Gyllenhaal, par exemple, est allé, sans que je le lui demande, travailler avec un linguiste pour acquérir l’accent d’un jeune diplômé de la côte est des États-Unis au XIXe siècle. Il est revenu avec le script en phonétique pour ne pas faire de faute d’accent. Il ne lui manquait que le costume!
Et les deux autres?
John CReilly est venu me proposer le film avec l’idée de jouer Eli, l’un des frères Sister, ce qui me convenait parfaitement.Le nom de Joaquin Phœnix est arrivé très vite.Je ne sais plus qui, de lui ou de moi, l’a proposé en premier, mais il n’y a pas eu de discussion.
Est-ce réellement pour préserver ses chances aux Oscars que le film n’a pas été présenté à Cannes?
C’est vrai que c’est une décision de la société de production, Anapurna, qui est américaine.Mais je pense plutôt que cela tenait à la date choisie pour la sortie du film.Venise, Deauville et Toronto sont mieux placés dans le calendrier pour coller à une sortie à l’automne.
N’avez-vous pas, malgré tout, des envies de conquête de l’ouest?
Non, je vous l’ai dit: je n’ai pas de rêve américain.Je n’y pense pas, en fait.Si j’avais lu le livre sans que John me propose de l’adapter, je n’y aurai certainement jamais pensé.J’ai une culture du western très lacunaire. Dramatiquement, le western est très linéaire, sans suspense, épique. Dans mon travail, je pense avoir été attiré jusqu’à maintenant par des histoires plus tendues, des scénarios plus «efficaces».
Et surtout plus urbains!
Oui, mais là justement j’avais envie de campagne et de grand air, pour changer un peu! (rires)
Pourquoi ne pas être allé tourner aux États-Unis, dans ce cas?
J’y suis allé en repérage, mais partout où j’allais j’avais l’impression que c’était trop facile, trop évident. Pour Un Prophète j’avais eu la même impression dans les prisons que je visitais. Le réel ne m’aide pas à voir le cinéma.Il m’a semblé qu’il fallait être plus créatif.C’est pour cela que j’ai préféré tourner en Espagne et en Roumanie.
Vous avez gardé le «final cut»?
Je ne comprends même pas qu’on se pose la question!
Vous avez fait le buzz en dénonçant le machisme des festivals. Pourtant vos films sont très virils…
Il y a un malentendu autour de ça. C’est vrai que quand j’arrive dans un festival et que je vois que les dirigeants, les sélectionneurs et les sélectionnés sont tous des hommes, j’ai l’impression d’être encore dans l’ancien monde. Sur mes plateaux, il y a presque plus de femmes que d’hommes.On dit tout le temps que je fais un cinéma viril. Mais Sur mes lèvres ou De Rouille et d’os étaient des histoires de femmes et de femmes fortes. Je trouve que dans mes films les hommes sont plutôt… En dégoulinade! (rires)
Interview : Romain Duris
Dans Nos Batailles, son cinquantième film (déjà !), Romain Duris rompt avec l’image de séducteur « adulescent » qui a fait son succès depuis L’Auberge Espagnole. Il y incarne un chef d’équipe et délégué syndical qui a sacrifié sa vie de famille à son travail et se prend la réalité en pleine face lorsque sa femme disparaît sans prévenir, le laissant se débrouiller avec deux enfants en bas âge. Un rôle mature sur fond social qui lui vaut une nouvelle nomination pour le César du meilleur acteur. En attendant de le découvrir en janvier en Vernon Subutex, dans la série de Canal + adaptée des romans de Virginie Despentes, il nous parle de son travail, avec ce mélange de naturel et de réserve qui le fait se refermer dès qu’on tente une question trop personnelle…
Comment choisissez-vous vos rôles ?
A l’instinct ! J’analyse après. Quel genre de film c’est, qui le réalise… La première réaction est souvent la bonne, mais parfois je m’emballe. Il m’arrive de revoir mon enthousiasme sérieusement à la baisse à la deuxième lecture ! (rires). C’est pour ça que je prends toujours un temps de réflexion avant de signer…
Qu’est-ce qui vous a poussé à accepter ce rôle-là ?
