Indochine à Nice
Indochine était à Nikaia Nice le mercredi 18 avril dans le cadre du 13 tour célébrant la sortie de leur 13ème album . Un disque unanimement salué comme l’un des meilleurs de la longue carrière d’Indochine, plus pop que les précédents et gorgé de tubes. Après le Black City Tour de 2013, qui a laissé un grand souvenir (avec son fameux « écran serpent »), le 13 Tour s’est révélé encore plus spectaculaire et aussi coloré que le précédent était sombre. Le secret de la longévité d’Indochine réside en partie dans le fait que le groupe de Nicola Sirkis a toujours privilégié son public, en proposant des concerts grandioses à des prix de places abordables (40 et 45 euros pour cette tournée). Comme partout ailleurs, le groupe a joué devant un Nikaïa archi comble et un public conquis. Si vous ne le croyez pas, demandez à la lune (ou regardez la vidéo)…
R.I.P Jacques Higelin (1940-2018)
Sa mort fera moins de bruit que celle de Johnny. Pourtant, sa carrière fut aussi longue et riche. Et il incarnait, lui aussi, une certaine idée du rock à la française… Jacques Higelin s’est éteint vendredi 6 avril à son domicile parisien, au terme d’une maladie qui le tenait éloigné de la scène et des médias depuis 2016. Lui qui aimait tant la scène, où il pouvait chanter plus de trois heures, n’avait pu y défendre son dernier album, Higelin 75, paru en 2015. Son fils Arthur H, auquel on demandait de ses nouvelles il y a quelques semaines, nous avait répondu qu’il se reposait, entouré de sa famille .On avait compris qu’on ne le reverrait sans doute pas chanter «Champagne!», «Tombé du ciel», «Pars» ou «Mona Lisa Klaxon» , comme il l’avait fait si souvent, sur toutes les scènes azuréennes. Provoquant parfois l’ire des voisins lorsque le concert se prolongeait au-delà des heures ouvrables. Il arriva même plusieurs fois, à Juan les Pins notamment, qu’on coupât la sono pour l’obliger à partir ! Peine perdue: il était capable de continuer à chanter sans micro pendant des heures, en s’accompagnant seul au piano.
Né le 18 octobre 1940 à Brou-sur-Chantereine (Seine-et-Marne), au sein d’une famille modeste (père cheminot), le petit Jacques Higelin dévoile très tôt un tempérament artistique. À l’âge de 14 ans, il se présente à une audition du cabaret Les Trois Baudets. Il rêve de devenir Trenet, mais c’est au cinéma qu’il débute en 1959 dans Le bonheur est pour demain, d’Henri Fabiani. Sans avoir véritablement fait carrière à l’écran, on l’y verra souvent. La dernière fois en 2015, dans le rôle d’un éleveur de chevaux pour le Jappeloup de Christian Duguay. Mais la musique est la grande affaire de sa vie. En 1964, le producteur Jacques Canetti lui fait mettre en musique des poèmes de Boris Vian pour Serge Reggiani et Catherine Sauvage. L’année suivante, il rencontre Brigitte Fontaine et lui écrit «La Grippe», son premier tube. Beaucoup d’autres suivront dans la décennie 75-85. À partir de 1974, Higelin passe du cabaret jazz au glam rock et cartonne en 1975, avec Irradié, disque auquel collabore le jeune Louis Bertignac. Le suivant, Alertez les bébés! lui permet de décrocher son premier disque d’or.
Au fil des décennies, la carrière d’Higelin ne connaît pas la moindre éclipse, ses concerts, toujours aussi nombreux et généreux (son record: 7 heures!), suffisant à assurer le renouvellement continu de son public.Les dernières années, le public qui s’y pressait allait, comme celui des lecteurs de Tintin, de 7 à 77 ans. C’est à cet âge, plutôt précoce pour quelqu’un qui ne voulait jamais quitter la scène, qu’Higelin nous lâche. Sans avoir jamais abdiqué sa créativité (son dernier album est un de ses meilleurs), ni ses idées de gauche. On gardera le souvenir d’un baladin à la voix enfantine et à la tignasse en bataille, d’un poète à l’humilité touchante, d’un humaniste engagé et d’un showman l’infatigable générosité, capable de soulever les foules comme personne. Sa descendance artistique est assurée, avec un fils chanteur Arthur H, une fille actrice et chanteuse Izia, un autre fils réalisateur et acteur, Ken, et des émules talentueux comme Feu! Chatterton. Alors, on ravale ses larmes et on trinque à la postérité du Grand Jacques «Monté au ciel, à travers les nuages». Champagne!