J’avais vu Keeper, le premier film de Guillaume Senez et je l’avais beaucoup aimé. Le scénario m’a fait un peu penser à Kramer contre Kramer qui est un de mes films préférés. Et puis il y avait l’aspect social, le travail en usine, la boulot syndical. Toutes choses que je n’ai jamais connu puisque j’ai eu la chance de pouvoir faire ce métier très jeune… On a tourné dans une vraie usine. Les rapports sociaux y sont très différents de ceux qu’on montre dans le film mais j’ai trouvé ça passionnant. C’est une des raisons pour lesquelles j’adore ce métier: pouvoir découvrir des univers très éloignés du sien…
Le fait de tourner sans dialogues ne vous faisait pas peur ?
Au contraire ! Ça m’excitait beaucoup, je n’avais encore jamais fait ça. Guillaume a une méthode de tournage très particulière : il fournit un scénario d’une trentaine de pages, sans dialogues, juste avec les situations. Et puis sur le tournage, il nous mène doucement vers où il veut aller. Ce n’est pas tout à fait de l’improvisation, puisque tous les dialogues sont écrits et qu’on est dirigés. Ce ne sont pas des répétitions non plus puisqu’il filme tout et peut retenir la première prise comme la dernière. C’est juste une manière de vous faire jouer la scène avec vos propres mots pour que ça sonne plus juste. Ça vous oblige à vous concentrer encore plus sur le personnage, la scène et les émotions qui s’en dégagent. J’ai adoré ça ! Les autres aussi , je crois…
Le film risque de marquer un tournant dans votre carrière. Le passage à des rôles plus matures…
On a toujours l’impression d’avoir 20 ans, mais le temps passe. Professionnellement parlant, ça ne me dérange pas, au contraire. L’âge ajoute du vécu, de l’épaisseur chez un acteur. J’ai toujours aimé les personnages de la cinquantaine, avec le costume mais toujours la même folie intérieure. Les hommes politiques sont les champions pour cela. J’ai confiance en l’avenir parce qu’à mon âge le répertoire s’élargit, on peut jouer plus de choses. Après, est-ce que les bons rôles continueront d’arriver jusqu’à moi ? Je ne sais pas. Mais ils existent en tout cas…
Il faut dire que jusqu’ici vous avez été plutôt gâté…
Oui, c’est sûr. J’ai la chance d’avoir du travail, de faire deux trois films par an, alors que beaucoup de mes amis rament. Mais on fait un métier très instable. Depuis le début, je me dis toujours que ça peut s’arrêter demain. Je vis toujours avec cette notion-là.
Qu’auriez-vous fait si cela n’avait pas marché pour vous ?
Probablement de la BD ou des illustrations de livres pour enfants. C’est ce à quoi je me préparais en tout cas. Je trouvais que c’était un domaine où on pouvait garder sa liberté. Je suis arrivé au cinéma un peu par hasard. J’en ai d’ailleurs toujours un sentiment d’imposture. Alors , je garde le dessin en plan B. Si demain ça ne marche plus pour moi au cinéma, je ne serai pas sans rien faire. Même si c’est compliqué de gagner sa vie avec le dessin…
Vous dessinez tous les jours ?
Pratiquement oui. J’aimerais bien faire une bande dessinée, mais c’est beaucoup de boulot.
Que faites vous d’autre de votre temps libre ?
Je vais au cinéma ! Quand je suis immergé dans un tournage, je n’arrive pas à voir d’autres films. Mais dès que j’ai fini, je rattrape… Souvent avec du retard. Je viens juste de voir Three Billboards et Moi, Tonya, que j’ai beaucoup aimés. Mais j’évite les festivals et les autres raouts du métier parce que ça peut vite me saouler. Quand je ne tourne pas, j’ai besoin de revenir à la vie concrète.
Votre célébrité ne vous en empêche pas?
Non, je n’ai pas de problème avec ça. C’est une question d’attitude: si vous sortez avec l’air important en toisant les autres vous avez toutes les chances qu’on vous arrête pour vous demander un autographe ou un selfie. Je les fais volontiers quand on me le demande, mais si je peux éviter en dehors des obligations promotionnelles, c’est aussi bien. Pour ça, il suffit généralement de mettre un jean , un blouson et une casquette et de tracer droit devant. C’est rare qu’on fasse attention à vous, si vous ne le recherchez pas.
Joe Jackson : Fool
Alors qu’on se préparait à fêter le 40e anniversaire de la sortie de son premier album Look Sharp ! – ce qui ne nous rajeunit, certes pas- le bon Joe Jackson livre un 20e opus studio du meilleur cru. Huit titres envoyés sans barguigner, qui font justement le lien entre son premier manifeste pub rock et la veine post jazz de son chef d’oeuvre 80’s, Night and Day . Huit très bonnes chansons pour bien commencer l’année, en espérant que cette double actualité nous donne l’occasion de revoir Joe en live sur nos rivages. La dernière fois c’était à l’Opéra de Monte Carlo et ceux qui y étaient en gardent un souvenir ému.
Interview : Dany Brillant
«On a pris un peu du King et on a rajouté du swing/La guitare de BB King sur la voix de Dean Martin/Bill Haley et ses Comets chantent avec Tony Benett». Pas besoin de se décarcasser pour présenter le nouvel album de Dany Brillant: tout est dit dans la chanson titre, «Rock and Swing». Du rock, du swing, une pochette rétro kitsch et emballez c’est pesé! Après des années de ventes en demi-teinte, le crooner de ces dames décroche à nouveau la timbale, comme au bon vieux temps de «Suzette» et de «Saint-Germain».Un retour en grâce dont on a parlé avec l’intéressé à l’occasion de son concert au Cannet La Palestre samedi 12 janvier.
Cet album, c’est un peu un retour aux sources, non?
Clairement, oui. C’est avec le swing que je me suis fait connaître.Après, j’ai mis ça de côté pour aller vers la salsa et la chanson italienne. J’ai fait des albums un peu bizarres (rires). J’avais l’impression de m’être un peu perdu.Commercialement, je me suis pris une droite.Le public n’a pas suivi.Donc, pour cet album, je suis revenu à mes fondamentaux et je m’aperçois que c’est là que je suis le mieux.
Comment expliquez-vous le succès immédiat qu’il a rencontré?
C’est une musique pour les temps de crise.Le swing, c’est ce qu’on dansait pendant la grande dépression et la guerre.Après les attentats de Paris et de Nice, je me suis demandé qu’est-ce qui pouvait redonner un peu de joie et d’espoir à ce pays et je me suis rappelé que la musique qui donne ça, c’est le swing.
Comment avez-vous travaillé ces chansons qui sonnent comme des classiques?
Comme j’avais déjà fait un disque de swing il y a 25 ans, je ne voulais pas faire la même chose.Je cherchais un concept et j’ai eu l’idée d’essayer de mélanger le rock et le swing.J’ai commencé les chansons à Paris, mais pour les enregistrer je voulais avoir ce son de guitares électriques très spécifique des années 50 et les cœurs gospel qui vont avec. Comme je n’étais encore jamais allé en pèlerinage à Memphis, ni à Nashville, c’était le moment ou jamais.C’est vraiment la source de cette musique.C’est là qu’Elvis a osé mélanger la musique blanche et la musique noire. Il y flotte encore le parfum des années 50 et du rock’n’roll.
Johnny et Eddy Mitchell s’y sont aussi ressourcés…
Oui, j’ai beaucoup pensé à eux.Surtout à Johnny, qui est l’équivalent d’Elvis pour les Français. C’est lui qui a imposé le rock dans notre pays.Ses obsèques, c’était un truc de fou.J’avais les larmes aux yeux, j’étais réellement bouleversé. Johnny, c’est plus que des chansons: c’est notre mémoire.Et comme il n’a jamais rien fait comme personne, il fait encore parler de lui après sa mort…
Les chansons plus lentes pourraient être des reprises d’Aznavour ou d’Alain Barrière…
C’est ma culture musicale. Plus jeune, je n’écoutais que ça. J’ai passé des années dans les cabarets de Saint-Germain, ça a bercé mon adolescence.On entend forcément mes influences dans mes chansons.On est des passeurs.Cette musique n’existe presque plus, on ne l’entend plus à la radio. Il faut la défendre pour ne pas qu’elle disparaisse complètement. Comme j’en suis un peu l’héritier, j’ai décidé de la défendre. A fond dans le vintage!
A quoi ressemblent les concerts?