CanneSéries: Le Palmarès
CanneSéries, premier festival international des séries télé s’est tenu du 4 au 11 avril, en parallèle avec le MipTV. Le public y était largement convié, avec des séances « Séries Addicts » gratuites dans tous les cinémas de la ville et des projections au Palais des Festival sur invitations pour les 10 séries en compétition et les avant premières. Il a répondu assez massivement et les séances ont été trés fréquentées malgré une météo désastreuse. L’ouverture s’est faite le mercredi 4 avril avec la projection de deux épisodes de la saison 3 de Versailles, en présence de l’équipe de la série vedette de Canal +. Le samedi 7 avril, pour l’ouverture de la compétition, c’est la série événement La Vérité sur l’Affaire Harry Québert, adaptée du best seller de Joël Dicker, qui était présentée en avant-première mondiale. Et en clôture, le 11 avril, on a pu voir deux épisodes de Safe, autre série événement écrite par Harlan Coben avec Audrey Fleurot et le héros de Dexter, Michael C. Hall. Le maître du polar présidait le jury chargé de départager les 10 séries internationales en compétition. Le choix était difficile car les dix séries en compétition étaient d’un excellent niveau, avec des moyens de cinéma et des histoires fortes ancrées dans celle de leur pays d’origine. Toutes pourraient trouver leur place sur une de nos chaînes de télévision (Arte notamment) ou sur une plateforme de visionnage par abonnement. Voici le palmarès, qui oublie la grande favorite, Killing Eve (série US d’espionnage au ton décapant), pour récompenser des histoires peut-être plus inattendues. Quitte a primer deux fois deux séries et à oublier celles dont on a le plus envie de voir la suite (Killing Eve et Félix)…
Meilleure série : When Heroes Fly (Israël)
L’histoire d’un groupe d’anciens commandos de Tsahal, traumatisés à divers degrés par la guerre, qui se retrouvent dix ans après avoir quitté l’armée pour partir à la recherche de la fiancée de l’un d’eux disparue en Colombie. La longue et scotchante scène d’ouverture au cours de laquelle le groupe essuie le feu ennemi pour sauver l’équipage d’un tank laissait penser qu’on avait affaire à une série de guerre, mais il ne semble pas que ce soit le cas. C’est peut-être ce twist inattendu qui a séduit le jury.
Meilleure série digitale : Dominos (USA)
Prix spécial d’interprétation aux acteurs de : Miguel (Israël)
Une série israélienne très originale sur le fond et sur la forme, inspirée de la vie du styliste et designer Tom Salama, qui a adopté plusieurs enfants au Guatemala. Miguel raconte la quête de l’un d’eux pour retrouver sa mère biologique. Les acteurs sont effectivement tous trés bons, même si on pariait plutôt sur ceux de la série italienne Cacciatore.
Meilleure interprétation : Francesco Montanari (Italie)
Le prix collectif aurait pu aller à l’ensemble des acteurs de Cacciatore, série de mafia italienne, inspirée des mémoires du juge anti mafia Alfonso Sabella. Mais Francesco Montanari qui l’incarne est particulièrement excellent (avec de faux airs de Borat, par moments).
Meilleur scénario : State of Happiness (Norvège)
Nous avions parié sur cette série norvégienne, qui est probablement la plus ambitieuse du point de vue du scénario. Elle raconte la vie d’une petite ville côtiére qui compte sur les forages pétroliers pour se relancer, alors que l’industrie de la pêche, sur laquelle elle a bâti sa prospérité, commence à décliner.Ça commence en 1969 et on suit une demi douzaine de personnages dont les destins s’entrecroisent. La réalisation et la reconstitution sont aussi impeccables.
Meilleure musique: State of Happiness (Norvège)
On a beaucoup aimé l’utilisation de chansons pop des années 70 dans cette série norvègienne deux fois primée. Mais on préférait celle de When Heroes Fly, superbe B.O electro jazz signée Roy Nassee.
Avec CannesSéries, c’est un autre Festival de Cannes qui vient de naître. On lui souhaite le même succès et la même longévité.
Shaka Ponk à Nice
Par Ph.D
Récompensé la veille d’une Victoire de l’album rock de l’année pour son dernier effort Evol’, Shaka Ponk a fait honneur à son titre pour son deuxième passage à Nikaia, avec un show survolté qui a électrisé 5000 spectateurs en furie. Une orgie de décibels, de vidéos, de lasers et de danses tribales, dont un des climax restera cette version de Smells Like Teen Spirit de Nirvana, démarrée piano-piano et finie en folie derrière la régie son, où les chanteurs Frah et Sam ont pris un bain de foule et fait un million de selfies. Avec en première partie le duo electro pop Alb, ce concert ultra jouissif restera dans les annales de Nikaïa.