La tournée sera 50 % rock 50 % swing, avec des cuivres et de la guitare électrique. Je vais mélanger ces deux styles sur scène, car le mélange est détonnant. J’ai des musiciens qui jouent dans l’esprit des années 50.On sera une dizaine sur scène dans les grandes salles et en formation plus réduite dans les petites. Avec un décor très technicolor, comme dans une comédie musicale.J’en ai d’ailleurs écrit une que j’aimerais bien monter un jour, en prolongement de l’album et de la tournée. En attendant, je me réjouis de venir jouer l’album sur la Côte. Regis Ceccarelli, qui l’a réalisé est Niçois et j’aime beaucoup cette ville. Ce serait formidable de jouer l’été prochain au Nice Jazz Festival. Nice, c’est un peu la patrie française du swing !
David Bowie : Glastonbury 2000
DVD : Whitney
Le pitch
Elle a vendu 200 millions d’albums et détient le record du plus grand nombre de numéros 1 consécutifs. Sa chanson «I Will Always Love You» est le single le plus vendu par une chanteuse. Elle est morte seule, noyée dans sa salle de bains en 2012. Elle avait 48 ans et s’appelait Whitney Houston…
Ce qu’on en pense
Pour le grand public des années 80, qui écoutait ses chansons sur les ondes FM, elle reste sans doute cette jolie poupée noire à la voix d’or et au succès planétaire, qui embrassait Kevin Costner dans Bodyguard et faisait mine de s’offusquer des propositions salaces de Serge Gainsbourg sur le plateau de Michel Drucker. Sa mort à 48 ans, noyée dans sa salle de bains après absorption massive de barbituriques, surprit presque tout le monde. Derrière l’image de la diva choyée par la vie se cachait une jeune femme à l’enfance difficile, aux addictions multiples, à la maternité mal assumée et à la vie tumultueuse. Dans les deux dernières années de sa vie, sa maison de disques engloutit plusieurs millions de dollars dans l’enregistrement d’un album qui ne vit jamais le jour. L’argent passa tout entier dans sa consommation de drogues et son divorce d’avec le rappeur Chris Brown qu’elle avait épousé pour soigner une street crédibilité défaillante et qui la battait. Après Bob Marley en 2012, l’écossais Kevin McDonald dresse le portrait de la chanteuse dans ce nouveau documentaire passionnant et remarquablement sourcé. Le réalisateur a eu accès aux proches de Whitney et à ceux qui ont accompagné son formidable succès puis sa descente aux enfers. Ils racontent tout: l’enfance violée (par sa tante Dee Dee Warwick, scoop du film), la drogue (dès ses 16 ans), les frasques, la cupidité de son entourage, l’abandon de sa fille (qui se suicidera comme sa mère). Sans voyeurisme, ni sensationnalisme. En insistant sur l’essentiel : ce don vocal magnifique qui en fit, malgré un répertoire axé sur la variété la plus commerciale, l’égale des plus grandes.
Interview: JL Murat
Au bout du fil, la voix est toujours traînante et légèrement embrumée.Mais on le sent rempli d’une énergie nouvelle. Après quelques albums peu aimables, Jean-Louis Murat vient de publier l’un de ses plus beaux disques. Avec Il Francese, le chanteur Auvergnat fait la somme de ses expérimentations sonores, de ses talents mélodiques, de sa verve poétique et de son instinct voyageur.Il y convoque les fantômes d’un aïeul fantasmé, Joachim Murat, maréchal d’empire sacré Roi de Naples (que ses sujets surnommaient «Il francese») et celui de Silvana Mangano dont la voix illumine la chanson qui porte son prénom. On retrouve avec bonheur le chanteur à la plume élégante des années fastes. Il y a 30 ans, ce disque-là aurait ravi ses nombreux fans et ce serait vendu par palettes entières. Aujourd’hui, il se noiera probablement dans le torrent de nouveautés des nouveaux robinets à musique que sont les plateformes de streaming. Mais Murat n’en a cure: «Je ne m’attends pas à des miracles de toute façon» assure-t-il, en se réjouissant de repartir en tournée jouer ses chansons «à l’ancienne». Comme le baladin qu’à 66 ans il continue d’être…
Alors que nombre de chanteurs s’interrogent sur la nécessité de faire des disques qui ne se vendront pas, vous continuez à produire un disque par an. Pourquoi?