R.I.P Johnny Hallyday (1943-2017)
Johnny Hallyday est décédé le 6 décembre 2017. Prévenu, semble-t-il, directement par Laeticia Hallyday, le président de la République Emmanuel Macron a été le premier à publier une réaction dans laquelle il constate: «On a tous quelque chose de Johnny». Bien qu’attendue depuis l’annonce de son cancer du poumon et sa récente hospitalisation pour «insuffisance respiratoire», la mort de Johnny Hallyday a provoqué la stupeur dans tout le pays et suscité une immense vague d’émotion. C’est aussi Laeticia Hallyday qui l’a annoncée aux premières heures du matin dans un communiqué extrêmement touchant: «Johnny Hallyday est parti. Jean-Philippe Smet est décédé dans la nuit du 5 décembre 2017. J’écris ces mots sans y croire. Et pourtant, c’est bien cela. Mon homme n’est plus. Il nous quitte cette nuit comme il aura vécu tout au long de sa vie, avec courage et dignité. Jusqu’au dernier instant, il a tenu tête à cette maladie qui le rongeait depuis des mois, nous donnant à tous des leçons de vie extraordinaires. Mon homme n’est plus. Le papa de nos deux petites filles, Jade et Joy, est parti. Le papa de Laura et David a fermé ses yeux. Ses yeux bleus qui illumineront encore et encore notre maison, et nos âmes». Depuis, les hommages se succèdent venus de tous les horizons et même de cette Amérique qui fit rêver le jeune Jean-Philippe au point de le pousser sur scène et sur les plateaux de cinéma pour imiter ses idoles Elvis Presley et James Dean. Pour le New York Times et le magazine Variety, c’est le «French Elvis» qui a disparu.
Johnny avait révélé au mois de mars 2017 être atteint d’un cancer du poumon. À 74 ans, alors qu’il venait à peine de terminer sa dernière tournée, il avait pourtant accepté de reformer, avec Jacques Dutronc et Eddy Mitchell, Les Vieilles Canailles pour de nouveaux concerts. Malgré la maladie et un traitement très lourd, il avait assuré bravement tous les concerts, en juin et juillet derniers, sans en annuler aucun. Un nouvel album et une tournée étaient même annoncés pour 2018-2019.Mais depuis quelques semaines, son état de santé donnait des signes alarmants de dégradation. Dans la nuit du dimanche 12 au lundi 13 novembre, victime d’une insuffisance respiratoire, il était hospitalisé d’urgence et le défilé de ses proches à son chevet faisait craindre le pire.De fait, Læticia leur aurait alors confié que «la guerre était perdue» et que l’idole n’avait plus que quelques jours à vivre. Depuis son retour à son domicile de Marnes-la-Coquette le samedi 18 novembre, les fans espéraient pourtant que leur idole aille mieux et finisse même par se rétablir, comme il l’avait fait en 2009 alors que les nécrologies étaient prêtes à imprimer. N’avait-il pas décrété au début de sa maladie un salutaire «Fuck le cancer»? Mais même ce survivant de tous les excès n’a pas pu gagner cette bataille-là. Pour les générations de Français qui l’ont toujours connu et ont suivi en direct pendant plus d’un demi-siècle les moindres péripéties de sa vie privée et professionnelle, il va falloir apprendre à vivre dans un monde sans Johnny. Avec sa disparition, c’est toute une page de notre histoire commune qui se tourne. Ses funérailles ont pris l’ampleur d’un hommage national réunissant sur les Champs Elysées et près de l’église de la Madeleine près d’un million de personnes. Seul Victor Hugo en avait réuni autant aux siennes.
Julien Doré à Nice
Julien Doré était de retour le 7 décembre à Nice pour un nouveau concert enfiévré dont il a le secret. 6000 spectateurs , en majorité des spectatrices, l’attendaient et lui ont fait un nouveau triomphe à Nikaia . Le chanteur a composé et enregistré les chansons de l’album, & (prononcer « Esperluette »), à Saint-Martin-Vésubie, où, enfant, il passait ses vacances dans le chalet de sa grand-mère. Il nous a raconté ce retour au(x) sommet(s)…
Quelle est l’histoire de ce chalet de Saint-Martin-Vésubie ?
Mes grands parents sont d’origine italienne. Ils sont arrivés en France en passant par Gènes et se sont arrêtés dans les Alpes-Maritimes. Ce chalet, qui appartient à ma grand-mère paternelle, pas très loin de la frontière italienne, est un peu le symbole de leur passage en France. La famille des deux côtés des Alpes pouvait s’y retrouver pour les vacances. J’y suis venu hiver comme été pour les vacances scolaires, jusqu’à mon adolescence, puis plus du tout. Cela faisait une bonne quinzaine d’années que je n’y étais pas retourné. Le lac de la Madone, La Colmiane, la station de ski, la rivière, j’ai tout retrouvé intact. Sans nostalgie, mais avec le sentiment d’un point d’ancrage familial très fort.
Qu’est ce qui vous a donné envie d’y revenir ?
Quand elle passait me voir en concert, ma grand-mère me disait souvent que je devrais aller m’y reposer, que ce serait un bon endroit pour composer. Elle invitait aussi mes musiciens à y aller… Après la tournée de Love, je m’en suis souvenu et je me suis dit que ce serait une bonne idée de passer quelque temps là-bas. Quand une tournée s’arrête, c’est comme un gouffre qui s’ouvre devant vous. On vit tellement d’émotions pendant un an et demi avec ses musiciens, son équipe et le public chaque soir, que se retrouver soudain seul avec soi-même n’est pas forcément facile. J’avais un peu peur de me retrouver tout seul à Paris et je me disais que je pourrais y digérer tous ces jolis souvenirs d’une belle façon. Je ne savais pas que ça ferait aussi naître des chansons. Après les attentats de novembre à Paris, la lumière s’est éteinte. C’est devenu une évidence que c’était là que je la retrouverais.
Comment s’est effectué l’enregistrement?
J’ai commencé par monter un piano pour voir si ça m’inspirerait d’être entouré de ces montagnes et de cette nature.Comme ça venait bien, j’ai fait venir les musiciens. Finalement tout l’album a été composé et enregistré dans le chalet, sur presqu’un an, en différents séjours, suivant le cycle des saisons. C’était la première fois que je travaillais de cette manière. D’habitude, on s’enferme en studio pendant trois semaines.Là, j’avais un espace magique où je pouvais rester aussi longtemps que je voulais, tout était ouvert, il n’y avait rien d’aseptisé, c’était simple et ça me faisait du bien. En plus j’ai fait des rencontres formidables là-haut.
Les lieux semblent avoir une fonction importante dans votre inspiration.Après «Paris Seychelles», il y a sur l’album une chanson intitulée «Porto-Vecchio»
Oui et «Beyrouth Plage» aussi.La notion de voyage, quand on écrit une chanson, est essentielle. On pose une barque sur une rivière et on la laisse filer.On ne contrôle pas la destination, Dans les chansons que j’écris, il y a l’idée d’embarquer ensemble vers une destination que je ne fige pas pour laisser à celui qui les écoute la possibilité de se les approprier, d’en faire une chose à lui. J’ai découvert la Corse grâce au succès de l’album précédent et à la tournée qui a suivi.Je n’y avais jamais été et j’ai découvert un territoire magnifique, qui mêle mer et montagne, un équilibre entre la ville et la nature, une façon de préserver la nature, un accueil surtout… «Porto-Vecchio» vient de là.
Pourquoi ce titre: «&»?
Il se prononce «esperluette», je trouve le mot joli. Au-delà de ça, il permet de laisser les choses ouvertes.«&», c’est à la fois une ouverture et un lien. J’ai de plus en plus conscience d’un lien fort avec les gens qui aiment mes chansons.Et en même temps, je trouve très important de laisser les choses ouvertes. J’ai beaucoup de mal avec l’idée d’une proposition artistique figée, verrouillée. Le concept de la pochette suggère aussi une fenêtre sur un univers ouvert, avec des images qu’on peut changer en fonction de l’humeur du moment.
Cette ouverture passe aussi par le partage.Il y a encore un duo sur cet album…
Oui, avec Juliette Armanet sur «Corail».Je l’ai rencontrée sur ma précédente tournée, où elle faisait mes premières parties.Elle écrit de très belles chansons, qu’elle chante avec une voix intemporelle. C’est essentiel pour moi de garder la trace d’une rencontre importante avec un autre artiste.Il y en a dans chacun de mes disques: Arno sur le premier album, Françoise Hardy sur le second, Micky Green sur Love, Brigitte…
Et Pamela Anderson dans le clip du Lac!
Oui, c’est une autre forme de duo. Né d’une idée un peu folle.Pour ce clip, je voulais l’incarnation iconique du féminin.Je me suis demandé qu’elle était l’icône générationnelle qui pouvait toucher à la fois le charnel, le maternel et l’affectif.Pamela Anderson, c’est un symbole qui rejoint mon enfance (j’avais 8-9 ans quand elle jouait dans Alerte à Malibu) et aujourd’hui on la redécouvre dans le combat d’une femme de 40 ans, qui a pris un virage de vie absolument courageux. C’était une jolie idée de se rencontrer et de se dire qu’on partageait ça. Ça s’est fait très simplement.Elle a été merveilleuse…
Les événements dramatiques de l’année ne semblent pas avoir laissé de traces sur l’album. C’est voulu?