Vaille que vaille, j’essaie de ne pas me laisser décourager. C’est ma façon à moi de résister à la crise du disque.C’est trop tard de toute façon pour se poser des questions. Dans les années 90, on était dirigés par des imbéciles qui n’ont pas vu venir le danger de la numérisation. Aujourd’hui les artistes doivent faire avec. Si on tire un trait sur toute ambition parce que les conditions sont défavorables, on va pas aller loin…
Après les expérimentations sonores de Travaux sur la N89, on retrouve un Murat plus classique sur Il Francese…
J’écris mes chansons toujours de la même manière, à l’ancienne , en piano- voix.Après, on rajoute des couches electro plus ou moins importantes avec Denis Clavaizolle. Il se trouve juste que j’avais des chansons plus structurées cette fois.Mais on a quand même énormément bossé dessus. Faire joujou avec les ordis, on croit que c’est plus rapide mais c’est juste l’inverse: on y passe un temps fou. Mais pour la tournée, on efface tout: ce sera à l’ancienne, en trio, avec des instruments de musique et aucune machine.
Pourquoi ce titre et ces références italiennes?
Elles ne sont pas nouvelles.Je m’en suis beaucoup servi déjà.J’aime bien jouer avec l’homonymie de Joachim Murat, le roi de Naples que ses sujets appelaient «Il Francese».Mais surtout, j’adore cette ville.Je voudrais y habiter.Et Silvana Mangano, sa voix me bouleverse tout simplement…
Dans «Achtung», la première chanson, vous parlez de la Bête et des boucheries qui pourraient rouvrir. Ce n’est pas de l’anti-germanisme primaire ?
Je trouvais que c’était une bonne entrée en matière (rires). Les temps sont instables et il y a déjà des boucheries ouvertes ici et là.Mais non, ce n’est pas un commentaire politique anti-allemand. Ni pro U2 d’ailleurs! (Achtung Baby est le titre d’un album de U2. N.D.L.R)
Que vient faire Marguerite de Valois dans la chanson qui porte son nom?
C’est la reine des Auvergnats. Elle n’est pas née dans la région, mais y a habité assez longtemps pour qu’on l’ait adoptée.J’ai souvent parlé de la reine Margot dans mes chansons.Ici, dans la campagne, tout le monde aime bien la reine Margot.
La mort aussi semble s’être invitée dans l’album.Vous y faites souvent référence, pourquoi?
J’ai perdu un ami très proche, Christophe Pi, pendant l’enregistrement. On faisait de la musique ensemble depuis 30 ans, C’était un excellent musicien et l’album lui est dédié.L’ombre de la mort a plané sur l’enregistrement, il est empreint de son souvenir.
«Je me souviens», c’est une référence à Peirec?
Ah non, pas du tout alors! Heureusement qu’on peut encore se souvenir sans passer par lui. D’ailleurs , on ne se souvient pas des mêmes choses. Il était plus citadin que moi. Il y a des trucs dans le bouquin, je ne comprends même pas qu’on puisse s’en souvenir…
Ah ça y est, on attaque les vacheries?
Je ne me lève pas le matin en me disant je vais dire du mal de tel ou tel, mais je préfère les fights à ce silence de monastère où personne ne veut dire du mal de personne alors que tout le monde se déteste dans ce milieu à la con. Là, il y a Manset qui sort son disque en même temps que moi.Et ben, il fait des disques tellement nuls depuis tellement longtemps que je n’ai pas envie de me retrouver dans le même panier à la caisse du supermarché, Voilà, c’est dit! Ce n’est pas méchant, c’est un constat. Il est là depuis 68, il pourrait dégager quand même…
On pourrait dire la même chose de vous, non?
Oui, mais moi je n’ai pas l’impression de rabâcher. Il faut prendre des risques de temps en temps.Pas toujours jouer sur son petit fonds de commerce…
Il y a des gens dont vous pourriez dire du bien, pour changer un peu?
Oui, Rachid Taha tiens.Ca, c’est une vraie perte! Sinon, n’importe quel disque de blues des années 30-40 enregistré avec un micro me paraît toujours infiniment supérieur à ce qui sort aujourd’hui. Je ne suis pas certain qu’il y ait du progrès en art, mais en ce qui concerne la musique populaire, je suis tout à fait sûr du contraire!