Chacun a sa manière de vivre avec ça. D’une manière générale, ce n’est pas l ‘actualité qui déclenche mon écriture et cet album n’est clairement pas un disque post-attentats.Je ne veux pas faire de mélanges ou jouer sur les bons sentiments.Mais bien sûr qu’en tant qu’homme je me suis posé la question de savoir si monter sur scène avait encore un sens après ça. Qu’on soit artiste ou pas, on doit vivre avec cette réalité.Ma réponse c’est que l’art, la littérature, le cinéma, la musique, c’est important. Ça nous aide à aspirer à mieux, au beau.Ce n’est pas rien. Quand je monte sur scène, des gens viennent me voir.C’est important de continuer, d’être là pour eux.
Comment vivez-vous le succès que vous a apporté Love et que ce nouvel album a encore multiplié ?
Comme une bénédiction et un encouragement à occuper pleinement la liberté qui m’est donnée de créer. Ma façon de ne pas me sentir assis et poussiéreux, c’est de faire de chaque album une nouvelle aventure créative.Le jour où ça ne sera plus vital à ce point pour moi, où j’aurais le sentiment de trahir le privilège qui m’est octroyé, je ferai autre chose. De la musique pour d’autres, des clips, du cinéma, ou totalement autre chose. J’achèterai une maison dans les Cévennes et je m’occuperai de mes enfants et des animaux. Pour cet album-là, je ne pouvais pas plus donner de ce que je suis et de ce que j’ai envie de partager.
Johnny: son dernier concert à Nice
C’est au palais Nikaïa que Johnny Hallyday avait choisi de préparer et de lancer sa dernière tournée : le Rester Vivant Tour. On y était…
Rester Vivant Tour : l’intitulé fit d’abord couler pas mal d’encre virtuelle sur les réseaux sociaux toujours prompts à se moquer. Mais en 2015, Johnny avait une fois de plus fait ravaler leur morgue à tous ses contempteurs. Le Taulier tenait une forme impériale et la tournée qu’il était venu préparer et lancer à Nice, les 2 et 3 octobre 2015, fut l’une des plus réussies de sa carrière avec 90 concerts dans toute la France, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, jusqu’en juillet 2016. Infatigable, Johnny voulait aller partout.
Avec ses trois guitaristes et sa section de cuivres, le dernier groupe qui l’a accompagné était l’un des meilleurs qu’il ait jamais eu. Pendant les répétitions du nouveau spectacle à Nikaia, auxquelles nous avions eu la chance d’assister aux côtés de Laeticia, de Sebastien Farran son manager et de Pierre Alexandre Vertadier, le producteur de la tournée, la cohésion et la puissance de cet ensemble (15 musiciens et choristes) nous avaient encore bluffés. Musicalement, la venue de l’ex-FFF Yarol Poupaud, à la direction musicale et à la guitare lead, était la meilleure chose qui pouvait arriver au répertoire de Johnny, qu’il tirait vers le rock et le Rhythm and Blues, en écartant les dernières scories variétoche qui l’encombraient encore. Les chansons du nouvel album, prenaient en live une nouvelle dimension, notamment « Rester vivant », qui ouvrait le show et « Au café de l’avenir ». Les plus anciens titres et les reprises en anglais, joués sur une scène avancée au milieu de la fosse, étaient orientés rockabilly: une voie que le chanteur souhaitait explorer en studio pour ses prochains disques.
Pour cette tournée, Johnny était allé puiser si loin dans son répertoire qu’à quelques heures de la première, il avouait ne pas encore totalement maîtriser tous les morceaux. Pendant les répétitions, qui s’enchaînaient sur la scène du Palais Nikaïa, on le vit arpenter la scène en tee-shirt et jean noir, lunettes de soleil et teint bronzé, sourire aux lèvres, visiblement aux anges. Depuis la salle vide, on l’observait procéder aux derniers réglages avec ses musiciens, posant sa voix sans forcer, demandant aux musiciens de modifier une mesure, râlant quand le son des retours n’était pas assez fort, puis allumant une clope pour laisser tomber la pression… Entre deux chansons, Yarol Poupaud lui rappelait les détails de mise en scène (« Là tu descends sur l’avant-scène, là tu reviens pour le final… ») qu’il écoutait religieusement et s’attachait ensuite à suivre le plus fidèlement possible.
Un exemple d’humilité et de professionnalisme.
Derrière la régie son, Laeticia, toujours fan N°1 de son homme, filmait et photographiait tout, pour lui montrer ensuite ce que ça donnait, vu de la salle. Au mois de juillet à Monaco, où le Taulier achevait sa tournée des festivals, Pierre Alexandre Vertadier nous avait promis un spectacle « gigantesque »: il n’avait pas exagéré. La scène, surmontée d’une tête de mort géante (et mobile) dans laquelle Johnny faisait son entrée, était énorme. Le système d’écrans mobiles, utilisé pour la première fois sur cette tournée, lui donnait une profondeur incroyable.Les écrans passaient du fond de scène, aux côtés et au plafond, sans que jamais la machinerie ne soit visible, comme s’ils volaient. Les rampes de lumières disposées devant, derrière, au dessus et sur les côtés, faisaient le reste avec des effets magnifiques. Paraissant minuscule dans ce décor monumental, le groupe semblait jouer dans une boîte à musique géante, animée et éclairée comme un 14 juillet. C’est la dernière image que l’on gardera de Johnny sur scène. Une apothéose !
IAM à Nice
(Photos GJ2L)
Après leur set incendiaire en juillet dernier au Nice Jazz Festival, où ils avaient donné la primeur des titres de leur nouvel album Rêvolution, les Marseillais d’IAM sont revenus à Nice (Nikaïa), le 14 novembre, pour célébrer, cette fois, le 20 e anniversaire de leur opus majeur L’Ecole du Micro d’Argent. Paru en 1997, L’Ecole est aujourd’hui considéré comme la pierre angulaire du rap français. Vendu à plus d’1,6 millions d’exemplaires à sa sortie, réédité plusieurs fois depuis (dernière version en triple CD), L’Ecole du Micro d’Argent et ses tubes («Demain c’est loin», «Petit frère», «l’Empire du côté obscur», « Nés sous la même étoile »…) constituent l’ossature du nouveau spectacle, inauguré à Amneville (voir vidéo) et avec lequel IAM a mis le feu à Nice devant un Nikaia plein comme un Coeur et en surchauffe . Nice, où les rappeurs marseillais aiment décidément beaucoup se produire, était une des premières villes à accueillir la tournée et son spectacle impressionnant. L’album n’a pas pris une ride et c’est à croire que la bande à Akhenaton non plus.
Michel Sardou à Nice
Binoche-Barbara à Antibes
(Photo Christophe Raynaud de Lage)
Après Depardieu sur scène et Jeanne Balibar au cinéma, Juliette Binoche s’attaque, à son tour, au mythe Barbara. On ne l ’attendait pas forcément là, pourtant l’actrice se glisse tout en délicatesse dans les mots de la longue dame brune pour un récital poétique, musical et parlé. Avec un accompagnateur d’exception : le pianiste Alexandre Tharaud. La comédienne dit les textes du bout des lèvres et nous l’entendons du bout du coeur. Le pianiste qui a eu l’occasion plusieurs fois par le passé de rendre hommage à l’idole de sa jeunesse continue d’oeuvrer pour la mémoire de la chanteuse de minuit. Le spectacle, créé en Avignon cet été, a été ovationné. Juliette Binoche et Alexandre Tharaud l’ont présenté les 10 et 11 octobre à Anthéa Antibes. Vingt ans après sa disparition, Barbara ne nous quitte toujours pas. L’Aigle Noir fait aussi l’objet d’une grande exposition à la Philharmonie de Paris…
Depardieu/Barbara à Monaco
(Photos SBM © Philip Ducap Fine Art Photography)
C’était le rendez vous le plus prestigieux et le plus exclusif de l’été 2017: Depardieu chante Barbara sous les ors de l’opéra de Monte Carlo. Aux Bouffes du Nord à Paris, cet hiver, le spectacle a fait salle comble neuf soirs de suite. A Monaco, après l’annulation d’une des deux dates prévues (officiellement pour « raisons liées à l’agenda de l’artiste»), alors que le spectacle ne sera joué nulle part ailleurs avant sa reprise, en novembre à Paris au Cirque d’hiver, les 500 places de la salle Garnier ont eu du mal à trouver preneurs. Comprenne qui pourra… A l’heure dite en tout cas, il apparaît sur scène, ogre en chemisette et mocassins bleus, une main trouvant appui sur le piano de l’autre Gérard, Daguerre, qui accompagna Barbara de 1980 à sa mort. Leur complicité est évidente. Dans le halo de lumière blanche qui les réunit, l’un dit les mots de Barbara et les chante (plus qu’il ne le fait sur l’album), l’autre l’accompagne, à l’écoute de ses moindres intonations. C’est quand la voix se fait la plus douce, presqu’un murmure, que l’émotion est la plus grande. «Ô mes théâtres », « Emmène moi », « Marienbad » , « La petite cantate », premier sommet d’émotion, « Perlimpinpin », « Drouot », « La Solitude », « A Force de », « Sid’amour à mort » déchirante, « Götingen » intemporelle… Ces chansons immortelles, Depardieu les transcende, tonne et susurre, passe de l’une à l’autre, appuyé au piano ou au dossier d’une chaise, dont il fera peu d’usage, accompagnant les textes de petits gestes de la main ou d’une simple avancée de son corps de géant. Faisant siens les mots de Barbara jusqu’au trouble. Quand il dit « On est étrange quand on est différent », est-ce de lui ou bien d’elle ? Épatante idée, en tout cas, que de la citer dans les intervalles entre les chansons, pour s’adresser au public. Qui d’autre pourrait prétendre, avec un corps pareil « Je suis une femme qui chante », sans sombrer dans le ridicule ? Personne. Lorsque, redevenu l’immense acteur qu’il peut-être, Depardieu déclame « chanter , c’est mon poison et ma médecine » , le public entend « jouer » à la place de « chanter »… Magnifique spectacle, magnifique soirée ! Tant pis pour ceux qui l’ont boudée.