Bruce Springsteen : On Broadway
En attendant l’album de nouvelles chansons annoncé pour 2019 (enfin !), Bruce Springsteen publie la BO de sa résidence au Walter Kerr Theatre de New York (Broadway), où il aura passé toute l’année 2018 à raconter sa vie en jouant ses plus célèbres chansons, à la guitare ou au piano. Une sorte de version live de son autobiographie parue en 2017 (Born to Run chez Albin Michel) en double CD. Malgré toute l’admiration qu’on a pour Springsteen, force est de prévenir que la chose est à réserver aux fans purs et durs… et surtout, parfaitement bilingues ! Vue la longueur des discours du Boss qui introduisent les chansons, l’écoute est plutôt ennuyeuse. La différence de volume sonore entre les parties parlées et chantées oblige à ajuster le son sans arrêt et, sans l’image, difficile de se passionner pour ces versions acoustiques de chansons archi-connues. Bref, on conseillera d’économiser ses précieux euros pour s’offrir l’abonnement à Netflix qui permettra de regarder le film du concert avec les sous titres. En attendant le DVD, qui finira forcément par sortir un jour...
Interview: Dick Rivers
Pour fêter ses 55 ans de carrière, Dick Rivers a compilé son «best of» sur un triple CD et a repris la route des concerts pour une tournée « rock’n’roll à donf' ». Elle passera par le théâtre Lino Ventura à Nice samedi 15 décembre. L’occasion de jeter avec un coup d’œil dans le rétro avec le rocker qui n’a jamais oublié ses origines niçoises, ni caché son attachement à la Côte d’Azur…
En 1961, vous avez 15 ans, vous habitez Nice et vous devenez une idole du rock. Comment cela se pouvait-il ?
Mon premier 45 tours est sorti le jour de mon 15e anniversaire, le 24 avril 1961. Je suis passé directement du vélo à la Cadillac! (rires). Il fallait un certain culot pour se pointer, mais le public n’attendait que ça.
Vos premières chansons sont des reprises de rocks américains. Comment connaissiez-vous cette musique qui ne passait nulle part à l’époque?
La marine américaine était encore stationnée à Villefranche et les matelots amenaient tout de chez eux: leur bouffe, leur musique, leur civilisation. Pendant leurs permissions, certains jouaient au Vieux Colombier à Juan les Pins dans un groupe qui s’appelait Rocky Roberts & the Airdales. Ils avaient beaucoup d ‘avance, musicalement. Le mec le plus rock à l’époque en France c’était Gilbert Bécaud…
On est étonné de la qualité du son et de la musique sur vos premiers 45 tours. Ça sonnait presque aussi bien que les originaux…
En France, on ne connaissait rien au rock mais on avait de très bons studios d’enregistrement. Comme on était passionnés, on copiait nos maîtres avec tout notre cœur. J’ai appris l’anglais avec les marins américains et mes copains, qui allaient devenir les Chats Sauvages, ont appris à jouer en écoutant les disques et RTL la nuit. Il fallait avoir de l’oreille, mais c’est ça l’amour de la musique.
Entre Johnny, Eddy et vous, ce devait être la course pour dénicher la meilleure reprise avant les autres ?
Oui, mais c’était surtout le boulot des directeurs artistiques. Il y avait un grand décalage entre la sortie aux USA et l’arrivée en France, ça laissait du temps pour faire l’adaptation. La chance qu’on avait, c’est que ceux qui achetaient nos disques ne connaissaient pas les originaux. Et ça a duré jusqu’aux années 70! Quand John Denver a joué la première fois à l’Olympia, tout le monde a cru qu’il reprenait ma chanson («Faire un pont») en anglais!
On ne se souvenait pas de vos reprises des Beatles et des Kinks. Les rockeurs américains n’étaient donc pas vos seuls modèles?
Ils avaient de bonnes chansons, alors on les reprenait, mais je n’avais pas pour eux la même dévotion que pour Elvis. Aujourd’hui, ils font partie de mes groupes préférés, mais à l’époque c’étaient juste des p’tits mecs comme nous. J’étais plus impressionné par leur son que par leur personnalité.
Il y a aussi cette version étonnante de «C’est extra» de Léo Ferré…
J’avais enregistré cette version pour l’anniversaire de sa mort et elle était restée inédite. Je trouve ça bien de l’avoir mis là. Mon truc c’est le rock, mais j’ai toujours respecté les autres chanteurs. En plus il était de Monaco et moi de Nice, ça nous rapprochait…
On s’aperçoit en regardant les dates de vos succès que vous avez traversé les décennies quasiment sans éclipse…
Oui, j’ai eu la chance d’avoir 3 ou 4 succès par décennie. Ça m’a permis de rester toujours présent. J’ai même fait une double carrière au Canada où d’autres chansons ont mieux marché qu’ici. Au bout du compte, je suis plutôt fier du parcours. Il n’y a pas trop de trucs honteux (rires)
Et vous continuez à chercher LA bonne chanson?
Oui toujours: c’est mon Graal. Je n’ai jamais écrit une chanson de ma vie, je ne suis qu’un vulgaire interprète, un éternel débutant…
On n’avait pas fini le montage et les effets spéciaux n’étaient pas prêts. On a loupé Venise aussi à cause de ça. Du coup, c’est à Toronto qu’a eu lieu la première.
La première de gala a été étrange.Certains ont semble-t-il été choqués par la scène de la sex-box et plus encore par celle où Juliette Binoche recueille la «sainte semence» de Pattinson. Ça m’a surprise. Je ne pensais pas qu’une chose aussi enfantine et ironique puisse être prise au premier degré…
Un producteur est venu me proposer de faire un film en anglais.J’ai dit oui, à condition que ça se justifie d’une manière ou d’une autre.L’anglais, c’est la langue de l’espace en quelque sorte et j’ai toujours aimé la SF. J’avais cette première image en tête d’une serre de plantations dans un vaisseau spatial. Je suis partie de là.
Il est venu me voir, il y a cinq ans pour me proposer de travailler avec moi. Ça a totalement changé la perspective du film car j’avais imaginé un homme plus âgé pour le rôle principal. Au début, je le trouvais un peu trop iconique. J’avais aimé son travail dans Twilight et les films de Cronenberg, mais je n’aurais jamais pensé spontanément faire appel à lui pour un de mes films. On s’est vu assez souvent et un lien d’amitié s’est créé entre nous, Ça a évacué le problème. Avoir quelqu’un comme lui, tellement impliqué et désireux de faire le film, ça m’a donné beaucoup de force.
Juste mon équipe habituelle.J’aurais voulu impliquer plus le plasticien danois Olafur Eliasson, dont une des œuvres a inspiré l’image finale.Mais je me suis rendue compte qu’il n’y a rien de mieux que les gens de cinéma pour faire du cinéma.Pour le vaisseau, on a imaginé une sorte de prison spatiale. Et pour les costumes, on s’est largement inspiré des combinaisons des astronautes Russes. J’en avais marre du blanc qui est la couleur obligatoire depuis Star Wars…
Avec Solaris (Tarkovski) et 2001(L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick N.D.L.R), on peut déjà voyager assez loin. J’ai vu tous les Alien aussi.Mais je me suis interdit de revoir aucun film avant le tournage car je voulais rester avec mes images et mes couleurs.M’en tenir à la modestie de mon histoire. Je n’avais ni les moyens ni l’envie de faire autre chose de toute façon.Et surtout pas d’imposer à mes acteurs de jouer devant un fond vert en permanence…
Non. Il y en a très peu de toute façon et comme ils tardaient à arriver, j’en ai enlevé.La scène des corps qui flottent dans l’espace, par exemple, on l’a faite au ban de montage.
C’était compliqué parce qu’on avait un décor qui craquouillait de partout.L’ingénieur du son allemand était très malheureux.Mais on s’est débrouillés. C’est Stuart Staples des Tindersticks qui a fait tout le sound design du film…
Oui, c’est notre huitième film ensemble. J’étais allé les voir au Bataclan à l’époque de leur second album pour leur demander les droits de «My Sister» que je voulais pour Nenette et Boni.Ils m’ont dit qu’ils préféreraient faire toute la BO… Avec Stuart, qui est du Nord de l’Angleterre, on a du mal à communiquer en anglais.Mais on n’a pas besoin des mots pour se comprendre.
Il y a «high» pour l’espace là-haut et «life» pour la vie qu’on cherche à reproduire. Mais c’est surtout un mot qui renvoie à mon enfance en Afrique.«High Life», c’est comme ça que les Africains qualifiaient la vie des blancs..
Je ne me pose pas la question en ces termes.L’histoire passe avant le genre. Ce qui compte c’est ce qu’on veut raconter.La forme vient après. Comme je ne ressens pas le besoin de répondre à une demande et que je fais des films qui ne coûtent pas très cher, je me sens absolument libre d’aller où j’ai envie d’aller.