Céline Dion à Nice
Il y avait pourtant Sting à Juan les Pins et IAM, place Massena… Mais la reine du jour (et de l’été), c’était bien elle: Céline Dion. Presque dix ans qu’elle n’était plus venue chanter à Nice et vingt qu’elle n’avait pas fait une vraie tournée en France. C’est peu dire qu’elle était attendue. L’imitatrice Véronique Dicaire, qui assure vaillamment la première partie, avait à peine terminé «I Will Always Love You» en version Céline, que les 32000 spectateurs de l’Allianz Riviera scandaient déjà son nom: «Céline! Céline! Céline!». Comme chaque soir depuis le début de sa tournée, la chanteuse a fait son entrée en pantalon noir et veste argentée sur «Rendez vous dans un autre monde» (voir vidéo). Silhouette élégante et gracile, mais voix déjà bien assurée. Elle tiendra tout le concert à ce niveau, grimpant dans les aigus et poussant les notes les plus difficiles sans jamais faillir. Crinière blonde et poses de rockeuse: on retrouve d’emblée la performeuse de toujours. Céline, c’est un peu Johnny au féminin. Une bête de stades !
Derrière elle, l’orchestre composé d’une quinzaine de musiciens et trois choristes, assure en mode rock’n’roll. Ça fait du bruit, mais l’enceinte de l’Allianz Riviera encaisse très bien les décibels. Pour son premier mega -concert, le nouveau stade de Nice a donné toute satisfaction, question acoustique et visibilité (en dehors de certaines places sur les tribunes latérales, vraiment trop décalées par rapport à la scène). Le spectacle était de toute beauté. Pourtant, l’immense scène de 52 mètres sur 20 paraissait presque dépouillée avant le show. Pas de décor, ni d’effets spéciaux comme à Las Vegas : juste de superbes lumières, quelques projections vidéo, Céline, ses musiciens et ses chansons. Et ça suffit amplement ! Les titres du nouvel album ( « Encore un soir », « L’étoile », « Si c‘était à refaire » « A vous » ) passent fort bien la rampe du live. Avant d’introduire «Encore un soir», la chanteuse quebecoise a tenu à s’adresser au public niçois: « Il était hors de question de ne pas s’arrêter à Nice, confia-t-elle, la main sur le cœur et l’émotion à fleur de peau.L’an dernier, nous étions de tout cœur avec vous.Ensemble, ce soir, nous allons célébrer la vie, la musique et le plaisir de se retrouver.Mais nous penserons aussi à ceux qui nous ont quitté.Je vous aime!».
(Photo Frantz Bouton/NiceMatin.fr)
Le reste ? Une longue série de tubes (« On ne change pas » , « Je t’aime encore » , « Zora sourit », « Si c’était à refaire » , «S’il suffisait d’aimer» , «Ziggy»… ) interprétés avec force, conviction et générosité , souvent repris en chœur par la foule. Avec un intermède sexy sur «Le Ballet» au cours duquel la chanteuse apparaît dans une combinaison en dentelles noires ultramoulante et chante dans toutes les positions, en corps à corps langoureux avec un danseur… La température grimpe d’un coup de plusieurs degrés dans le stade. Tant pis pour les prudes qui trouvent le numéro déplacé «à son âge…». Céline et ses 49 ans triomphants, n’en ont cure. Elle enfile une cape noire façon Catwoman et se lance dans sa première chanson en anglais « Because You Loved Me ». Elle sera suivie de plusieurs autres, avec un final endiablé de reprises d’Ike et Tina Turner («River Deep Mountain High») , Queen («The Show must go on» à faire trembler les murs du stade) et de Michael Jackson. Sur « Black or White» , séquence familiale à l’écran: René Charles Jr vient rapper pendant que sa mère chante et ses frères, Nelson et Eddy font les danseurs. Le public en chavire de bonheur. Mais l’émotion est à son comble quand elle réapparait au rappel, portant le tee-shirt des Anges de la Prom. La chanteuse traverse alors la foule pour rejoindre une nacelle dans laquelle elle grimpe avec son guitariste pour chanter « Pour que tu m’aimes encore» au dessus du public. Elle s’en va en disant merci, mais c’est Nice qui la remercie. Quel show !
Jane Birkin à Monaco
A la suite du tremblement de terre et de la catastrophe nucléaire de Fukushima, Jane Birkin s’était rendue au Japon pour participer à un concert de soutien aux victimes. C’est à cette occasion qu’elle a rencontré Nobuyuki Nakajima qui arrangera les chansons de Gainsbourg pour une tournée hommage des 20 ans de sa disparition, Serge et Jane VIA JAPAN . Ces versions symphoniques sont désormais réunies dans un album magnifique :Birkin-Gainsbourg, le symphonique (Parlophone). Jane les a chantées le 11 mai 2017, à l’Opéra Garnier Monte-Carlo, accompagnée par l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, pour un concert à guichets fermés, qui laissera un très beau souvenir. Un de plus pour cette salle magnifique, où Lana Del Rey et Marianne Faithfull (pour ne citer qu’elles) ont chanté.
Renaud à Nikaïa
(Photos Franck Fernandes/Nice Matin)
Par Philippe DUPUY
Après dix longues années d’absence,Renaud a réussi son retour à Nice. S’il voulait se mettre le public niçois définitivement dans la poche, il ne s’y serait pas pris autrement. Après avoir fait installer les enfants de l’assistance au premier rang (et affirmé qu’il s’arrêterait de chanter le jour où il n’y aurait plus d’enfants dans son public), le créateur de «Morgane de toi» et de «Mistral Gagnant» a annoncé que la recette du spectacle irait intégralement à l’association Promenade des Anges qui s’occupe des jeunes victimes du 14 juillet. Annonce ovationnée par la salle, déjà tout acquise au chanteur et prête à entonner à sa place tous les succès qui composent le concert. Car, comme l’avoue lui-même Renaud à la fin de «Toujours debout» (la chanson emblématique de son come-back) : «Retapé, remis sur pied, c’est vite dit!». L’alcool et les cigarettes ont, semble-t-il, définitivement eu raison de ses cordes vocales. Même s’il accuse désormais une méchante rhinopharyngite d’altérer ses performances (attention à l’embolie pulmonaire!), il se confirme au fil des concerts que Renaud est désormais un chanteur incapable de chanter.Sa voix n’est plus qu’un croassement pénible. D’un autre que lui, le public ne le supporterait sans doute pas. Mais il est tellement heureux de retrouver Renaud et de pouvoir chanter avec lui ses chansons favorites, que les concerts se transforment en karaoké géant. La mise en scène est superbe, avec les plus belles projections 3D qu’il nous ait été donné de voir. Elles forment des décors magnifiques et font apparaître des personnages plus vrais que nature au-dessus des musiciens. L’orchestre qui accompagne Renaud est très bon et sa musicalité compense partiellement les absences vocales du chanteur. Moyennant quoi, on passe une excellente soirée avec «Manu», «Germaine», «Pierrot», les «500 connards sur la ligne de départ», «Miss Maggie» et «La mère à Titi», entre autres chansons exhumées des profondeurs de la discographie du «chanteur énervant». De celles du dernier album, on retient surtout «Hyper Kasher», en hommage aux victimes du terrorisme, dont la liste s’allonge, hélas, de mois en mois. À Nice, Renaud l’a dédiée à une petite fille de 11 ans, Amie, qui se faisait une joie de venir au concert avec son père et son frère, et qui a perdu la vie le 14 juillet sur la Prom. Un moment d’intense émotion partagée.
R.I.P Leonard Cohen (1934-2016)
(Photos Realis/Monte Carlo SBM)
Leonard Cohen, qui vient de nous quitter, avait donné plusieurs concerts sur la Côte d’Azur depuis son come back de 2008. On l’a vu notamment au Nice Jazz Festival en 2008 (Bono et The Edge de U2 assistaient au concert et lui avaient fait une haie d’honneur à sa sortie de scène), au Sporting Club de Monte Carlo en août 2009 et au Zenith Omega de Toulon en 2012. Jean-René Palacio, directeur artistique de la Société des Bains de Mer à Monaco, se souvient avec émotion des deux magnifiques concerts du Sporting, les 22 et 23 août 2009 (nos photos) « J’avais été abasourdi par la qualité musicale extraordinaire de ses prestations » confie-t-il. « Il avait été difficile à convaincre de venir jouer chez nous, car la formule du dîner-spectacle ne lui plaisait guère, mais il avait finalement accepté deux soirées et je ne crois pas qu’il l’ait regretté. Nous n’avons échangé en coulisses que les politesses d’usage, car il était très discret, comme tous les grands artistes, mais ce sont des moments qu’on n’oublie pas. Il dégageait une grande chaleur humaine et avait cette aura particulière qu’ont toutes les grandes stars. C’était un chanteur à la voix inoubliable, mais aussi un grand poète et un écrivain, qui aurait mérité le prix Nobel tout autant que Bob Dylan. C’est une perte immense pour la culture anglo-saxonne, dont il donnait une image autrement plus élevée que celle qu’on peut avoir aujourd’hui par ailleurs ». So Long Leonard… Et Hallelujah !